Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 11 mars 2019, le garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 janvier 2019 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de rejeter les conclusions de Mme D....
Il soutient que :
- le tribunal s'est mépris dès lors que ces décisions sont légalement justifiées et proportionnées aux faits.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E...,
- et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... bénéficiait d'un permis pour rendre visite à son conjoint, M. A..., incarcéré au centre de détention de Salon-de-Provence. Par décision du 8 janvier 2016, le chef de cet établissement pénitentiaire a supprimé définitivement ce permis de visite à compter du 14 décembre 2015. Mme D... a sollicité le 6 juin 2016 un nouveau permis de visite. Par décision du 13 juin 2016, le chef d'établissement a opposé un refus à cette demande. Mme D... a également sollicité le 1er juillet 2016 un permis de visite pour ses deux enfants mineurs. Par décision du 27 septembre 2016, le directeur interrégional des services pénitentiaires PACA/Corse a confirmé la décision du 18 juillet 2016 par laquelle le chef d'établissement du centre de détention de Salon-de-Provence a refusé de délivrer un permis de visite aux deux enfants mineurs de Mme D... et de M. A.... Le garde des sceaux, ministre de la justice relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé les décisions des 13 juin et 27 septembre 2016.
2. D'une part, l'article 35 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 dispose que : " Le droit des personnes détenues au maintien des relations avec les membres de leur famille s'exerce soit par les visites que ceux-ci leur rendent, soit, pour les condamnés et si leur situation pénale l'autorise, par les permissions de sortir des établissements pénitentiaires. Les prévenus peuvent être visités par les membres de leur famille ou d'autres personnes, au moins trois fois par semaine, et les condamnés au moins une fois par semaine. / L'autorité administrative ne peut refuser de délivrer un permis de visite aux membres de la famille d'un condamné, suspendre ou retirer ce permis que pour des motifs liés au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions. / L'autorité administrative peut également, pour les mêmes motifs ou s'il apparaît que les visites font obstacle à la réinsertion du condamné, refuser de délivrer un permis de visite à d'autres personnes que les membres de la famille, suspendre ce permis ou le retirer. / Les permis de visite des prévenus sont délivrés par l'autorité judiciaire. / Les décisions de refus de délivrer un permis de visite sont motivées ". L'article R. 57-8-10 du code de procédure pénale désigne le chef d'établissement comme l'autorité responsable de la délivrance, de la suspension ou du retrait d'un permis de visiter une personne condamnée et le dernier alinéa de l'article R. 57-8-15 du même code dispose que : " Les incidents mettant en cause les visiteurs sont signalés à l'autorité ayant délivré le permis qui apprécie si le permis doit être suspendu ou retiré. " Aux termes de l'article R. 57-8-11 du même code : " Le chef d'établissement fait droit à tout permis de visite qui lui est présenté, sauf à surseoir si des circonstances exceptionnelles l'obligent à en référer à l'autorité qui a délivré le permis, ou si les personnes détenues sont matériellement empêchées, ou si, placées en cellule disciplinaire, elles ont épuisé leur droit à un parloir hebdomadaire. ".
3. Il résulte de ces dispositions que les décisions tendant à restreindre ou supprimer les permis de visite relèvent du pouvoir de police des chefs d'établissements pénitentiaires. Ces mesures de police, qui tendent au maintien du bon ordre et de la sécurité au sein des établissements pénitentiaires ou à la prévention des infractions, affectent directement le maintien des liens des personnes détenues avec leurs proches et sont susceptibles de porter atteinte à leur droit au respect de leur vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il appartient en conséquence à l'autorité compétente de prendre les mesures nécessaires, adaptées et proportionnées à assurer le maintien du bon ordre et de la sécurité de l'établissement pénitentiaire ou, le cas échéant, la prévention des infractions sans porter d'atteinte excessive au droit des détenus.
4. Les décisions contestées ont été prises au motif que lors de la visite au parloir du 12 décembre 2015, M. A... a frappé et menacé Mme D... à plusieurs reprises et que lors de cette même visite il a été découvert sur cette personne détenue de l'argent, du tabac et des feuilles. Mme D... a reconnu avoir eu une dispute avec son mari lors du parloir. Si elle conteste avoir reçu des coups de son conjoint, ces faits sont toutefois établis par le compte rendu d'incident du 12 décembre 2015. Cet incident a été de nature à troubler le maintien de la sécurité et du bon ordre au sein de l'établissement et, ce faisant, à justifier à l'encontre de Mme D... une mesure de suppression définitive de son permis de visite, par sa décision du 13 juin 2016. Il résulte de l'examen des pièces du dossier qu'aucun autre moyen invoqué par la requérante en première instance n'est fondé, la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, ne pouvant qu'écarter le moyen tiré de ce que la mesure serait disproportionnée, pour les mêmes raisons que celles indiquées ci-dessus.
5. En revanche, le refus, par décision du 18 juillet 2016, confirmée le 27 septembre 2016, du permis de visite sollicité par Mme D... pour ses deux enfants, nés en 2013 et en 2015, pouvant être accompagnés par une autre personne qu'elle-même revêt, au regard de ses conséquences sur leur vie privée et familiale, un caractère disproportionné, les deux enfants n'ayant au demeurant pris aucune part dans les faits à l'origine du refus opposé, et alors même que M. A... n'aurait pas fait preuve de son souhait de les rencontrer à l'avenir.
6. Il résulte de tout ce qui précède, que le garde des sceaux, ministre de la justice est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 13 juin 2016 confirmé le 27 septembre 2016 par laquelle ce chef d'établissement a refusé de délivrer à Mme D... un permis de visite pour rencontrer son conjoint M. B... A....
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 11 janvier 2019 du tribunal administratif de Marseille est annulé en tant qu'il a annulé la décision du 13 juin 2016 confirmé le 27 septembre 2016 par laquelle ce chef d'établissement a refusé de délivrer à Mme D... un permis de visite pour rencontrer son conjoint M. B... A....
Article 2 : Les conclusions de Mme D... tendant à l'annulation de la décision du 13 juin 2016 confirmée le 27 septembre 2016 en tant qu'elle refuse de lui délivrer un permis de visite pour rencontrer son conjoint sont rejetées.
Article 3 : Les surplus des conclusions du recours est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 19 avril 2021, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. E..., président assesseur,
- M. Merenne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mai 2021.
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N° 19MA01123