Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 28 mai 2014 et un mémoire enregistré le 28 novembre 2014, la SCI Bonsaï, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 11 mars 2014 ;
2°) de lui accorder la décharge demandée ;
3°) à titre subsidiaire, d'imposer l'opération litigieuse dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle pouvait, en tant que société civile immobilière de construction-vente, bénéficier du dispositif d'exonération prévu à l'article 239 ter du code général des impôts ;
- le déficit de l'exercice 2005 doit être imputé sur le revenu global des associés au titre de l'année 2005 ; l'administration n'est pas fondée à lui demander de justifier des déficits antérieurs reportables en 2006 ;
- le rejet d'un solde créditeur du compte courant d'associé doit être rattaché à l'exercice de cessation d'activité ;
- le stock de marchandises constaté à la clôture de l'exercice 2005 doit constituer un produit de cet exercice ;
- la somme de 48 000 euros conserve la nature d'une charge déductible, qu'elle soit analysée comme une indemnité due à la cédante ou comme un complément de prix ;
- les charges correspondant à des factures de matériels et de matières premières pour un montant de 201 828 euros doivent être admises en déduction ;
- s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée sur marge acquittée au titre de l'année 2006, la notification d'un profit sur le Trésor pour 75 731 euros correspondant à de la taxe sur la valeur ajoutée non reversée est sans fondement car ce profit a déjà été constaté dans les produits déclarés ;
- la taxe sur la valeur ajoutée relative aux frais générés par la promotion immobilière de Saint-Tropez doit être admise en déduction ;
- la taxe sur la valeur ajoutée payée sur la totalité du prix de vente aboutit à une double imposition ;
- la taxe sur la valeur ajoutée réclamée au titre de l'année 2007 n'a fait l'objet d'aucune motivation et notification ;
- compte tenu des dégrèvements accordés, le litige ne porte plus sur ces impositions et la substitution de base légale réclamée par l'administration est impossible dès lors qu'elle porte sur des impôts distincts, la base imposable et le redevable de l'impôt étant eux-mêmes distincts ;
- en outre, cette substitution de base légale prive le contribuable de l'exercice de ses droits à la défense ;
- si le principe de l'imposition de l'opération était maintenu, il est demandé à ce qu'elle soit considérée comme entrant dans son activité normale et qu'à ce titre, elle soit imposée dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ;
- ce sont les déclarations de résultats qu'elle a déposées au titre de l'exercice clos en 2006 qui doivent être retenues pour l'appréciation de la base imposable à l'impôt sur le revenu chez les associés.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 octobre 2014, le ministre chargé du budget conclut au non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements prononcés et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Le ministre fait valoir que :
- les impositions supplémentaires en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée mises à la charge de la requérante ne sont pas maintenues ;
- il résulte des dispositions du I de l'article 150 du code général des impôts que le profit réalisé par la SCI Bonsaï doit être déterminé au niveau de la société et imposé en tant que plus-value des particuliers au nom de chaque associé ;
- il est demandé à la Cour de constater que la SCI Bonsaï n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 239 ter du code général des impôts et que le profit réalisé au titre de la cession litigieuse, d'un montant de 477 979 euros, relève des plus-values des particuliers visées à l'article 150 U du code général des impôts, par substitution de base légale.
Un mémoire présenté par le ministre des finances et des comptes publics a été enregistré le 20 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli,
- les conclusions de M. Maury, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., pour la SCI Bonsaï.
1. Considérant que la SCI Bonsaï, qui exerce une activité de construction-vente d'immeubles et de marchand de biens, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 ; qu'elle a acquis le 17 octobre 2006 une propriété située à Saint-Tropez sous la condition suspensive d'obtenir le permis de construire de l'immeuble et le permis de construire deux villas et l'a revendue le jour même ; que, pour remettre en cause le bénéfice de l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue par les dispositions de l'article 239 ter du code général des impôts applicable aux sociétés civiles ayant pour objet la construction d'immeubles en vue de la vente, l'administration a estimé que l'opération en litige, qui était la seule opération réalisée sur la période vérifiée, n'était pas une opération de construction-vente et que la société avait étendu son objet social à l'activité de marchand de biens en 2005 ; que le service a remis en cause le régime d'imposition prévu à l'article 239 ter du code général des impôts et, estimant que la société relevait de plein droit de l'impôt sur les sociétés conformément aux dispositions du 2. de l'article 206 du code général des impôts, a procédé à des rectifications en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée ; que la SCI Bonsaï relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 11 mars 2014 rejetant sa demande en décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2006 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2006 ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 206 du code général des impôts, dans sa version applicable aux impositions en litige : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 8 ter, 239 bis AA et 1655 ter, sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes dans les conditions prévues au IV de l'article 3 du décret n° 55-594 du 20 mai 1955 modifié (...) / 2. Sous réserve des dispositions de l'article 239 ter, les sociétés civiles sont également passibles dudit impôt, même lorsqu'elles ne revêtent pas l'une des formes visées au 1, si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 " ; qu'en vertu du I de l'article 239 ter du même code : " les dispositions du 2 de l'article 206 ne sont pas applicables aux sociétés civiles créées après l'entrée en vigueur de la loi n° 64-1278 du 23 décembre 1964 et qui ont pour objet la construction d'immeubles en vue de la vente, à la condition que ces sociétés ne soient pas constituées sous la forme de sociétés par actions ou à responsabilité limitée et que leurs statuts prévoient la responsabilité indéfinie des associés en ce qui concerne le passif social. / Les sociétés civiles visées au premier alinéa sont soumises au même régime que les sociétés en nom collectif effectuant les mêmes opérations ; leurs associés sont imposés dans les mêmes conditions que les membres de ces dernières sociétés " ; qu'en application de l'article 8 de ce code, dans sa version applicable aux impositions en litige : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. (...) / Il en est de même, sous les mêmes conditions : / 1° Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes de sociétés visées à l'article 206 1 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 " ; qu'enfin, aux termes du 1° bis du I de l'article 35 du même code, dans sa version applicable aux impositions en litige, " présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques (...) qui, à titre habituel, achètent des biens immeubles, en vue d'édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre, en bloc ou par locaux " ;
3. Considérant que l'administration fiscale expose qu'à défaut de justifier que la vente du terrain dont s'agit aurait été rendue nécessaire à la réalisation de son objet social ou provoquée par des circonstances indépendantes de sa volonté, la SCI Bonsaï doit être regardée comme ayant renoncé à réaliser son objet social de construction d'immeubles en vue de la vente et, par suite, comme ayant perdu le bénéfice des dispositions du I de l'article 239 ter du code général des impôts exonérant d'impôt sur les sociétés de telles opérations ; que, toutefois, pour être soumises à l'impôt sur les sociétés, les opérations autres que la construction vente doivent entrer dans les prévisions des articles 34 et 35 du code général des impôts ; que l'administration fiscale relève que la SCI Bonsaï n'a réalisé qu'un seul achat d'immeuble en vue de sa revente en l'état et que son associé prépondérant n'a pas la qualité de marchand de biens ; que l'administration en déduit qu'à défaut de remplir la condition d'habitude qui caractérise l'activité de marchand de biens, les impositions supplémentaires en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée mises à la charge de la requérante ne peuvent être maintenues ; que, par décision en date du 10 novembre 2014, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur du pôle gestion fiscale de la direction des finances publiques des Bouches-du-Rhône a accordé le dégrèvement des impositions en litige à concurrence d'un montant en droits et pénalités de 96 001 euros et de 33 112 euros pour l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2006 et d'un montant en droits et pénalités de 85 508 euros et 11 857 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée de l'année 2006, correspondant à l'abandon de l'intégralité des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés à laquelle la société a été assujettie au titre de l'année 2006 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2006 ; que les conclusions de la requête de la société sont, de ce fait, devenues sans objet ;
4. Considérant, toutefois, que l'administration fiscale rappelle que, même s'il est admis que les résultats de la SCI Bonsaï ne relèvent pas de l'impôt sur les sociétés, le profit tiré de l'achat revente du terrain ne relève pas non plus de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux dès lors qu'il ne s'agit pas d'une opération commerciale telle que définie à l'article 35 du code général des impôts et demande à la Cour une substitution de base légale sur le fondement des dispositions du I de l'article 150 U du code général des impôts et l'imposition des membres de la société civile selon le régime prévu à l'article 8 du même code, ceux-ci étant donc personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société selon le régime des plus-values immobilières des particuliers ; que, toutefois, eu égard à ce qui a été dit au point 3 au sujet de la disparition de l'objet de la requête, la circonstance que le ministre chargé du budget demande de donner aux impositions contestées une nouvelle base légale ne saurait faire obstacle à ce que la Cour décide qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la requête dont elle est saisie ;
5. Considérant, en outre, que, compte tenu du caractère distinct des impôts et des redevables sur lesquels porte la demande de substitution de base légale, une telle demande ne peut, dans le cadre de ce litige, qu'être écartée ;
Sur les conclusions présentées par la SCI Bonsaï au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la SCI Bonsaï au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SCI Bonsaï.
Article 2 : L'Etat versera à SCI Bonsaï la somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Bonsaï et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 4 février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bédier, président de chambre,
- Mme Paix, président assesseur,
- M. Haïli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 février 2016.
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N° 14MA02379 2