Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 mars 2019, l'EARL La Faisanderie du Plan - Domaine Terre de Mistral, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 24 janvier 2019 ;
2°) d'annuler le titre de recette du 13 décembre 2016 à hauteur de 84 577,30 euros et la décision rejetant son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le titre de recette est insuffisamment motivé ;
- elle a demandé en vain la communication des motifs du rejet implicite de son recours gracieux présenté le 31 janvier 2017 ;
- le reversement de l'aide ne pouvait être motivé par une sur-déclaration intentionnelle, dès lors que son gérant est de bonne foi ;
- la seule sur-déclaration relative à l'acquisition d'un filtre à plaques ne permet pas de remettre en cause l'intégralité de l'aide au titre du poste " équipements de vinification " ;
- la recette correspondant à la cession d'un pressoir ne devait pas être déduite du montant des dépenses éligibles, dès lors qu'elle a permis de financer l'acquisition d'un autre pressoir que celui qui a été subventionné ;
- le reversement de la totalité de l'aide au titre du poste " équipements de vinification " est disproportionné.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2019, FranceAgriMer, représenté par Mes Didier et Pinet, conclut au rejet de la requête de l'EARL La Faisanderie du Plan - Domaine Terre de Mistral et demande à la Cour de mettre à sa charge la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
le règlement (CE) n° 479/2008 du 29 avril 2008 ;
le règlement (CE) n° 555/2008 du 27 juin 2008 ;
le code rural et de la pêche maritime ;
le décret n° 2009178 du 16 février 2009 ;
l'arrêté du 17 avril 2009 définissant les conditions de mise en oeuvre de la mesure de soutien aux investissements éligibles au financement par les enveloppes nationales en application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 portant organisation commune du marché vitivinicole ;
le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant l'EARL La Faisanderie du Plan - Domaine Terre de Mistral.
Considérant ce qui suit :
1. L'EARL La Faisanderie du Plan - Domaine Terre de Mistral a bénéficié d'une aide aux investissements vinicoles relative à l'extension d'une cave de vinification et à l'acquisition de matériels dont le solde a été versé le 17 juin 2013, d'un montant de 134 799,86 euros. A l'issue d'un contrôle sur place organisé par la mission " contrôle des opérations dans le secteur agricole " du ministère de l'économie et des finances, et après que l'EARL La Faisanderie du Plan- Domaine Terre de Mistral a formulé des observations, FranceAgriMer, estimant notamment que des factures d'acquisition de matériels avaient été falsifiées, a émis, le 13 décembre 2016, un titre de recette pour le remboursement de l'aide correspondant au poste " équipements de vinification ", soit 84 662,73 euros. L'EARL La Faisanderie du Plan - Domaine Terre de Mistral fait appel du jugement du 24 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce titre de recette à hauteur de 84 577,30 euros et de la décision implicite rejetant son recours gracieux présenté le 31 janvier 2017.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, le titre de recette du 13 décembre 2016 vise le règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008, le règlement (CE) n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 et l'arrêté du 17 avril 2009 définissant les conditions de mise en oeuvre de la mesure de soutien aux investissements éligibles au financement par les enveloppes nationales en application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 portant organisation commune du marché vitivinicole. Par ailleurs, il expose de manière précise et détaillée l'ensemble des anomalies relevées par la mission de contrôle en indiquant l'origine des montants à rembourser. Ainsi, il énonce de manière suffisante les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de ce que ce titre de recette serait insuffisamment motivé manque en fait et doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2324 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) à la demande de l'intéressé, formulée dans le délai de recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande (...) ".
4. Le courriel adressé le 2 mai 2017 par le gérant de l'EARL La Faisanderie du Plan - Domaine Terre de Mistral à FranceAgriMer ne saurait être analysé comme une demande de communication des motifs de la décision implicite de rejet du recours gracieux présenté le 31 janvier 2017. En tout état de cause, le titre de recette émis le 13 décembre 2016 étant suffisamment motivé, ainsi qu'il a été dit au point 2, le rejet implicite du recours gracieux formé contre ce titre par l'EARL La Faisanderie du Plan - Domaine Terre de Mistral n'avait pas à être motivé. La société requérante ne pourrait en conséquence utilement se prévaloir de ce qu'il n'aurait pas été fait droit à sa demande de communication des motifs.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 98 du règlement (CE) n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil portant organisation commune du marché vitivinicole, en ce qui concerne les programmes d'aide, les échanges avec les pays tiers, le potentiel de production et les contrôles dans le secteur vitivinicole : " Sans préjudice des sanctions décrites dans le règlement (CE) n° 479/2008 ou dans le présent règlement, les Etats membres prévoient l'application de sanctions, au niveau national, pour les irrégularités commises à l'égard des exigences énoncées dans le règlement (CE) n° 479/2008 et dans le présent règlement, qui soient effectives, proportionnées et dissuasives de manière à assurer une protection adéquate des intérêts financiers des Communautés ". Aux termes de l'article 8 bis de l'arrêté du 17 avril 2009 définissant les conditions de mise en oeuvre de la mesure de soutien aux investissements éligibles au financement par les enveloppes nationales en application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 portant organisation commune du marché vitivinicole, alors en vigueur : " En application des dispositions de l'article 98 du règlement (CE) n° 555/2008 et de l'article 18 du règlement (CE) n° 436/2009, des réfactions sont effectuées sur le montant de l'aide : / - si les dépenses éligibles retenues après contrôle sont inférieures au montant pour lequel des justificatifs ont été fournis ; / (...) selon les modalités décrites ci-après : / 1. Ecart après contrôle : / Lorsqu'un écart est constaté entre le montant d'aide établi sur la base de la demande de paiement et le montant d'aide calculé après contrôle de cette demande, et qu'il est établi que cet écart résulte d'une sur-déclaration intentionnelle, aucun paiement n'est effectué (...) ". La décision du directeur général de FranceAgriMer du 17 février 2010 (FILIERES/SEM/ D 201005) précise que : " la demande doit impérativement bénéficier d'une autorisation de démarrage des travaux, dont la date est mentionnée dans l'accusé de réception, avant tout début d'exécution du projet, c'estàdire avant le premier acte juridique passé pour la réalisation du projet (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que l'aide aux investissements vinicoles accordée à l'EARL La Faisanderie du Plan - Domaine Terre de Mistral portait notamment, s'agissant des équipements de vinification, sur un générateur d'azote et sur un filtre à plaques, fournis par la société Vinisud Service, dont les coûts d'acquisition s'élevaient respectivement à 11 100 euros et 2 512,25 euros. Il est constant que les factures correspondant à ces équipements ont été émises en 2008, soit antérieurement à l'autorisation de démarrage des travaux, et que les dates mentionnées sur les copies des factures présentées à FranceAgriMer par l'EARL La Faisanderie du Plan - Domaine Terre de Mistral, postérieures à l'autorisation de démarrage des travaux, ont été falsifiées. La société requérante ne conteste pas davantage avoir présenté, pour justifier du paiement du filtre à plaques, des relevés bancaires mentionnant des virements opérés en 2012 vers un compte libellé " Vinisud ", alors que les sommes ainsi virées avaient en réalité été portées au crédit d'un autre compte de la société. La société requérante se borne à alléguer que la falsification des factures serait le fait d'un de ses employés, sans apporter aucun élément de nature à démontrer qu'elle serait de bonne foi. Par ailleurs, si elle a fait l'acquisition, en 2011, d'un générateur d'azote auprès du fournisseur LGS, pour un prix de 10 299 euros, cette circonstance est sans incidence sur la sur-déclaration relative au générateur d'azote acquis auprès de la société Vinisud Service pour un prix de 11 100 euros. Dans ces conditions, eu égard à l'antériorité de l'acquisition du générateur d'azote et du filtre à plaques par rapport à l'autorisation de démarrage des travaux et au caractère intentionnel de la sur-déclaration, FranceAgriMer était fondé à demander à l'EARL La Faisanderie du Plan - Domaine Terre de Mistral le remboursement de l'aide correspondant au poste " équipements de vinification ".
7. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que doit, en tout état de cause, être écarté le moyen tiré de ce que la sur-déclaration, qui ne porterait que sur l'acquisition du filtre à plaques ne permettrait pas de remettre en cause l'intégralité de l'aide au titre du poste " équipements de vinification ".
8. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que la mission " contrôle des opérations dans le secteur agricole " a également relevé que l'EARL La Faisanderie du Plan - Domaine Terre de Mistral, quelques semaines avant l'acquisition d'un pressoir faisant partie des équipements au titre desquels l'aide lui a été accordée, a vendu au fournisseur son ancien pressoir. FranceAgriMer a estimé que la recette résultant de cette vente aurait dû être déduite du montant des dépenses éligibles à l'aide. La société requérante ne produit aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles la vente de son ancien pressoir aurait permis de financer l'acquisition d'un autre pressoir d'une capacité supérieure, laquelle, au demeurant, n'a été réalisée qu'un an après l'acquisition du pressoir subventionné. Par suite et alors qu'en tout état de cause, FranceAgriMer, ainsi qu'il a été a été dit au point 6, était fondé à demander à l'EARL La Faisanderie du Plan - Domaine Terre de Mistral le remboursement de l'aide correspondant à la totalité du poste " équipements de vinification ", la société requérante ne saurait soutenir que la recette correspondant à la cession de son ancien pressoir ne pouvait être déduite du montant des dépenses éligibles à l'aide.
9. En dernier lieu, si l'aide aux investissements vinicoles dont a bénéficié l'EARL La Faisanderie du Plan - Domaine Terre de Mistral a été remise en cause dans la mesure où elle correspond à la totalité du poste " équipements de vinification ", alors que la sur-déclaration ne porte que sur deux des équipements subventionnés, la sanction qui lui a ainsi été appliquée, eu égard à la gravité de la sur-déclaration intentionnelle de dépenses non éligibles à l'aide, n'apparaît pas disproportionnée.
10. Il résulte de tout ce qui précède l'EARL La Faisanderie du Plan - Domaine Terre de Mistral n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de FranceAgriMer, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande l'EARL La Faisanderie du Plan - Domaine Terre de Mistral au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'EARL La Faisanderie du Plan - Domaine Terre de Mistral la somme de 2 000 euros à ce titre.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'EARL La Faisanderie du Plan - Domaine Terre de Mistral est rejetée.
Article 2 : L'EARL La Faisanderie du Plan - Domaine Terre de Mistral versera la somme de 2 000 euros à FranceAgriMer au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'EARL La Faisanderie du Plan - Domaine Terre de Mistral et à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer).
Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. Barthez, président assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.
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N° 19MA01035
nc