Procédure devant la Cour :
I - Par une requête, enregistrée le 8 novembre 2021, sous le n° 21MA04332,
M. B... A..., représenté par Me Cauchon-Riondet, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 4 octobre 2021 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 avril 2021 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de condamner l'Etat au versement de la somme de 2 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- la décision est entachée d'un défaut de motivation et le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas procédé à un examen complet et sérieux de sa situation personnelle ;
- l'arrêté attaqué méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant sont méconnus ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision doit être annulée en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- la décision d'éloignement méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Une ordonnance du 23 décembre 2021 a fixé la clôture de l'instruction au
23 janvier 2022 à 12 heures.
II - Par une requête, enregistrée le 8 novembre 2021, sous le n° 21MA04333,
M. B... A..., représenté par Me Cauchon-Riondet, demande à la Cour :
1°) de suspendre l'exécution du jugement n° 2104369 du 4 octobre 2021 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de condamner l'Etat au versement de la somme de 2 000 euros à M. A... au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'exécution de ce jugement entraînerait sur sa situation des conséquences difficilement réparables ;
- un doute sérieux existe sur la légalité de l'arrêté attaqué au regard des mêmes moyens que ceux soulevés dans la requête n° 21MA04332.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Une ordonnance du 23 décembre 2021 a fixé la clôture de l'instruction au
23 février 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a décidé de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ury,
- et les observations de Me Cauchon-Riondet, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien, né le 7 juillet 1993 à Mednine (Tunisie), a bénéficié d'une carte " compétence et talents " valable du 8 janvier 2014 au 7 janvier 2017, puis d'une carte de séjour temporaire mention " visiteur " valable du 26 juin 2017 au 25 juin 2018, renouvelée une fois jusqu'au 3 septembre 2019. Il a sollicité le 8 juillet 2019 le renouvellement de son titre de séjour " visiteur " lequel est délivré à l'étranger qui apporte la preuve qu'il peut vivre de ses seules ressources et qui prend l'engagement de n'exercer aucune activité professionnelle en France. Par les deux requêtes susvisées n° 21MA04332 et n° 21MA4333,
M. A... sollicite l'annulation et le sursis à exécution du jugement du 4 octobre 2021 du tribunal administratif de Marseille, qui a rejeté sa requête dirigée contre l'arrêté du 9 avril 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Ces deux requêtes étant dirigées contre le même jugement et la même décision administrative, il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision.
Sur la requête n° 21MA04332 :
En ce qui concerne les conclusions d'annulation :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France le
28 novembre 2013 sous couvert d'un visa de long séjour et s'y maintient régulièrement depuis.
Il s'est marié le 4 avril 2015 à Marseille avec une compatriote et le couple a eu le 13 avril 2021 une fille, soit à une date très proche de l'arrêté du 9 avril 2021 attaqué. L'épouse de M. A... qui est entrée en France en septembre 2013 en vue d'y réaliser ses études, y séjourne régulièrement en qualité d'étudiante et y exerce une activité libérale de psychothérapeute. Ainsi, à la date de la décision contestée, le requérant vit en France avec son épouse depuis sept années, laquelle poursuit ces études et justifie d'un titre de séjour valable jusqu'au 30 septembre 2022, outre d'une activité professionnelle. Dans les conditions particulières de l'espèce, M. A... doit être regardé comme ayant transféré en France le centre de sa vie privée et familiale. Ainsi, l'arrêté contesté du préfet des Bouches-du-Rhône est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation du droit au respect de la vie privée et familiale en France du requérant.
4. Il résulte ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par suite, le jugement du 4 octobre 2021, et l'arrêté préfectoral du 9 avril 2021 doivent être annulés.
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet des Bouches-du-Rhône délivre à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour. Dans les circonstances de l'affaire, les conclusions tendant à ce que cette injonction soit assortie d'une astreinte doivent être rejetées.
En ce qui concerne l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à
M. A....
Sur la requête n° 21MA04333 :
7. Dès lors que le présent arrêt statue sur la requête tendant à l'annulation du jugement et de la décision attaquée, les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille sont devenues sans objet. Par suite, il n'y pas lieu d'y statuer.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis de la requête
n° 21MA04333 de M. A....
Article 2 : Le jugement du 4 octobre 2021 du tribunal administratif de Marseille, et l'arrêté du
9 avril 2021 du préfet des Bouches-du-Rhône, sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera à M. A... la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête n° 21MA04332 de M. A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet des Bouches-du-Rhône et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 8 mars 2022, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mars 2022.
N° 21MA04332, 21MA043332