Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 juin 2019 et 14 janvier 2021, la SAS Soleil, Mer et Montagne, agissant en dernier lieu par l'intermédiaire de Me C..., liquidateur judiciaire, représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 14 mai 2019 en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ;
2°) de condamner la commune de Mandelieu-la-Napoule à lui verser la somme de 2 335 164,05 euros, portant intérêts de droit courant depuis le 28 septembre 2016 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Mandelieu-la-Napoule une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la fermeture décidée en conséquence de l'inondation exceptionnelle subie au cours du mois d'octobre 2015 excède les aléas que comporte nécessairement l'exploitation du camping ; le dommage est grave et spécial ; la responsabilité sans faute de la commune est engagée ;
- des travaux de sécurisation auraient dû être ordonnés en lieu et place de cette fermeture ;
- le préjudice est constitué de la perte de la valeur du fonds de commerce, de la dépréciation des immobilisations corporelles, des charges exposées inutilement et des préjudices subis par le locataire-gérant du restaurant du camping.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mai 2020, la commune de Mandelieu-la-Napoule, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et, subsidiairement, à ce que les sommes allouées à la requérante soient rapportées à de plus justes proportions. Elle demande qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors qu'elle se borne à reprendre les écritures de première instance de la requérante ;
- la société n'a aucune qualité ou intérêt à agir pour le compte du locataire-gérant du restaurant ;
- la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Soleil, Mer et Montagne, agissant par l'intermédiaire de son liquidateur judiciaire, relève appel du jugement du 14 mai 2019 du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Mandelieu-la-Napoule soit condamnée à l'indemniser du préjudice subi du fait de l'arrêté pris par son maire le 28 avril 2016, prononçant la fermeture définitive du camping " L'Argentière ", qu'elle exploitait sur le territoire communal.
2. En premier lieu, en l'absence même de dispositions le prévoyant expressément, l'exploitant d'une installation dont la fermeture a été ordonnée sur le fondement des pouvoirs de police dévolus au maire par le 5° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales pour prévenir les conséquences d'éventuelles inondations, est fondé à demander l'indemnisation du dommage qu'il a subi de ce fait lorsque, excédant les aléas que comporte nécessairement une telle exploitation, il revêt un caractère grave et spécial et ne saurait, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement à l'intéressé.
3. Le camping " L'Argentière ", dont la création avait été autorisée par un arrêté préfectoral du 4 mars 1965, régulièrement renouvelé, était installé en bordure du Riou-de-l'Argentière. Il résulte de l'instruction qu'après que la société Soleil, Mer et Montagne a acquis ce fonds de commerce, par acte du 6 avril 1995, le site a subi, au cours de l'année 1996, une inondation par débordement du fleuve, obligeant à l'évacuation des vacanciers et conduisant à son classement en zone rouge au plan de prévention des risques inondation approuvé le 23 décembre 1998, puis modifié le 20 juillet 2003. Malgré l'entreprise de travaux, notamment d'élargissement du lit du cours d'eau au droit du camping, et un avis favorable de la commission consultative départementale de sécurité à la poursuite de l'exploitation de l'établissement, de nouvelles inondations justifiant une évacuation sont survenues, notamment au cours des années 2010, 2013 et enfin durant le mois d'octobre 2015, ce dernier épisode d'une particulière intensité ayant engendré des dégâts très importants et la mise en danger de plusieurs occupants du camping.
4. La circonstance que l'exposition du site au risque d'inondation ne se soit révélée qu'après que la société requérante a acquis le fonds de commerce litigieux n'est pas, par elle-même, de nature à engager la responsabilité sans faute de l'autorité de police, alors même que l'activité de camping sur le site était légalement autorisée. Si le maire de la commune n'a pas remis en cause, malgré plusieurs inondations, la poursuite de cette activité jusqu'à ce que soit pris, à la suite de l'inondation plus grave que les précédentes du mois d'octobre 2015, l'arrêté du 28 avril 2016, il ne résulte pas de l'instruction que cette circonstance ait emporté un quelconque dommage pour la requérante. A cet égard, la situation de son actionnaire, qui en a acquis les parts sociales au cours de l'année 2011, est, en tout état de cause, sans incidence. La SAS Soleil, Mer et Montagne ne justifie par ailleurs pas avoir engagé à ses frais, ainsi qu'elle le prétend, des travaux inutiles au cours de la période ayant séparé la dernière inondation de l'arrêté du 28 avril 2016, au demeurant relativement courte et durant laquelle elle pouvait légitimement s'attendre au prononcé d'une mesure de fermeture. Dans ces circonstances, la fermeture du camping, installé sur un site exposé à des risques élevés d'inondation, ne peut être regardée comme un aléa excédant ceux que comporte nécessairement une telle exploitation.
5. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que le maire de la commune aurait pris, eu égard à l'importance du risque constaté lors de l'inondation du mois d'octobre 2015 malgré les travaux de sécurisation déjà réalisés, une mesure disproportionnée en prononçant la fermeture de l'établissement.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, que la SAS Soleil, Mer et Montagne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Mandelieu-la-Napoule, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par la SAS Soleil, Mer et Montagne et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions au bénéfice de la commune de Mandelieu-la-Napoule.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Soleil, Mer et Montagne est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Mandelieu-la-Napoule au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me B... C..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Soleil, Mer et Montagne, et à la commune de Mandelieu-la-Napoule.
Délibéré après l'audience du 8 mars 2021, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Merenne, premier conseiller,
- Mme E..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mars 2021.
N°19MA02831 2