Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2015, la SARL Polymat, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 novembre 2014 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la réponse aux observations du contribuable est insuffisamment motivée ;
- la documentation administrative de base référencée 13 L-1514 à jour au 1er juillet 2002 confirme l'obligation de motiver la réponse aux observations du contribuable ;
- l'administration ne justifie ni l'existence de factures fictives et de complaisance ni, par voie de conséquence, le rejet de sa comptabilité comme non probante ;
- les charges en litige sont réelles et ont été engagées dans l'intérêt de son exploitation ;
- elle ne disposait d'aucun engin en stock à la clôture de l'exercice 2008.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Polymat ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ouillon,
- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public.
1. Considérant que la SARL Polymat relève appel du jugement du 20 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006, 2007 et 2008 à la suite de la vérification de comptabilité de son activité d'achat-vente et de location de matériels de travaux publics ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée " ; que l'exigence de motivation qui s'impose à l'administration dans ses relations avec le contribuable vérifié en application de ces dispositions s'apprécie au regard de l'argumentation de celui-ci ; qu'en tout état de cause, l'administration n'est tenue de motiver sa réponse aux observations du contribuable que sur les éléments relatifs au bien-fondé des impositions qui lui ont été notifiées ; qu'ainsi, lorsque le contribuable vérifié ne présente pas d'observations concernant un redressement ou que ses observations ne permettent pas d'en critiquer utilement le bien-fondé, dès lors qu'elles se bornent à contester la régularité de la procédure d'imposition, l'absence de réponse de l'administration sur ce point ne le prive pas de la garantie instaurée par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; que ce défaut de réponse n'est enfin susceptible de priver le contribuable de la garantie découlant de la possibilité, en cas de persistance du désaccord, de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, en application de l'article L. 59 du même livre, que lorsque les redressements en cause relèvent de la compétence de cette commission ;
3. Considérant, en premier lieu, que la circonstance que l'administration n'aurait pas répondu, dans sa lettre du 28 septembre 2010, à la remarque de la SAS Polymat sur l'existence d'une dette à paiement échelonné ne l'a pas privée de la garantie instaurée par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dès lors que les développements du vérificateur relatifs à l'existence de cette dette n'ont pas fondé les impositions supplémentaires en litige ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des termes de la lettre du 28 septembre 2010 adressée à la SARL Polymat en réponse aux observations qu'elle a présentées le 20 août précédant, que l'administration a indiqué maintenir les rectifications tenant à la réintégration de charges qu'elle regardait comme dépourvues de contrepartie après avoir exposé de manière circonstanciée les motifs pour lesquels elle écartait les arguments invoqués par la société requérante pour critiquer ces rectifications ; qu'ainsi, la réponse de l'administration aux observations présentées par la requérante sur ce point satisfait aux exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
5. Considérant, en troisième lieu, que la SARL Polymat n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de la documentation administrative de base référencée 13 L-1514 du 1er juillet 2002, qui est relative à la procédure d'imposition ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et particulièrement de la proposition de rectification du 22 juin 2010 que si l'administration a rejeté la comptabilité de la société requérante au titre des années vérifiées, compte tenu des anomalies constatées au cours du contrôle, elle a seulement, en matière d'impôt sur les sociétés, remis en cause la déduction de charges des résultats imposables et rectifié le montant des stocks ; qu'ainsi, en l'absence de reconstitution extracomptable du chiffre d'affaires de l'entreprise, les impositions en litige ne résultent pas du rejet de la comptabilité lequel, en l'absence de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, n'a pas davantage eu d'incidence sur la charge de la preuve ; que, par suite, la SARL Polymat ne peut utilement contester le rejet de sa comptabilité par l'administration ;
En ce qui concerne la remise en cause de la déduction de charges :
7. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ;
8. Considérant que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;
9. Considérant qu'en vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis ; que la seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder, en droit, la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense ; que le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration ;
10. Considérant que l'administration a remis en cause la déduction des résultats imposables de l'exercice clos en 2007 de quatre factures émises par la SARL AFS Diffusion et d'une facture établie au nom de la SAS Promatex, pour un montant total de 84 100 euros, au motif que la réalité des prestations ou des biens facturés n'était pas établie ; qu'il résulte de l'instruction que, d'une part, les factures " AFS Diffusion " ont été établies après la radiation de cette société du registre du commerce et des sociétés intervenue le 11 avril 2006, que la SARL AFS Diffusion avait un objet social étranger à la nature des opérations facturées et que les chèques émis pour le règlement de ces factures ont été encaissés par des tiers et que, d'autre part, s'agissant de la facture qui aurait été émise par la SAS Promatex, le service a constaté que cette facture présentait des différences de forme importantes par rapport aux autres factures établies par ce fournisseur et que le chèque émis pour son règlement avait été encaissé par un associé de la SARL Polymat et fils de son gérant ; que la SARL Polymat, alors que ces éléments sont de nature à remettre en question la réalité des prestations et des biens qui lui ont été prétendument facturés, se borne à soutenir qu'elle ignorait la situation juridique dans laquelle se trouvait la SARL AFS Diffusion et qu'il n'existe aucune règle déterminant la forme sous laquelle sont présentées les factures sans, toutefois, fournir d'éléments permettant d'établir la réalité et la nature des prestations facturées ainsi que l'existence et la valeur de la contrepartie qu'elle en a retirée ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la déduction des charges correspondant aux factures en litige ;
En ce qui concerne la minoration de stocks :
11. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) 3. Pour l'application des 1 et 2, les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient. (...) " et qu'aux termes de l'article 38 ter de l'annexe III au code général des impôts : " Le stock est constitué par l'ensemble des marchandises (...) qui sont la propriété de l'entreprise à la date de l'inventaire et dont la vente en l'état ou au terme d'un processus de production à venir ou en cours permet la réalisation d'un bénéfice d'exploitation. (...) " ;
12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL Polymat a comptabilisé le 31 mai 2008 une facture d'acompte d'un montant de 200 000 euros toutes taxes comprises émise par la société Ramery Travaux Publics, à valoir sur le paiement du prix d'une commande portant sur l'acquisition de onze engins de chantier, lesquels étaient précisément désignés dans l'annexe à cette facture par la mention, outre de la marque, du modèle et du millésime, de la plaque d'immatriculation ou du numéro de série propre à chaque engin ; qu'elle a également comptabilisé une facture à recevoir pour un montant de 39 200 euros toutes taxes comprises correspondant au solde du prix de cette commande ; qu'au cours du contrôle, le vérificateur a constaté qu'au 31 septembre 2008, date de clôture de cet exercice, la SARL Polymat avait revendu sept de ces onze engins mais n'avait pas inscrit en stocks les quatre engins restants et a donc corrigé le montant des stocks, en les valorisant à la somme de 80 000 euros ;
13. Considérant que, comme elle l'indique elle-même dans ses écritures d'appel, la SARL Polymat a comptabilisé au titre de l'exercice clos en 2008, dans un compte " achats ", une somme de 200 000 euros hors taxes correspondant au prix convenu avec la société Ramery Travaux Publics ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que des stipulations du contrat de vente auraient aménagé les règles de transfert de propriété des biens vendus ; que, dans ces conditions, la propriété des engins de chantier avait été transférée à la SARL Polymat dès leur achat, alors même que ces engins n'auraient pas tous été livrés à la requérante à la clôture de l'exercice 2008 ; qu'au demeurant, la requérante n'établit pas, par les seuls éléments dont elle se prévaut et en l'absence de production de documents, comme par exemple des échanges de courriers avec le vendeur, que ces engins ne lui auraient pas été livrés ; que la circonstance que la facture du 31 mai 2008 a été annulée à la suite d'un désaccord avec le vendeur, comme l'indique la requérante, le 31 décembre 2008, soit au cours de l'exercice suivant, ne suffit pas à établir qu'elle n'aurait pas été propriétaire des engins en cause à la clôture de l'exercice en litige ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé que les engins devaient être inscrits, en application des dispositions précitées de l'article 38 ter de l'annexe III au code général des impôts, pour un montant total non contesté de 80 000 euros, dans les stocks de la SARL Polymat au titre de l'exercice clos le 31 septembre 2008 ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Polymat n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Polymat est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Polymat et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 15 décembre 2016, où siégeaient :
- M. Bédier, président,
- Mme Paix, président assesseur,
- M. Ouillon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 décembre 2016.
N° 15MA00259 2