Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 31 octobre 2019, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 24 septembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 6 juin 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le juge de première instance a effectué d'office une substitution de motifs ; en outre, le nouveau motif n'a pas été soumis au débat contradictoire ; le jugement est à cet égard irrégulier ;
- elle a droit à un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle vit une vie de couple stable en France avec un ressortissant français, sans qu'on ne puisse légalement lui opposer l'absence de preuve de son isolement dans son pays d'origine ou le fait qu'elle ne résiderait pas sur le territoire depuis cinq ans ; au demeurant, elle justifie d'une telle présence ;
- la décision portant refus de droit au séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixation du pays d'éloignement sont illégales par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de droit au séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 février 2020, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 novembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu en audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante camerounaise née en 1970, relève appel du jugement du 24 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 juin 2019, pris par le préfet de l'Hérault, refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'arrêté du 6 juin 2019, le préfet de l'Hérault a estimé que la vie privée et familiale de Mme D... n'était pas fixée en France de façon telle qu'elle lui ouvrirait un droit au séjour en application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne saurait être soutenu que les premiers juges, qui se sont bornés à confirmer la légalité de ce motif, auraient effectué, d'office et sans respecter le principe du contradictoire, une substitution de motifs en relevant, dans le cadre de cette appréciation, que la requérante n'établissait pas résider en France depuis l'année 2014. Au demeurant, contrairement à ce que l'intéressée soutient, cette circonstance avait également été prise en compte par le préfet dans son arrêté. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit dès lors être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; / (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / (...) ".
4. A supposer même que Mme D... réside en France depuis l'année 2014 ainsi qu'elle le soutient, elle ne justifie pas de la réalité de sa vie commune avec un ressortissant français, partenaire d'un pacte civil de solidarité, en produisant un contrat de bail à leur nom pour la location d'un appartement à Ganges dans l'Hérault et des éléments de nature à établir sa domiciliation à cette adresse, alors qu'il ressort des pièces du dossier, sans qu'elle ne fournisse la moindre explication à cet égard, que les retraits d'argent auxquels elle procède depuis son arrivée en France sont quasiment tous effectués depuis la région parisienne et qu'elle est employée, depuis le mois de novembre 2018, comme garde d'enfants à Clichy dans les Hauts-de-Seine. Elle ne justifie d'aucun autre lien personnel ou familial sur le territoire et ne fournit aucun élément antérieur à son contrat de travail, de nature à établir son insertion dans la société française. Elle ne fournit aucune explication, mise à part celle tenant au décès de son père, de nature, si ce n'est à démontrer, du moins à justifier, qu'elle serait isolée dans son pays d'origine. Comme l'ont relevé les premiers juges, sa vie privée et familiale n'est ainsi pas fixée en France de façon telle que la décision portant refus de titre de séjour y porterait une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés, de même que celui tenant à l'illégalité, par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de droit au séjour, des décisions portant obligation de quitter le territoire et fixation du pays à destination duquel Mme D... pourrait être éloignée.
5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme sur leur fondement.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 8 mars 2021, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Merenne, premier conseiller,
- Mme C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mars 2021.
N°19MA04705 2