Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 3 décembre 2019, 1er mars 2021 et 22 avril 2021, M. et Mme A..., représentés par Me Pontier, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 septembre 2019 ;
2°) d'annuler le titre exécutoire du 9 septembre 2016 et la décision du 24 octobre 2016 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Grans une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la demande de première instance a été présentée dans un délai raisonnable ;
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré du détournement de pouvoir ;
- les frais en cause correspondent, contrairement aux mentions du titre, non à des travaux d'élagage, mais à des travaux d'écimage ;
- les décisions ne sont pas légalement justifiées dès lors que les arbres en cause sont à plus de deux mètres du domaine public routier, que leur hauteur n'est pas réglementée, qu'ils ne portaient pas atteinte à la commodité du passage, à la sécurité ou à la propreté et qu'ils avaient l'intention d'effectuer eux-mêmes les travaux en cause ;
- le maire a entaché ses décisions de détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2021, la commune de Grans, représentée par Me Susini, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. et Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance est tardive en ce qu'elle n'a pas été présentée dans le délai raisonnable d'un an ;
- la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me Larroque, représentant M. et Mme A... ainsi que celles de Me Stuart, représentant la commune de Grans.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 30 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à l'annulation du titre exécutoire émis par le maire de la commune de Grans à leur encontre le 9 septembre 2016 pour le recouvrement de la somme de 3 600 euros, ensemble la décision du 24 octobre 2016 portant rejet de leur recours gracieux.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci en a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.
3. En l'espèce si le maire de la commune de Grans a rejeté le recours gracieux présenté par les requérants par la décision contestée du 24 octobre 2016, il n'est pas établi que M. et Mme A... auraient eu connaissance de cette dernière décision plus d'un avant le 26 octobre 2017, date d'introduction de leur demande de première instance. Par suite, la commune de Grans n'est pas fondée à soutenir que cette demande était tardive.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article L. 2212-2-2 du code général des collectivités territoriales dans sa version applicable : " Dans l'hypothèse où, après mise en demeure sans résultat, le maire procéderait à l'exécution forcée des travaux d'élagage destinés à mettre fin à l'avance des plantations privées sur l'emprise des voies communales afin de garantir la sûreté et la commodité du passage, les frais afférents aux opérations sont mis à la charge des propriétaires négligents. ".
5. M. et Mme A... sont propriétaires à Grans d'une vaste parcelle arborée bordée de trois voies publiques, le chemin du Micocouliers, la rue de la Sauge et le chemin de la Machotte. Par courrier du 17 juin 2014, le maire de la commune les a mis en demeure de procéder, sous dix jours, à l'élagage des arbres bordant ces voies, relevant que l'emprise de la végétation sur celles-ci compromettait la commodité du passage, la conservation des voies et la maintenance des réseaux aériens, et leur précisant qu'ils s'exposaient à défaut à la réalisation d'office à leurs frais desdits travaux par la commune. Par procès-verbal du 16 septembre 2014, le chef de service de police municipale a constaté, qu'après un taillage partiel opéré par les intéressés, les arbres et haies débordaient toujours sur le domaine public, l'aplomb des arbres n'étant pas respecté, des ronces passant au travers du grillage. Il résulte de l'instruction qu'un élagage a en conséquence été effectué d'office le 17 septembre 2014. Ce dernier a été mis à la charge des époux A... qui indiquent sans être contredits s'être à cet égard acquitté de la somme de 2 160 euros correspondante.
6. Toutefois, par un nouveau courrier du 17 septembre 2014, l'autorité municipale a indiqué à M. et Mme A... qu'elle leur accordait un délai supplémentaire, jusqu'au 31 décembre 2014, ultérieurement porté au 5 janvier 2015, pour ramener à une hauteur " réglementaire " de deux mètres maximum toutes les plantations situées à moins de deux mètres de leur limite de propriété, les intéressés s'exposant à une nouvelle exécution d'office desdits travaux à leurs frais en cas de défaillance. Ces travaux d'écimage n'ayant pas été réalisés par les époux A..., le maire y a fait procéder d'office à la fin du mois de janvier 2015, pour un coût de 3 600 euros qu'il a mis à la charge des requérants par l'effet du titre exécutoire litigieux du 9 septembre 2016.
7. Cependant, il résulte de l'instruction, et particulièrement d'un procès-verbal dressé par huissier de justice le 21 janvier 2015, avant la réalisation de ces derniers travaux, qu'après l'opération d'élagage conduite au mois de septembre 2014, l'avance des arbres plantés sur la propriété de M. et Mme A... sur les voies communales était circonscrite à quelques branches de hauts arbres à plus de six mètres de haut, ne présentant aucune menace de tomber. Il ne résulte d'aucun élément que cette avance aurait compromis la sûreté et la commodité du passage sur les voies en cause au sens des dispositions de l'article L. 2212-2-2 du code général des collectivités territoriales. Au demeurant, si tel avait été le cas, une telle avance n'aurait été susceptible de justifier, sur le fondement de ces dispositions, que l'élagage desdites branches et non l'écimage de l'ensemble des arbres auquel il a été procédé. Le titre exécutoire litigieux visant au recouvrement des frais afférents à ces travaux est dès lors dépourvu de fondement légal.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement de première instance, que M. et Mme A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme A..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par la commune de Grans et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de cette dernière la somme globale de 2 000 euros à verser à M. et Mme A... sur le fondement de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 octobre 2019, le titre exécutoire émis par le maire de la commune de Grans le 9 septembre 2016 et la décision du 24 octobre 2016 portant rejet du recours gracieux de M. et Mme A... sont annulés.
Article 2 : La commune de Grans versera à M. et Mme A... la somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et Mme C... B..., épouse A... et à la commune de Grans.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2021, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 septembre 2021.
N°19MA05321 5