Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 août 2016 et le 23 juin 2017, la SCI Les Arbousiers, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon n° 1401016 du 9 juin 2016 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et des pénalités mises à sa charge, y compris l'amende ;
3°) d'ordonner à titre subsidiaire, la désignation d'un expert ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- elle ne pouvait faire l'objet d'une vérification de comptabilité au sens de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales ;
- le délai de vérification sur place prévu par les dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales a été méconnu ;
- les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues ;
- les droits de la défense ont donc été méconnus, la réponse aux observations du contribuable du 23 octobre 2009 est intervenue prématurément, car elle lui a été adressée avant l'expiration du délai de réponse prorogé dont elle disposait pour faire valoir ses propres observations ;
- le rejet de sa comptabilité n'est pas fondé ;
- l'activité qu'elle exerce est de nature foncière ;
- la méthode de reconstitution est excessivement sommaire ;
- il y a lieu d'ordonner une expertise avant-dire droit sous consignation d'une provision de 5 000 euros afin de déterminer le nombre de mètres cubes entreposés, la marge d'erreur dont les calculs peuvent être affectés, le montant des frais de dépollution et les obligations légales en la matière, ainsi que le prix au mètre cube vendu ;
- s'agissant des redressements afférents à l'année 2007, le service a réintégré au résultat imposable une somme de 17 193,36 euros correspondant à un produit non comptabilisé qui aurait été déduit de ses charges ; il n'existe aucun fondement légal permettant d'imposer à l'impôt sur les sociétés une facture émise ; la taxe sur la valeur ajoutée n'est due, s'agissant d'une prestation de services, que lors de l'encaissement ;
- l'administration fiscale ne pouvait l'assujettir à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour les années 2006 et 2007, dès lors que les locations de terrains nus non aménagés sont exonérées de cette taxe, subsidiairement, si l'activité devait être qualifiée d'agricole ou de commerciale à raison de l'exploitation d'une déchetterie, le taux réduit de taxe devait être appliqué ;
- elle a désigné les deux associés comme bénéficiaires des distributions.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Maury,
- et les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Les Arbousiers a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des années 2005, 2006 et 2007 à la suite de laquelle l'administration fiscale a remis en cause le régime d'imposition des sociétés de personnes non soumises à l'impôt sur les sociétés sous lequel la requérante s'était placée pour la soumettre aux impôts commerciaux. La SCI Les Arbousiers a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge en droits et pénalités des rappels d'impôts et de taxes correspondants et de l'amende infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts. Par un jugement n° 1401016 du 9 juin 2016, sa demande a été rejetée. C'est de ce jugement dont la SCI Les Arbousiers relève appel.
Sur la nature de l'activité litigieuse et le principe de l'assujettissement aux impôts commerciaux :
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
2. Aux termes de l'article 206 du code général des impôts, sont passibles de l'impôt sur les sociétés : " 1. (...) toutes (...) personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif ". En vertu du 2 de ce même article, il en est ainsi, notamment, des sociétés civiles : " (...) si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 ". " L'exercice d'une profession commerciale " visé à l'article 34 du code général des impôts s'entend de l'accomplissement d'actes réputés de commerce par l'article L. 110-1 du code de commerce, dans des conditions caractéristiques de l'exercice d'une activité professionnelle et, en particulier, de nature à permettre la réalisation d'un profit.
3. La SCI Les Arbousiers est propriétaire d'un terrain de plus de 56 hectares sur le territoire de la commune du Beausset. Il n'est pas contesté que la requérante exploitait à titre régulier et pour son compte une déchetterie et qu'elle avait perçu, au cours de la période vérifiée, des sommes d'argent en contrepartie du dépôt des déblais et déchets provenant des chantiers alentours. Le prix des prestations dont il s'agit était fixé au mètre cube ou à la tonne et facturé par la SCI aux apporteurs. Cette activité de mise à disposition d'un espace de déversement de déchets inertes, réalisée à titre habituel par la société pour son propre compte en vue de la réalisation d'un profit, est donc de nature commerciale. La requérante ne peut sérieusement soutenir que s'agissant de la location de locaux nus les recettes en cause sont des revenus fonciers alors qu'elle facture des dépôts de déchets. La requérante invoque une instruction sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales mais celle-ci a trait au déversement d'ordures ménagères et ne trouve pas à s'appliquer dans le cadre du présent litige qui concerne le dépôt des déblais et déchets provenant des chantiers. Contrairement à ce qu'elle indique, elle ne démontre pas que les dépôts des déblais et déchets provenant des chantiers étaient une nécessité pour une exploitation agricole future. Dans ces conditions, c'est donc à bon droit que l'administration a estimé que la SCI Les Arbousiers était passible de l'impôt sur les sociétés.
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
4. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. ". L'activité exercée par la SCI Les Arbousiers, telle qu'elle a été analysée au point 3, devait, ainsi que l'a retenu à bon droit l'administration, être soumise à la taxe sur la valeur ajoutée.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient, sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. ". Aux termes de l'article 54 du code général des impôts, dont le I de l'article 209 du même code étend le champ d'application à l'assiette de l'impôt sur les sociétés : " Les contribuables mentionnées à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration. ".
6. Ainsi qu'il vient d'être dit au point n° 3, la SCI Les Arbousiers est imposable à l'impôt sur les sociétés en raison de la nature commerciale de son activité. Les dispositions combinées des articles L. 13 du livre des procédures fiscales et 54 du code général des impôts permettaient donc à l'administration de procéder à une vérification de la comptabilité de la SCI Les Arbousiers. Compte-tenu de ce qui a été dit l'administration n'avait pas à exercer un contrôle sur le fondement de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que la procédure qu'elle a encourue était, sur ce fondement, substantiellement viciée.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 52 du même livre : " I. - Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ; (...) II. - Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration : (...) 4° En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. Dans ce cas, la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à six mois. ". Pour l'application de ces dispositions, la date d'achèvement de la vérification de comptabilité correspond à celle de la dernière intervention sur place du vérificateur.
8. La vérification de comptabilité de la SCI Les Arbousiers a débuté avec la première intervention de contrôle le 4 septembre 2008. La dernière intervention sur place a eu lieu le 19 septembre 2008 ainsi que le mentionnent les propositions de rectification des 23 décembre 2008 portant sur l'année 2005 et 24 août 2009 portant sur les années 2006 et 2007. Les réunions de synthèse qui ont eu lieu les 22 décembre 2008 et 18 août 2009 étaient seulement destinées à présenter à la SCI les rectifications envisagées, se sont déroulées dans les locaux de l'administration sans qu'aucun des éléments versés au dossier n'établisse que celle-ci se serait livrée, à l'une ou l'autre de ces deux occasions ou même à une quelconque date postérieure au 19 septembre 2008, à l'examen critique de pièces comptables de la société. La circonstance que des recoupements ont été effectués par le vérificateur postérieurement à ces dates à partir des déclarations fiscales de la " SCEA L'or de nos collines " et qu'une expertise ait été réalisée sur le fondement des dispositions de l'article L. 103 A du livre des procédures fiscales ne constitue pas une opération de vérification en l'absence de rapprochement de ces données avec la comptabilité de la SCI. En outre, la requérante invoque le bénéfice de la doctrine administrative sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, mais la procédure d'imposition est exclue du champ d'application de la garantie. Il en résulte que le délai de trois mois entre la première et la dernière intervention sur place prescrit par les dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ayant été respecté, la SCI Les Arbousiers n'est pas fondée à soutenir, sur ce fondement, que la procédure de rectification est entachée d'irrégularité.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, d'informer le contribuable, avec une précision suffisante, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir les impositions afin de permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. L'administration doit, en outre, lorsque le contribuable en fait la demande, lui communiquer les documents ou copies de documents contenant les renseignements obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés.
10. La SCI Les Arbousiers reproche à l'administration de ne pas l'avoir informée des renseignements tirés de la vérification de comptabilité de la SCEA L'or de nos collines que le service a utilisés pour fonder les redressements litigieux. La proposition de rectification du 24 août 2009 portant sur les années 2006 et 2007 se réfère aux éléments obtenus par l'administration dans le cadre de la vérification de comptabilité dont la SCEA a fait l'objet et aux recoupements auxquels le service s'est livré pour fonder les rectifications proposées, elle comprenait également le rapport d'expertise du cabinet Opsia et indique les dix-sept entreprises auprès desquelles le vérificateur a exercé son droit de communication. La requérante soutient que les éléments comptables provenant de la SCEA lors du contrôle fiscal ont été obtenus illégalement, mais l'administration qui contrôlait ladite société n'avait pas à mettre en oeuvre le droit de communication, aucune disposition légale ne l'y obligeait. La SCI Les Arbousiers a demandé à l'administration de lui fournir le bon de commande daté de l'expertise en cause, la prise de vue aérienne du 26 novembre 2008 " et tout autre document utile... ". Le service a adressé en réponse le rapport d'expertise qu'il avait au demeurant déjà annexé à la proposition de rectification et le bon de commande afférent à cette même expertise. Ce bon de commande ne peut être regardé comme une information obtenue auprès de tiers utilisé pour fonder les rectifications. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues, ne peut qu'être écarté.
11. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...). ".
12. La proposition de rectification du 24 août 2009 mentionne les impôts et les années d'imposition concernés, la nature des procédures mises en oeuvre ainsi que les bases imposables rehaussées et les conséquences financières des rectifications pour chacune des années d'imposition en cause, en droits et pénalités, tant en matière d'impôt sur les sociétés que de taxe sur la valeur ajoutée. Elle précise également de manière circonstanciée les motifs sur lesquels le vérificateur s'est fondé pour justifier les redressements en litige. Ainsi, la proposition de rectification adressée à la requérante était suffisamment motivée pour permettre au contribuable de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. La circonstance, à la supposer établie, d'une erreur de l'expertise ou de la pertinence de la méthode employée pour reconstituer le chiffre d'affaires qui a trait au bien-fondé de l'imposition, ne peut être utilement invoquée au soutien d'un moyen tiré d'une violation des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. Le moyen ne peut qu'être écarté.
13. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours. / (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La notification de redressement prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la notification ".
14. Aucune mise en recouvrement n'a eu lieu dans le délai de réponse imparti à la requérante et cette dernière ne justifie pas avoir produit comme elle l'allègue des observations complémentaires appelant une nouvelle réponse avant l'expiration dudit délai. Les dispositions de l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales imposent au contribuable de produire ses observations sur les redressements qui lui sont notifiés avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la date de notification de la proposition de rectification, ce délai pouvant être prolongé pour une durée identique sur la demande du contribuable comme en l'espèce, elles ne fixent aucun délai à l'administration pour répondre aux observations du contribuable. Le moyen tiré de ce que l'administration aurait dû attendre l'expiration du délai de soixante jours suivant la réception de la proposition de rectification ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité et la charge de la preuve :
15. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge (...) ".
16. En premier lieu, pour fonder le rejet de la comptabilité présentée par la SCI Les Arbousiers lors des opérations de contrôle, le vérificateur a relevé que les justificatifs de recettes produits, à savoir trois facturiers ayant indifféremment servi à la SCI et à la " SCEA L'or de nos collines " ne permettaient pas l'identification des clients auxquels les prestations étaient facturées, comportaient des datations fantaisistes et ne respectaient pas l'ordre chronologique dans leur numérotation. En outre, les éléments tirés du droit de communication ont permis de mettre en lumière une disproportion notable entre les éléments déclarés et la masse des transactions répertoriées de nature à établir le caractère sporadique et aléatoire des justificatifs de vente. Ces seules irrégularités qui étaient suffisamment graves et nombreuses suffisaient pour ôter tout caractère probant et sincère à la comptabilité de la SCI Les Arbousiers. C'est dès lors à bon droit que l'administration fiscale a pu l'écarter comme impropre à justifier des résultats déclarés et procéder, par suite, à la reconstitution extracomptable du chiffre d'affaires pour 2006. S'agissant de l'année 2007 la proposition de rectification du 24 août 2009 mentionne que les redressements notifiés au titre de l'exercice clos en 2007 procèdent, non de la reconstitution extracomptable du chiffre d'affaires après rejet de la comptabilité présentée, mais uniquement de la prise en compte d'un produit facturé mais non inscrit en comptabilité. Ainsi, le moyen tiré du rejet irrégulier de la comptabilité ne peut qu'être écarté.
17. En second lieu, les impositions contestées ayant été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires rendu le 14 décembre 2010, il appartient à la SCI Les Arbousiers, en application des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve du caractère exagéré de l'imposition.
En ce qui concerne la critique de la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires mise en oeuvre au titre de l'exercice clos en 2006 :
18. Pour reconstituer le chiffre d'affaires de la SCI Les Arbousiers l'administration a pris en compte les déclarations de résultats déposées tant par la requérante depuis le début de l'exploitation de la déchetterie en 2001 et de la SCEA L'or de nos collines qui lui a succédé à compter du 1er janvier 2007. L'analyse de ces documents a permis au vérificateur de déterminer le nombre de mètres cubes de déblais collectés soit 194 488 mètres cubes et elle a ensuite déterminé le volume de déblais collectés et déclarés au cours de la période vérifiée. A partir d'une expertise confiée à la société Opsia, fondée sur la comparaison à partir de prises de vues aériennes et d'une modélisation numérique du terrain, des courbes altimétriques entre juin 1998 et novembre 2008, le volume de déblais déposé a été estimé. Cette expertise faisant apparaître un total de 410 000 mètres cubes apportés sur le terrain depuis 1998, l'administration a relevé une discordance de 215 512 mètres cubes entre ce chiffre et le montant déclaré. Elle a affecté cette discordance à la période non prescrite correspondant aux années 2006 et 2007, en a déduit un volume mensuel de déblais non déclarés de 8 979 mètres cubes qu'elle a rapporté à la seule période d'exploitation correspondant aux années contrôlées, soit la seule année 2006 en ce qui concerne la SCI. Elle en a déduit que les omissions déclaratives portaient sur 107 748 mètres cubes, soit une omission de recettes d'un montant de 323 244 euros toutes taxes comprises. L'exploitation des facturiers dont elle avait pu disposer au cours des opérations de contrôle lui avait permis de déterminer un prix unitaire moyen à la tonne ou au mètre cube de déchets de trois euros. Lors de sa première réclamation préalable du 31 mars 2011, la requérante a produit une contre-expertise du 9 septembre 2010 reposant sur la même méthode que l'expertise initiale et réalisée par la même société Opsia mais portant sur une période plus courte et faisant ainsi état d'un volume de déblais de 230 000 mètres cubes sur la période 2006-2008. L'administration a retenu dans sa réponse à la réclamation préalable en date du 4 octobre 2011, les conclusions de cette seconde expertise et, après avoir pris en compte les éléments déclarés sur la même période, estimé que l'insuffisance déclarée correspondait à 100 000 mètres cubes, soit sur une année, 50 000 mètres cubes correspondant à des recettes de 150 000 euros toutes taxes comprises après application du prix unitaire de trois euros au mètre cube.
19. En premier lieu, les suppléments d'impôt résultant de l'expertise produite privent de toute portée les critiques relatives aux parcelles et à la période retenues par la première expertise. La seconde expertise a porté sur les apports de déchets effectués durant la période pertinente et sur les parcelles correspondant à l'exploitation. Néanmoins la SCI Les Arbousiers fait valoir que le rapport d'expertise n'explicite pas sa méthode de calcul mais la lecture dudit rapport montre que le résultat procède non de l'application d'une simple formule de calcul à des données chiffrées mais de l'exploitation d'un modèle numérique permettant de reconstituer une différence de volume à partir de l'exploitation de prises de vues aériennes permettant la réalisation de plans topographiques permettant eux-mêmes la réalisation de modèles numériques de terrain susceptibles d'être comparés. S'agissant d'un expert auquel la SCI Les Arbousiers a elle-même eu recours, celle-ci n'est pas fondée à se prévaloir de l'absence d'indication des formules de calcul utilisées par l'expert dans l'exercice de sa mission. La SCI n'apporte donc pas la preuve que cette absence aboutisse à une exagération de l'imposition qu'elle conteste.
20. En deuxième lieu, l'administration a déduit, dans sa reconstitution, le volume de déblais correspondant au chiffre d'affaires déclaré par la " SCEA L'or de nos collines " en 2008. La requérante n'établit pas que ce volume déduit aurait été minoré. Elle n'apporte donc pas ainsi la preuve qui lui incombe du caractère exagéré de l'imposition.
21. En troisième lieu, la SCI Les Arbousiers critique le prix au mètre cube retenu par l'administration, soit trois euros, le vérificateur s'est fondé sur les données issues des facturiers qui ont été mis à sa disposition lors du contrôle. La requérante n'établit pas, alors qu'elle supporte la charge de la preuve, que ce prix serait excessif.
22. En quatrième lieu, la requérante relève que le phénomène de foisonnement proscrit toute déduction mécanique du volume déposé et facturé à partir d'une estimation du volume enfoui. La requérante, qui supporte la charge de la preuve, n'apporte aucune justification à l'appui de ses allégations et n'établit pas que le volume de déblais retenu par l'administration serait excessif.
23. En cinquième lieu, l'administration a mis en oeuvre une méthode de reconstitution des bénéfices imposables fondée sur les principes des recettes acquises et dépenses engagées. La SCI Les Arbousiers allègue sans l'établir que la méthode est fondée sur une comptabilité d'encaissement. Le moyen, tel qu'il est formulé, ne permet pas de regarder la SCI comme ayant établi que la méthode aboutirait à une exagération de l'imposition.
24. En sixième lieu, à défaut d'une comptabilité régulière et probante l'administration a reconstitué les recettes en estimant, après avoir extourné les recettes correspondant à l'année 2008, que la moitié des recettes correspondant à la période 2006-2007 avait été réalisée en 2006 par la requérante. En se bornant à soutenir que l'administration a méconnu le principe d'annualité la requérante n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère exagéré de l'imposition.
25. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit nécessaire d'ordonner l'expertise avant-dire droit réclamée dont l'objet excède au demeurant le cadre du présent litige fiscal, que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires de l'exploitation de la SCI Les Arbousiers pour l'exercice clos en 2006 n'est ni excessivement sommaire, ni radicalement viciée dans son principe. La requérante, qui ne propose aucune méthode alternative plus précise de reconstitution de ses recettes, n'établit donc pas que celle retenue par l'administration aboutirait à une évaluation excessive de son chiffre d'affaires.
En ce qui concerne les rappels d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée procédant de la réintégration d'un produit non comptabilisé au titre de l'exercice clos en 2007 :
26. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts auxquels les dispositions du I de l'article 209 du même code renvoient : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / (...) 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. ".
27. Par ailleurs, aux termes de l'article 256 du même code : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. ". Aux termes de l'article 269 du même code : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit : a) Au moment où (...) la prestation de services est effectuée (...) 2 La taxe est exigible : (...) c) Pour les prestations de services, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur autorisation du directeur des services fiscaux, d'après les débits. ".
28. Il résulte de la proposition de rectification que le vérificateur a rattaché à la période courant du 1er janvier au 31 décembre 2007 la taxe sur la valeur ajoutée collectée omise correspondant à la taxe mentionnée sur la facture d'un montant de 20 563 euros toutes taxes comprises émise par la SCI Les Arbousiers au cours de l'année 2007 en rémunération de prestations de prêt de main d'oeuvre rendues à la " SCEA L'or de nos collines ", laquelle en a elle-même opéré la déduction en poste de charges au cours de ce même exercice. Ces prestations sont donc soumises à la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement de l'article 256 du code général des impôts. Cette taxe est exigible à l'encaissement en application des dispositions de l'article 269 du même code. La requérante qui ne conteste pas la réalité ou le montant de la prestation rendue soutient que la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux sommes en cause ne pouvait être exigée en l'absence d'encaissement au cours de l'année d'imposition en litige, il lui appartenait, dès lors qu'elle supporte du fait de sa situation de taxation d'office, la charge de prouver le caractère exagéré du supplément d'imposition qui lui est réclamé, de démontrer qu'elle n'a pas encaissé cette somme en 2007, ce qu'elle ne fait pas. En outre, l'administration fiscale a fait une exacte application des dispositions de l'article 38 du code général des impôts en retenant le montant facturé à la SCEA comme un produit d'exploitation devant être intégré pour la détermination du chiffre d'affaires imposable à l'impôt sur les sociétés pour l'année 2007.
En ce qui concerne l'application du taux réduit en matière de taxe sur la valeur ajoutée :
29. Ainsi qu'il a été dit aux points 3 et 4, la SCI Les Arbousiers est assujettie aux impôts commerciaux du fait de son activité. L'activité qu'elle exerce de déchetterie ne correspond pas à la location de terres et de bâtiments à usage agricole ou à la location de terrains non aménagés et de locaux nus. Dès lors, la requérante n'est fondée à se prévaloir ni du régime d'exonération prévu par les dispositions du 2° de l'article 261 D du code général des impôts, ni des dispositions de l'article 278 bis du même code dans sa rédaction applicable au litige instituant en son 5° un taux réduit de taxe pour les opérations d'achat, d'importation, d'acquisition intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur certains produits à spécifications techniques particulières destinés, après homologation, à un usage agricole, au nombre desquels les déchets de chantiers apportés ne sauraient au surplus être rangés, ni non plus des dispositions du h de l'article 279 du même code instituant un taux réduit en faveur des " prestations de collecte, de tri et de traitement des déchets visés aux articles L. 2224-13 et L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales, portant sur des matériaux ayant fait l'objet d'un contrat conclu entre une commune ou un établissement public de coopération intercommunale et un organisme ou une entreprise agréé au titre de l'article L. 541-2 du code de l'environnement ", alors qu'il n'est ni démontré ni même seulement allégué que de telles prestations auraient été rendues ou qu'un contrat lierait la requérante à l'une des collectivités publiques mentionnées par les dispositions précitées.
Sur les pénalités :
30. La SCI Les Arbousiers demande la décharge des pénalités qui assortissent les suppléments d'imposition réclamés sur l'ensemble de la période vérifiée, ainsi que la décharge de l'amende fiscale prévue par les dispositions de l'article 1759 du code général des impôts qui lui a été infligée pour l'année 2006, par voie de conséquence de ses conclusions tendant à la décharge des droits en principal. Il suit de ce qui a été dit dans les paragraphes précédents, qu'il n'y a pas lieu de procéder à la décharge des pénalités.
31. Aux termes de l'article 1759 du code général des impôts : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées (...) ". Dans ses dernières écritures la société indique qu'elle a désigné les deux associés comme étant les bénéficiaires des distributions. Les termes de cette désignation étant suffisamment précis, l'administration ne pouvait appliquer l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts. Ainsi, la SCI Les Arbousiers est fondée à demander la décharge de l'amende de l'article 1759 du code général des impôts qui lui a été infligée pour l'année 2006.
32. Il résulte de tout ce qui précède que La SCI Les Arbousiers est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande en tant qu'il a maintenu l'application de l'amende prévue par les dispositions de l'article 1759 du code général des impôts au titre de l'année 2006. Dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu d'appliquer les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La SCI Les Arbousiers est déchargée de l'amende de l'article 1759 du code général des impôts qui lui a été infligée au titre de l'année 2006.
Article 2 : Le jugement n° 1401016 du 9 juin 2016 du tribunal administratif de Toulon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de La SCI Les Arbousiers est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à La SCI Les Arbousiers et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 19 mars 2019, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. Maury, premier conseiller,
- Mme Carotenuto, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 avril 2019.
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N° 16MA03211
nc