Par un jugement n°s1002171, 1100693, 1100694, 1100696, 1100699, 1200801 du 26 mars 2013 le tribunal administratif de Nice a annulé les titres exécutoires n° 1270 du 8 avril 2010, n°s 7342, 7343, 7344 et 7345 du 23 décembre 2010 et n° 7949 du 21 décembre 2011, déchargé la société de l'obligation de payer la somme totale de 567 937,44 euros et mis à la charge de la commune de Cannes une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Cannes a demandé à la Cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 26 mars 2013, de rejeter la demande et de mettre à la charge de la société anonyme (SA) Société Casinotière du Littoral Cannois une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un arrêt du 19 décembre 2014, n° 13MA01866, la Cour administrative d'appel de Marseille a rejeté cette demande et mis à la charge de la commune de Cannes une somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.
Par un arrêt n° 388127 du 15 mars 2017, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 19 décembre 2014 et renvoyé l'affaire à la Cour administrative de Marseille.
Par un arrêt n° 17MA01260 du 2 octobre 2017, la Cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du 26 mars 2013 du tribunal administratif de Nice, ramené la somme due par la société Casinotière du Littoral Cannois au titre d'indemnité pour les six années d'occupation sans titre du domaine public de 567 937,44 euros à 495 331 euros, et rejeté le surplus des conclusions de la société Casinotière du Littoral Cannois.
Par un arrêt n° 416329 du 12 décembre 2018, le Conseil d'Etat a rejeté le recours en cassation dirigé contre l'arrêt de la Cour du 2 octobre 2017.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2017 sous le numéro 17MA04707, la société Jesta Fontainebleau, représentée par la SCP Baraduc, Duhamel Rameix, demande à la Cour, par la voie de la tierce opposition :
1°) de déclarer non avenu l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Marseille du 2 octobre 2017 ;
2°) d'annuler les titres exécutoires émis par la commune de Cannes n°1270 du 8 avril 2010, n° 7342, 7343, 7344 et 7345 du 23 décembre 2010 et n° 7949 du 21 décembre 2011 ;
3°) Subsidiairement de réduire à de plus justes proportions les titres exécutoires émis par la commune de Cannes ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Cannes la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa tierce opposition est recevable ;
- les titres en litige sont nuls dès lors que la surface visée n'appartient pas au domaine public ;
-subsidiairement, le gestionnaire ne peut prendre en compte que les avantages retirés par le locataire de l'occupation régulière et, en l'espèce, les montants retenus sont erronés ;
- les avantages obtenus par la commune tout comme ses agissements devaient être pris en compte.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2019, la commune de Cannes, représentée par Me B... de la SARL Plénot-Suares-Blanco-B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la requérante une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, la requête est irrecevable ;
- à titre subsidiaire, elle n'est pas fondée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité.
1. La société Noga Hôtels Cannes a conclu avec la commune de Cannes un bail à construction le 7 octobre 1988, pour une durée de 75 ans, en vue de la construction d'un ensemble immobilier comprenant un hôtel, un casino et une salle de spectacle, situé boulevard de la Croisette. Elle a également conclu avec la commune, le 13 septembre 1990, une convention d'occupation du domaine public pour la réalisation d'un passage souterrain, sous le boulevard de la Croisette, permettant de relier l'immeuble à la plage. Une nouvelle convention d'occupation du domaine public a été conclue le 30 mars 1994, pour la période du 1er septembre 1993 au 31 août 2005, afin de régulariser des empiètements sur le sous-sol de la voie publique résultant, d'une part, des travaux de construction de l'hôtel lui-même et, d'autre part, de la construction du passage souterrain. Le 24 septembre 2003, la société Noga Hôtels Cannes, propriétaire de l'ensemble immobilier, a conclu un bail commercial avec la société fermière du casino municipal de Cannes, aux droits de laquelle est venue la société Casinotière du Littoral Cannois, pour la location d'une surface de 2 797,22 m² située au rez-de-chaussée inférieur, au rez-de-chaussée et au cinquième sous-sol de l'immeuble, en vue de l'exploitation du casino. Par six titres de recettes émis pour la période du 1er septembre 2005 au 31 août 2011, la commune de Cannes a réclamé à la société Casinotière du Littoral Cannois le paiement d'une indemnité à raison de l'occupation sans titre, pour une surface de 168 m², du tréfonds du domaine public communal. Le tribunal administratif de Nice, par un jugement du 26 mars 2013, a annulé ces titres de recettes et a accordé à la société la décharge de l'obligation de payer les sommes correspondantes. Par l'arrêt du 19 décembre 2014 la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son appel formé contre ce jugement au motif que la redevance d'occupation du domaine public ne saurait être mise à la charge de l'occupant n'ayant pas la qualité de propriétaire. Par un arrêt n° 388127 du 15 mars 2017, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 19 décembre 2014 pour erreur de droit en relevant que lorsque l'occupation du domaine public procède de la construction sans autorisation d'un bâtiment sur le domaine public et que ce bâtiment est lui-même occupé par une personne autre que celle qui l'a édifié ou qui a acquis les droits du constructeur, le gestionnaire du domaine public est fondé à poursuivre l'indemnisation du préjudice résultant de l'occupation irrégulière auprès des occupants sans titre, mettant ainsi l'indemnisation soit à la charge exclusive de la personne ayant construit le bâtiment ou ayant acquis les droits du constructeur, soit à la charge exclusive de la personne qui l'occupe, soit à la charge de l'une et de l'autre en fonction des avantages respectifs qu'elles en ont retirés. Par le même arrêt, le Conseil d'Etat a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille, qui par un arrêt n° 17MA01260 du 2 octobre 2017 a annulé le jugement du 26 mars 2013 du tribunal administratif de Nice, ramené la somme due par la société Casinotière du Littoral Cannois au titre d'indemnité pour les six années d'occupation sans titre du domaine public de 567 937,44 euros à 495 331 euros. Par un arrêt n° 416329 du 12 décembre 2018, le Conseil d'Etat a rejeté le recours en cassation dirigé contre l'arrêt de la Cour du 2 octobre 2017. La société Jesta Fontainebleau, par la voie de la tierce opposition demande à la Cour de déclarer non avenu l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Marseille du 2 octobre 2017, d'annuler les titres exécutoires émis par la commune de Cannes n°1270 du 8 avril 2010, n°s 7342, 7343, 7344 et 7345 du 23 décembre 2010 et n° 7949 du 21 décembre 2011 et subsidiairement de réduire à de plus justes proportions les titres exécutoires émis par la commune de Cannes.
2. Avant l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2006, du code général de la propriété des personnes publiques qui n'est pas applicable au cas d'espèce, l'appartenance d'un bien au domaine public était subordonnée à la condition que le bien ait été affecté au service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné ou affecté à l'usage direct du public après, si nécessaire, son aménagement.
3. Il résulte de l'instruction que les niveaux inférieurs du bâtiment appartenant à la société Jeta Fontainebleau ont été implantés au-delà de la limite de propriété privée, en débordement sous la Croisette, et qu'ils empiètent ainsi sur le tréfonds du domaine public routier communal sur une bande d'une largeur comprise entre 2 et 3 mètres et ce pour une superficie totale de 168 m² incluant l'emprise de la paroi moulée du bâtiment. Ces empiètements, contribuent à soutenir la voie qui se situe à leur aplomb et présentent donc une utilité directe pour cet ouvrage, notamment pour sa solidité, et elle en constitue par suite l'accessoire. La société ne critique pas utilement la superficie en cause, calculée lors du levé topographique du 17 mai 1989, et jamais remis en cause depuis lors, en se bornant à soutenir qu'aucune procédure d'alignement n'a été réalisée, et sans, au demeurant, proposer un autre calcul de superficie.
4. Une commune est fondée à réclamer à l'occupant sans titre de son domaine public, au titre de la période d'occupation irrégulière, une indemnité compensant les revenus qu'elle aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période. A cette fin, elle est fondée à demander le montant des redevances qui auraient été appliquées si l'occupant avait été placé dans une situation régulière, soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l'occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu'aurait pu produire l'occupation régulière de la partie concernée du domaine public communal. En l'occurrence, l'indemnité réclamée à la société requérante pouvait légalement être calculée par référence au loyer commercial versé par la Société Casinotière du Littoral Cannois au propriétaire de l'hôtel Noga Hilton au prorata de la surface occupée sans droit ni titre en tréfonds du domaine public communal, nonobstant la circonstance que, comme le soutient la société, " En toute logique, le montant des revenus que la commune aurait pu percevoir de la société SCLC ne pouvait être apprécié qu'au prorata des bénéfices perçus par cette dernière du fait de l'occupation de cette surface et non répercutés sur les sommes reversées à la commune en application de la convention de délégation de service public. "
5. Aucune disposition légale ou réglementaire n'impose à la commune de calculer l'indemnité en cause en fonction des bénéfices de la société locataire des locaux. La circonstance que la superficie en cause ne permettrait aucune exploitation directe est sans influence sur la légalité du tarif en cause, dès lors que l'exploitant en retire un avantage indirect, laquelle ne permet pas de distinguer la paroi moulée du restant de la surface en cause, la commune n'ayant pas davantage à procéder à un abattement en conséquence. La commune n'avait pas davantage à prendre en compte les aménagements réalisés sur le bâtiment.
6. Si la société invoque diverses fautes qu'aurait commise la commune en s'abstenant de lui réclamer une indemnité à ce titre durant plusieurs années, en trompant la société dans le cadre de la procédure de saisie immobilière qui a abouti à l'adjudication du 9 février 2006, en s'abstenant de révéler que les locaux étaient en partie bâtis sur le domaine public lors de la conclusion du contrat de délégation de service public de 2003, ces fautes, à les supposer même avérées, si elles seraient, le cas échéant, de nature à engager la responsabilité de la commune, demeurent sans influence sur la légalité des titres exécutoires émis dont le fondement est l'avantage résultant pour le locataire de l'occupation sans titre des locaux.
7. Il résulte de ce qui précède que la requête de la société Jesta Fontainebleau ne peut qu'être rejetée.
Sur les frais du litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'il soit mis une somme à la charge de la commune, qui n'a pas la qualité de partie perdante à l'instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Jesta Fontainebleau une somme de 2 000 euros au titre de ces mêmes dispositions à verser à la commune de Cannes.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Jesta Fontainebleau est rejetée.
Article 2 : Il est mis à la charge de la société Jesta Fontainebleau la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à la commune de Cannes.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cannes, à la société Jesta Fontainebeau, et à la société Casinotière du Littoral Cannois.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 4 novembre 2019, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. A..., président-assesseur,
- M. Merenne premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 novembre 2019.
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N° 17MA04707