Par un jugement n° 1500629 du 22 mars 2018, le tribunal administratif de Bastia a prononcé la réduction des cotisations de taxe professionnelle auxquelles la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse a été assujettie au titre de l'année 2009 dans les rôles des communes de Calvi et de Calenzana.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 22 mars 2018 ;
2°) de remettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse les cotisations de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2009 dans les rôles des communes de Calvi et de Calenzana à hauteur des montants respectifs de 40 540 euros et 28 448 euros.
Il soutient qu'en l'absence de transfert de propriété des installations aéroportuaires, et donc d'apport des immobilisations, les biens ne pouvaient être évalués en retenant la valeur nette comptable au 31 décembre 2004.
La requête a été communiquée à la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse exploite dans le cadre d'une concession les installations de l'aéroport de Calvi Sainte-Catherine, situées sur les communs de Calvi et de Calenzana, dont la propriété a été transmise par l'Etat à la collectivité territoriale de Corse en 2004. A l'issue du rejet de sa réclamation préalable, la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse a saisi le tribunal administratif de Bastia d'une demande tendant notamment à la décharge des cotisations de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2009 dans les rôles des communes de Calvi et de Calenzana à raison de ces installations. Le ministre de l'action et des comptes publics fait appel du jugement du 22 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Bastia, après avoir ordonné un supplément d'instruction tendant à ce que l'administration fiscale procède au calcul des cotisations de taxe professionnelle dues au titre de l'année 2009 sur la base de leur valeur locative déterminée en prenant en compte la valeur nette comptable des immobilisations au 31 décembre 2004, a fait droit aux conclusions de la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse tendant à la réduction de ces impositions.
2. Aux termes de l'article 1467 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La taxe professionnelle a pour base : / (...) a. la valeur locative, telle qu'elle est définie aux articles 1469, 1518 A et 1518 B, des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de celles qui ont été détruites ou cédées au cours de la même période ". Aux termes de l'article 1499 du même code : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat (...) ". L'article 1500 de ce code dispose, dans sa rédaction applicable au litige : " Les bâtiments et terrains industriels sont évalués : / - 1° selon les règles fixées à l'article 1499 lorsqu'ils figurent à l'actif du bilan de leur propriétaire ou de leur exploitant, et que celui-ci est soumis aux obligations définies à l'article 53 A (...) ". L'article 324 AE de l'annexe III à ce code prévoit que : " Le prix de revient visé à l'article 1499 du code général des impôts s'entend de la valeur d'origine pour laquelle les immobilisations doivent être inscrites au bilan en conformité de l'article 38 quinquies. / (...) La valeur d'origine à prendre en considération est le prix de revient intégral avant application des déductions exceptionnelles et des amortissements spéciaux autorisés en matière fiscale. Il en est de même pour les immobilisations partiellement réévaluées ou amorties en tout ou en partie ". Selon l'article 38 quinquies de cette même annexe : " 1. Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : / (...) c. Pour les immobilisations apportées à l'entreprise par des tiers, de la valeur d'apport (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse n'est pas devenue propriétaire des installations de l'aéroport de Calvi Sainte-Catherine qu'elle exploite dans le cadre d'une concession, ces installations constituant des biens de retour. Dans ces conditions, dès lors que ces immobilisations n'ont pas fait l'objet d'un apport par la collectivité territoriale de Corse, le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que la valeur locative des immobilisations inscrites, dans le cadre de la concession aéroportuaire, au bilan de la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse, devait être calculée en fonction de leur valeur d'apport, soit leur valeur nette comptable au 31 décembre 2004.
4. Il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens invoqués par la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse devant le tribunal administratif.
5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse a fait l'objet d'un contrôle à l'issue duquel l'administration fiscale l'a notamment informée de rectifications des bases imposables à la taxe professionnelle due à raison des installations de l'aéroport de Calvi Sainte-Catherine. Ces rectifications procédaient notamment de la détermination des valeurs locatives des biens passibles de la taxe foncière résultant d'une répartition entre les communes de Calvi et Calenzana, selon un ratio tenant compte du prix de revient total des pistes par rapport au prix de revient total des immobilisations, et de la superficie des pistes situées sur la commune de Calenzana par rapport à la superficie totale, sous déduction de la valeur locative des locaux loués ou mis à disposition de sociétés ou d'administrations, évaluée selon la méthode par comparaison. Toutefois, les modifications des valeurs locatives ainsi opérées n'ont pas donné lieu à une mise en recouvrement. Dans ces conditions, le moyen soulevé par la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse à l'appui de ses conclusions tendant à la réduction des cotisations primitives de taxe professionnelle, tiré de ce que la valeur locative des locaux loués ou mis à disposition de sociétés ou d'administrations aurait dû être déterminée à partir de la surface réelle occupée, doit être écarté comme inopérant.
6. En deuxième lieu, si la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse soutient que l'administration aurait dû retenir, pour les installations aéroportuaires en cause, la valeur locative révisée dans le cadre de l'instruction de ses réclamations relatives à la taxe foncière, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait procédé à une mise à jour de la valeur locative des installations au titre de l'année considérée. Le moyen doit donc être écarté.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration (...) ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ".
8. La chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse soutient que l'administration fiscale aurait formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales en établissant à l'issue du contrôle dont elle a fait l'objet qu'elle avait droit à une réduction de la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière entrant dans l'assiette de la taxe professionnelle au titre de l'année 2009. Toutefois, la requérante, dont les conclusions tendant à la décharge d'impositions primitives, ne peut se prévaloir des dispositions précitées de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales qui renvoient au premier alinéa de l'article L. 80 A du même livre, en l'absence de rehaussement de ces impositions.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia a prononcé la réduction des cotisations de taxe professionnelle auxquelles la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse a été assujettie au titre de l'année 2009 dans les rôles des communes de Calvi et de Calenzana à raison des installations de l'aéroport de Calvi Sainte-Catherine.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1500629 du 22 mars 2018 du tribunal administratif de Bastia est annulé.
Article 2 : Les cotisations de taxe professionnelle auxquelles la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse été assujettie au titre de l'année 2009 dans les rôles des communes de Calvi et de Calenzana à raison des installations de l'aéroport de Calvi Sainte-Catherine sont remises à sa charge à hauteur des montants respectifs de 40 540 euros et 28 448 euros.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 15 décembre 2020, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. Barthez, président assesseur,
- Mme A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 décembre 2020.
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N° 18MA03601