Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 décembre 2018 et 20 novembre 2020, l'association La Clave et le Bas Estéron et M. B... E..., représentés par Me C..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 octobre 2018 du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler la délibération du 30 novembre 2015 du conseil municipal de la commune du Broc approuvant l'acquisition du terrain cadastré E 119 - 1352 - 1354 ;
3°) de mettre à la charge de la commune du Broc la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les droits de la défense de M. E... ont été méconnus, dès lors que son intervention n'a pas été prise en compte par le tribunal et qu'il n'a pas été autorisé à prendre la parole lors de l'audience ;
- la délibération contestée méconnait les dispositions de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales ;
- elle est illégale du fait de l'irrégularité de la décision de la SAFER de céder les parcelles ;
- elle n'a pas été prise dans un but d'intérêt général ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- aucun avis des services des domaines n'a été émis avant la délibération ;
- la vente s'est conclue à un prix exorbitant ;
- elle méconnait la directive territoriale d'aménagement du département des Alpes-Maritimes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2019, la commune du Broc, représentée par la SELARL Lestrade-Capia, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'association La Clave et le Bas Estéron et de M. E... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- aucun organe habilité n'a donné à l'association l'autorisation d'agir en justice ;
- M. E... n'a pas intérêt à agir en appel, dès lors qu'il n'était pas partie en première instance ;
- la requête est irrecevable faute d'intérêt pour agir de l'association ;
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 10 juillet 2019, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) Provence-Alpes-Côte d'Azur, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'association requérante et de M. E... d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- aucun organe habilité n'a donné à l'association l'autorisation d'agir en justice ;
- M. E... n'a pas intérêt à agir en appel, dès lors qu'il n'était pas partie en première instance ;
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. H...,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la SAFER PACA, et de M. E....
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 30 novembre 2015, le conseil municipal de la commune du Broc a approuvé l'acquisition du terrain cadastré E 119 - 1352 - 1354, d'une superficie de 1 ha, 80 a et 36 ca, pour un prix de 183 312 euros hors taxes, dans le cadre d'une procédure de rétrocession engagée par la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) Provence-Alpes-Côte d'Azur, afin de la donner en location à un agriculteur. L'association La Clave et le Bas Estéron, représentée par son président en exercice, relève appel du jugement du 30 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de cette délibération.
Sur la recevabilité de la requête d'appel :
2. L'association La Clave et le Bas Estéron produit la délibération de son conseil d'administration autorisant son président à former appel du jugement attaqué conformément à l'article 9 de ses statuts. La fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir du président de l'association doit donc être écartée. La requête étant recevable en tant qu'elle émane de l'un des appelants, il n'est pas nécessaire de se prononcer sur sa recevabilité en tant qu'elle émane de l'autre appelant.
Sur l'irrégularité du jugement attaqué :
3. M. E... a déposé au greffe du tribunal administratif un mémoire en intervention le 1er octobre 2018 sur lequel le tribunal administratif n'a pas statué. Le tribunal administratif a ainsi omis de statuer sur les moyens invoqués dans cette intervention. Il en résulte que le jugement attaqué est entaché d'une irrégularité, et doit donc être annulé.
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer immédiatement sur le litige par la voie de l'évocation.
Sur le fond :
En ce qui concerne l'intervention de M. E... :
5. M. E..., qui a exprimé son intérêt pour l'achat de la propriété acquise par la commune dispose donc d'un intérêt pour intervenir.
En ce qui concerne la légalité de la délibération contestée :
6. La délibération du 30 novembre 2015 du conseil municipal de la commune du Broc n'est pas prise pour l'application des actes par lesquels la SAFER a procédé à l'acquisition et à la rétrocession des parcelles en question, qui relèvent du droit privé. Ces actes n'en constituent pas plus la base légale. En l'espèce, les moyens soulevés par l'association requérante à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 30 novembre 2015 par laquelle le conseil municipal de la commune du Broc a approuvé l'acquisition du terrain cadastré E 119 - 1352 - 1354 et qui sont relatifs tant à l'acquisition préalable du terrain par la SAFER Provence-Alpes-Côte d'Azur qu'à la décision de cette dernière de rétrocéder ce terrain sont sans incidence sur la légalité de la délibération contestée.
7. Aux termes de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ". Aux termes de l'article L. 2121-12 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal (...). Le présent article est également applicable aux communes de moins de 3 500 habitants lorsqu'une délibération porte sur une installation mentionnée à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. ". Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. " Il est constant que la commune du Broc n'atteint pas 3 500 habitants et que la délibération en cause ne portait pas sur une installation mentionnée à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est donc inopérant.
8. Aux termes de l'article L. 1311-9 du code général des collectivités territoriales : " Les projets d'opérations immobilières mentionnés à l'article L. 1311-10 doivent être précédés, avant toute entente amiable, d'une demande d'avis de l'autorité compétente de l'Etat lorsqu'ils sont poursuivis par les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics (...) ". Aux termes de l'article L. 1311-10 du même code : " Ces projets d'opérations immobilières comprennent : / 1° Les baux, accords amiables et conventions quelconques ayant pour objet la prise en location d'immeubles de toute nature d'un loyer annuel, charges comprises, égal ou supérieur à un montant fixé par l'autorité administrative compétente ; / 2° Les acquisitions à l'amiable, par adjudication ou par exercice du droit de préemption, d'immeubles, de droits réels immobiliers, de fonds de commerce et de droits sociaux donnant vocation à l'attribution, en pleine propriété, d'immeubles ou de parties d'immeubles, d'une valeur totale égale ou supérieure à un montant fixé par l'autorité administrative compétente, ainsi que les tranches d'acquisition d'un montant inférieur, mais faisant partie d'une opération d'ensemble d'un montant égal ou supérieur ; / 3° Les acquisitions poursuivies par voie d'expropriation pour cause d'utilité publique ". En l'espèce, l'acquisition faisant l'objet de la délibération contestée, qui fait partie des opérations immobilières mentionnées à l'article L. 1311-10 précité du code général des collectivités territoriales, a été précédée d'un avis de l'autorité compétente de l'Etat (France Domaine), quand bien même il a été émis à la demande de la SAFER et non de la commune. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut qu'être écarté.
9. Il ressort des pièces du dossier que l'acquisition du terrain cadastré E 119 - 1352 - 1354, approuvée par la délibération litigieuse du conseil municipal du Broc, a pour objectif de développer l'agriculture locale et biologique ; elle est donc fondée sur un motif d'intérêt général. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 300-1 et L. 240-1 du code de l'urbanisme ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté. Il résulte par ailleurs des différentes évaluations réalisées par le service des domaines que le prix prévu par l'acquisition par la commune n'est en rien " exorbitant " et ne révèle aucune libéralité de la part de la commune.
10. L'association requérante ne met pas la juridiction administrative à même de se prononcer sur le moyen tiré de la méconnaissance de la directive territoriale d'aménagement (DTA) des Alpes-Maritimes ou de la charte du parc régional des Préalpes d'Azur en se bornant à affirmer, sans d'ailleurs l'établir, que la délibération imposerait de défricher la propriété.
11. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'un conseiller municipal intéressé aurait participé à la délibération attaquée.
12. Le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.
13. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation doivent être rejetées.
14. Il n'est, dès lors, pas nécessaire de se prononcer sur les fins de non-recevoir invoquées par les défendeurs à l'encontre de la demande de première instance.
Sur les frais du litige :
15. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit à aucune des conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 30 octobre 2018 du tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : L'intervention de M. E... est admise.
Article 3 : Les conclusions de l'association La Clave et le Bas Estéron présentées en première instance et le surplus des conclusions d'appel de l'association et de M. E... sont rejetés.
Article 4 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association La Clave et le Bas Estéron, à M. B... E..., à la commune du Broc, et à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Délibéré après l'audience du 3 février 2021, où siégeaient :
- M. H..., président-assesseur,
- M. F... et Mme G..., premiers conseillers.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2021.
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N° 18MA05424