Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 mai 2018 et le 9 octobre 2018, laSA Entreprise Jean Spada, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 21 mars 2018 ;
2°) de prononcer la décharge de la majoration de 40 % à laquelle elle a été assujettie pour manquement délibéré ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les cadeaux constituent des frais généraux déductibles, dont la taxe sur la valeur ajoutée est déductible pour les cadeaux de faible valeur en application des dispositions du 3° du 2 du IV de l'article 206 de l'annexe 2 du code général des impôts ;
- la preuve de l'intention d'éluder l'impôt n'est pas rapportée ;
- lors d'un précèdent contrôle fiscal ayant porté sur les exercices 2003, 2004, 2005 et 2006, le vérificateur n'a ni remis en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé les achats de places de stade ni contesté la déductibilité des charges correspondantes du résultat imposable à l'impôt sur les sociétés.
Par des mémoires, enregistrés le 14 août 2018 et le 15 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SA Entreprise Jean Spada ne sont pas fondés.
La présidente de la Cour a désigné M. Barthez, président assesseur, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Antonetti, président de la 4ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Maury,
- les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la SA Entreprise Jean Spada.
Considérant ce qui suit :
1. La SA Entreprise Jean Spada, qui exerce une activité de bâtiment et travaux publics, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à la suite de laquelle elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2011 et 2012 et à des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013. La société requérante a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge de la seule majoration de 40 % à laquelle elle a été assujettie pour manquement délibéré. Elle fait appel du jugement du tribunal administratif de Nice du 21 mars 2018 qui a rejeté sa requête.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre de procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ". Il résulte de ces dispositions que pour établir la mauvaise foi d'un redevable, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.
3. Il résulte de la proposition de rectification adressée à la société requérante le 13 août 2014 que le vérificateur a relevé que des dépenses comptabilisées au compte " cadeaux clientèle " correspondant à l'achat de billets pour des matchs de football, des tournois de tennis, des repas au restaurant et des places pour des spectacles de cirque, avaient été déduites des résultats fiscaux pour un montant de 54 415 euros au titre de l'exercice 2011 et de 54 224 euros au titre de l'exercice 2012. L'administration a réintégré ces dépenses aux résultats de la société requérante et remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces cadeaux. Pour justifier de l'application de la majoration pour manquement délibéré, l'administration fait valoir que la nature de ces dépenses, paraît difficilement conciliable avec l'activité de travaux de terrassement de la société. Elle relève également l'importance des sommes réintégrées au titre des exercices clos en 2011 et 2012 ainsi que le caractère répétitif des sommes engagées. Enfin, elle fait valoir que l'identité des bénéficiaires de ces cadeaux n'a pas été précisée par la société, celle-ci n'ayant pas davantage justifié que ces dépenses présentaient en contrepartie un intérêt économique pour elle. L'administration en déduit que la société ne pouvait ignorer, en consentant ces cadeaux et en déduisant les charges correspondantes et la taxe sur la valeur ajoutée y afférente, qu'elle n'agissait pas dans l'intérêt de l'entreprise et en infraction avec la législation fiscale.
4. La société requérante, se borne à alléguer de manière générale qu'elle pouvait, au regard de la jurisprudence, être légitimement fondée à déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'acquisition de ses biens incorporels ou prestations de service destinés à faire l'objet de " cadeaux clientèle ", et de déduire le montant hors taxes au titre de ses frais généraux, dès lors que cette pratique au sein de l'entreprise ne date pas des années vérifiées, mais remonte bien antérieurement. Ainsi, elle n'apporte pas d'éléments sérieux de nature à remettre en cause le caractère intentionnel des manquements relevés dans ses déclarations qui est établi par l'administration.
5. Ainsi, l'administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe d'un manquement délibéré de l'Entreprise Jean Spada dans ses déclarations fiscales, alors même que ces charges n'auraient pas présenté un caractère disproportionné par rapport à l'importance de l'entreprise.
6. En second lieu, en application de l'article L. 80 A du livre de procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; (...) ".
7. La SA Entreprise Jean Spada soutient que, lors d'un précédent contrôle fiscal ayant porté sur les exercices clos en 2003, 2004, 2005 et 2006, le vérificateur n'aurait ni remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les achats de places de stade ni contesté la déductibilité des charges correspondantes du résultat imposable à l'impôt sur les sociétés. Si la société requérante entend se prévaloir ainsi des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait lors de ce précédent contrôle formellement pris position sur la situation de fait de la société requérante au regard des textes fiscaux en litige dans la présente instance. Par suite, ce moyen doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la SA Entreprise Jean Spada n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge de la pénalité pour manquement délibéré en matière d'impôt sur les sociétés. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SA Entreprise Jean Spada est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Entreprise Jean Spada et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, où siégeaient :
- M. Barthez, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Maury, premier conseiller,
- Mme Carotenuto, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 janvier 2019.
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N° 18MA02397
nc