Par un jugement n° 1704128 du 5 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 février 2018 et le 17 août 2018, Mme C..., représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 octobre 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 1er août 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir et à titre subsidiaire de réexaminer sa demande dans le délai de deux mois sous les mêmes conditions d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le préfet n'a pas justifié de la notification du sens de la décision de la Cour nationale du droit d'asile dans une langue qu'elle comprend, contrairement aux dispositions de l'article R. 213-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français a été pris par une autorité incompétente ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation personnelle et familiale ;
- les moyens de légalité externe invoqués relèvent de la même cause juridique que celui soulevé en première instance tiré du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle et familiale ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 743-3 du code le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination est également entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux et méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er août 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens de légalité externe sont, faute d'avoir été présentés en première instance, irrecevables en appel ;
- les autres moyens soulevés par MmeC... ne sont pas fondés.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 janvier 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Carotenuto a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante arménienne, a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 janvier 2017, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 9 juin 2017. Un arrêté portant obligation de territoire français dans un délai de trente jours a, en conséquence, été pris à l'encontre de l'intéressée par le préfet de l'Hérault le 1er août 2017. Mme C... relève appel du jugement du 5 octobre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de l'Hérault :
2. Il ressort des pièces du dossier que, dans sa demande devant le tribunal administratif de Montpellier, la requérante n'avait invoqué que des moyens tirés de la légalité interne de l'arrêté attaqué. Dans sa requête d'appel, Mme C... fait valoir que le préfet ne justifie pas de la notification du sens de la décision de la Cour nationale du droit d'asile dans une langue qu'elle comprend, contrairement aux dispositions de l'article R. 213-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce moyen de légalité externe, nouveau en appel, qui se rattache à une cause juridique distincte de celle afférente aux moyens invoqués en première instance et qui ne présente pas un caractère d'ordre public, est irrecevable.
Sur la légalité de l'arrêté du 1er août 2017 :
3. L'arrêté contesté a été signé par M. Pascal Othéguy, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault, qui a reçu, par un arrêté du 3 novembre 2016 du préfet de l'Hérault, régulièrement publié, délégation à l'effet de signer, notamment, toutes les décisions relatives au séjour et à la police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office. ". L'article L. 743-3 du même code dispose : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI. ".
5. Mme C..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office de protection des réfugiés et apatrides le 31 janvier 2017, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 9 juin 2017, se trouvait dans le cas prévu au 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où l'autorité préfectorale peut obliger un étranger à quitter le territoire français.
6. Les moyens tirés de ce que la situation de l'intéressée n'a pas fait l'objet de la part du préfet d'un examen réel et sérieux et de ce que le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 743-3 du code le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal respectivement aux points 4 et 5 du jugement attaqué.
7. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " et aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., qui déclare être entrée en France en septembre 2016, est sans charge de famille. Si elle allègue que son époux ne réside plus dans son pays d'origine, elle ne l'établit pas. Sa fille majeure, dont la demande d'asile a également été rejetée par l'Office de protection des réfugiés et apatrides, puis par la Cour nationale du droit d'asile, a vocation à retourner dans son pays d'origine. Par suite, alors même que son petit-fils est né en France le 4 septembre 2017, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels il a été pris, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Mme C... n'est pas davantage fondée à soutenir que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
9. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Ces dispositions font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.
10. La requérante, dont la demande d'asile a, d'ailleurs, été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile, n'apporte aucun élément probant de nature à établir la réalité des risques qu'elle encourt en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, en désignant l'Arménie ou tout autre pays pour lequel elle établit être légalement admissible comme pays de destination de la mesure d'éloignement, le préfet de l'Hérault, qui a procédé à un examen particulier de la situation de Mme C... et ne s'est pas cru à tort lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile, n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. Pour les mêmes motifs que ceux qui sont exposés aux points 8 et 10, la décision fixant le pays de destination n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme C....
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C..., à Me B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 2 avril 2019, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. Barthez, président assesseur,
- Mme Carotenuto, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 avril 2019.
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N° 18MA00911
jm