Par un jugement n° 1502279, 1502288 du 28 février 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ces demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 avril 2018, la société Fontestad France et la société Passe Ports TFC, représentées par Me A..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 28 février 2018 ;
2°) d'annuler les décisions de consigne des services de l'inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières de Port Saint-Louis du Rhône du 26 septembre 2014 ;
3°) de condamner l'Etat à verser, d'une part, à la société Fontestad France une somme de 16 045 euros en réparation du préjudice matériel qu'elle estime avoir subi du fait de l'immobilisation des conteneurs et une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi et, d'autre part, à la société Passe Ports TFC une somme de 100 000 euros en réparation du préjudice né du mécontentement du client et de la perte potentielle de ce dernier et une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- les décisions de consigne sont entachées d'une erreur de droit ;
- ces décisions sont disproportionnées ;
- les préjudices subis par la société Fontestad France doivent être réparés à hauteur de 16 045 euros au titre de l'immobilisation des conteneurs et de 10 000 euros au titre du préjudice moral ;
- les préjudices subis par la société Passe Ports TFC doivent être réparés à hauteur de 100 000 euros au titre du mécontentement du client et de la perte potentielle de ce dernier et de 10 000 euros au titre du préjudice moral.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2019, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la Cour de rejeter la requête de la société Fontestad France et de la société Passe Ports TFC.
Il fait valoir que les moyens soulevés par les sociétés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- l'arrêté du 24 mai 2006 relatif aux exigences sanitaires des végétaux, produits végétaux et autres objets ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la société Fontestad France et la société Passe Ports TFC.
Considérant ce qui suit :
1. La société Fontestad France a importé des mandarines et des oranges provenant d'Afrique du Sud, transportées par voie maritime dans quatre conteneurs qui ont été déchargés à Marseille les 14 et 15 septembre 2014. La société Passe Ports TFC, société déclarante mandatée par la société Fontestad France au titre des formalités douanières, a présenté des copies des certificats phytosanitaires accompagnant les fruits, datés du 19 août 2014. Le service d'inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières du point d'entrée communautaire de Port Saint-Louis a décidé, le 26 septembre 2014, de placer les lots de fruits sous consigne dans l'attente de la réception des documents appropriés, au motif que les certificats phytosanitaires ont été délivrés postérieurement au départ du navire les transportant, le 18 août 2014. La société Fontestad France et la société Passe Ports TFC font appel du jugement du 28 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes tendant, d'une part, à l'annulation des décisions 26 septembre 2014, et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à verser à la société Fontestad France et à la société Passe Ports TFC, respectivement, les sommes globales de 26 045 euros et de 110 000 euros au titre des préjudices qu'elles estiment avoir subis.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Le I de l'article L. 251-12 du code rural et de la pêche maritime dispose que : " Les végétaux, produits de végétaux (...) importés sur le territoire de l'Union européenne (...) sont soumis à contrôle sanitaire dès lors qu'ils sont susceptibles d'être contaminés par un organisme nuisible au sens du premier alinéa de l'article L. 251-3. / La liste des végétaux soumis à contrôle sanitaire en application du premier alinéa et les exigences relatives à l'importation et à la mise en circulation les concernant sont fixées dans des conditions définies par voie réglementaire. / (...) L'importation de végétaux, produits végétaux et autres objets originaires ou en provenance de pays extérieurs à la Communauté européenne est subordonnée, lors de leur présentation aux points d'entrée communautaires situés sur le territoire douanier, à la réalisation d'un contrôle sanitaire et à la présentation d'un certificat phytosanitaire ou, le cas échéant, d'autres documents ou marques définis et autorisés, dans des conditions fixées par décret (...) ". Aux termes de l'article 25 de l'arrêté du 24 mai 2006 relatif aux exigences sanitaires des végétaux, produits végétaux et autres objets, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Sans préjudice des dispositions de l'article 18 ci-dessus : / I. - Les végétaux, produits végétaux et autres objets mentionnés à l'annexe V, partie B, originaires de pays tiers à la Communauté européenne, doivent être accompagnés d'un certificat phytosanitaire (...) conforme au modèle établi par la Convention internationale pour la protection des végétaux (...). Ce certificat est délivré par l'organisme responsable du pays expéditeur. / Le certificat phytosanitaire (...) qui accompagne les végétaux, produits végétaux et autres objets originaires de pays tiers destinés à la Communauté européenne atteste qu'un contrôle phytosanitaire et d'identité est réalisé avant leur envoi sur le territoire métropolitain ou dans les départements d'outre-mer. / Le certificat phytosanitaire doit répondre aux exigences fixées ci-après : / 1° Il doit avoir été établi au plus tôt quatorze jours avant la date où les végétaux, produits végétaux et autres objets qu'il couvre ont quitté le pays tiers où il a été remis ; / 2° Il doit être rédigé en lettres capitales ou dactylographié ; / 3° Il ne doit porter aucune surcharge, ratures ou altérations, à moins qu'elles ne soient validées. / Les végétaux, produits végétaux ou autres objets énumérés au B du V de l'article D. 251-2 du code rural et provenant de pays tiers parties contractantes à la Convention internationale pour la protection des végétaux doivent être accompagnés d'un certificat phytosanitaire (...). Ce document doit être rempli conformément à la norme internationale pour les mesures phytosanitaires n° 12 (NIMP n° 12 directives pour les certificats phytosanitaires) (...) ". La norme internationale pour les mesures phytosanitaires n° 12 précise au point 4 que " (...) Les certificats phytosanitaires devraient être délivrés avant l'expédition, mais ils peuvent aussi être délivrés postérieurement à l'expédition d'un envoi sous réserve que : / - la sécurité phytosanitaire de l'envoi ait été assurée et que : - l'ONPV du pays exportateur ait effectué l'échantillonnage, l'inspection et les traitements requis pour satisfaire aux exigences phytosanitaires à l'importation avant l'expédition de l'envoi. Les certificats phytosanitaires ne devraient pas être délivrés si ces conditions ne sont pas remplies. Lorsque les certificats phytosanitaires sont délivrés postérieurement à l'expédition, la date d'inspection devrait être inscrite dans la section " Déclaration supplémentaire " si le pays importateur l'exige ".
3. Les dispositions citées au point précédent n'exigent pas, dans le cas où le certificat phytosanitaire qui doit être présenté pour l'importation de produits végétaux a été délivré par l'organisme responsable du pays expéditeur postérieurement au départ de la marchandise, que la date du contrôle soit mentionnée sur le certificat. Les circonstances que le service d'inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières a adressé à la société Passe Ports TFC une lettre du 24 juillet 2014 par laquelle il l'a informée qu'un certificat dont la date de délivrance est postérieure à la date d'expédition ne peut être admis sauf si la date d'inspection est mentionnée sur le certificat et qu'ont été adressées aux autorités sud-africaines, en 2013, des copies de notifications d'interception de lots prises au motif que les certificats phytosanitaires ont été délivrés après le départ des marchandises ne permettent pas de regarder la France comme ayant exigé, à la date de délivrance des certificats en litige, l'inscription de la date d'inspection sur les certificats phytosanitaires délivrés postérieurement à l'expédition des produits végétaux. Dans ces conditions, la société Fontestad France et la société Passe Ports TFC sont fondées à soutenir que les décisions de consigne des services de l'inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières de Port Saint-Louis du Rhône du 26 septembre 2014 sont entachées d'une erreur de droit.
4. Il résulte de ce qui précède que la société Fontestad France et la société Passe Ports TFC sont fondées à demander l'annulation des décisions en litige, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen qu'elles invoquent à l'appui de leurs conclusions à cette fin.
Sur les conclusions indemnitaires :
S'agissant de la responsabilité de l'Etat :
5. L'illégalité des décisions attaquées est, compte tenu des motifs exposés au point 3, constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique.
S'agissant des préjudices subis par la société Fontestad France :
6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société Fontestad France a dû engager des frais d'immobilisation des conteneurs en raison des mesures de consigne des lots de fruits. Il est constant que les certificats phytosanitaires ont été présentés immédiatement par la société Passe Ports TFC et il n'est pas sérieusement contesté que les frais ont dû être engagés dès la date de déchargement dans l'attente de la notification des décisions de consigne. La société Fontestad France est donc fondée à demander réparation de ces frais et justifie à ce titre, par la production d'une facture, avoir exposé les sommes de 16 045 euros correspondant à des surestaries, des frais de branchement et de stationnement.
7. En second lieu, la société Fontestad France n'apporte pas d'éléments de nature à établir la réalité du préjudice moral que lui auraient causé les décisions de consigne.
S'agissant des préjudices subis par la SARL Passe Ports TFC :
8. S'il résulte de ce qui précède que l'illégalité des décisions de consigne des services de l'inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières de Port Saint-Louis du Rhône est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, c'est sous réserve que la requérante justifie d'un préjudice direct et certain qui lui aurait été directement causé par cette illégalité fautive.
9. En premier lieu, la société Passe Ports TFC ne produit à l'appui de ses écritures aucun élément de nature à établir la réalité d'un préjudice résultant du mécontentement de son client et ne fait d'ailleurs état que d'une perte potentielle de ce dernier. Dans ces conditions, la société Passe Ports TFC ne peut être regardée comme établissant l'existence d'un préjudice commercial directement lié à l'illégalité fautive des décisions de consigne.
10. En second lieu, la société Passe Ports TFC n'apporte pas davantage d'élément de nature à établir la réalité du préjudice moral que lui auraient causé les décisions en litige.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Fontestad France et la société Passe Ports TFC sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont, rejeté d'une part, leurs demandes tendant à l'annulation des décisions et d'autre part, la demande indemnitaire de la société Fontestad France. Elles sont également fondées, par suite, à demander la réformation de ce jugement et la condamnation de l'Etat à verser à la société Fontestad France une somme de 16 045 euros en réparation du préjudice matériel subi.
Sur les frais liés au litige :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Fontestad France et la société Passe ports TFC de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Les décisions de consigne des services de l'inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières de Port Saint-Louis du Rhône du 26 septembre 2014 sont annulées.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la société Fontestad France la somme de 16 045 euros.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1502279, 1502288 du 28 février 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera aux sociétés Fontestad France et Passe Ports TFC la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Fontestad France et de la société Passe Port TFC est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Fontestad France, à la société Passe Port TFC et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2019, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. Barthez, président assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2019.
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N° 18MA01726
mtr