Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 1er décembre 2017, M.B..., représentée Me A..., demande à la Cour, à titre principal :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 24 juillet 2017 ;
2°) d'annuler l'article 1er de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 18 juillet 2017 portant sur l'assignation à résidence dans le département de l'Hérault pour une durée de 45 jours à compter du 18 juillet 2017 ;
3°) d'annuler l'article 2 de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 18 juillet 2017 portant sur l'obligation de présentation tous les lundi, mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 16 heures, muni de ses effets personnels dans les locaux de la police aux frontières de Montpellier ;
4°) d'annuler l'article 3 de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 18 juillet 2017 portant sur l'interdiction de sortir du département de l'Hérault sans autorisation ;
5°) à titre subsidiaire, de saisir le Conseil d'Etat pour avis ou de la Cour de Justice de l'Union Européenne d'une question préjudicielle ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur le bien-fondé du jugement :
- le risque de fuite n'est pas défini par la loi, l'assignation à résidence pour ce motif n'est pas possible, dès lors l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté comme méconnaissant l'article 28 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et l'article 8 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; le tribunal administratif a commis une erreur de droit ;
- le juge de première instance a commis une erreur de droit en écartant le caractère disproportionné de la mesure d'assignation à résidence ; il ne représente pas de risque de fuite ;
Sur la décision l'assignant à résidence :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est entachée d'une erreur de fait, dès lors qu'il ne présente aucun risque de fuite ;
- elle est entachée d'une erreur en droit sur l'application des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne remplissait pas les critères de cet article pour se voir notifier d'une telle décision ;
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que l'administration n'avait pas à lui imposer de telles contraintes de présentation, chaque jour de la semaine muni de ses effets personnels ;
- le préfet de l'Hérault a commis un détournement de pouvoir dès lors que l'objet de cette assignation était de pouvoir basculer sans motifs légitimes et légaux dans le cadre d'une mesure de placement en rétention afin de procéder à son transfert ;
- ce détournement de pouvoir est confirmé par son placement en rétention le 25 juillet 2017 puis par le transfert en Italie le 26 juillet ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que le pointage tous les jours de la semaine à 16h l'a empêché de suivre des cours de français ou des activités du centre d'accueil et d'accompagnement ;
- ce pointage quotidien a été également un facteur d'une grande anxiété et d'un stress important dans un parcours de vie déjà difficile, qui a porté atteinte à sa santé mentale, à sa dignité, et à sa vie privée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 janvier 2019, le préfet de l'Hérault demande à titre principal, un non-lieu à statuer suite à la prise en charge par la France du demandeur d'asile et, à titre subsidiaire, conclut au rejet de la requête d'annulation de l'appelant.
Il fait valoir que :
- M. B...a exécuté sa mesure d'éloignement vers l'Italie le 27 juillet 2017 ;
- la procédure de demande d'asile du requérant a été requalifiée en procédure normale ;
- la demande d'asile de M. B...a été enregistrée à l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) le 20 septembre 2017 ;
- le 13 avril 2018, l'OFPRA a rejeté sa demande d'asile ;
- M. B...a introduit un recours devant la Cour nationale du droit d'asile le 14 juin 2018.
M. B...a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 octobre 2017 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pecchioli, rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991.
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 24 juillet 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M.B..., de nationalité soudanaise, né le 1er janvier 1991, tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 juillet 2017, par lequel le préfet de l'Hérault a décidé de l'assigner à résidence dans le département de l'Hérault avec interdiction d'en sortir sans autorisation pendant une durée de 45 jours à compter du 18 juillet 2017 et obligation de se présenter tous les jours à 16h00, sauf le samedi et dimanche, dans les locaux de la police aux frontières de Montpellier. M. B...relève appel de ce jugement.
Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée par le préfet de l'Hérault :
2. La circonstance que M. B...ait été remis aux autorités italiennes le 27 juillet 2017 ne rend pas sans objet son appel à l'encontre de la décision d'assignation à résidence. Ainsi, l'exception de non-lieu à statuer opposée par le préfet doit par suite être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...). ". Enfin, aux termes des dispositions de l'article L. 742-3 du même code : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen (...) ".
4. En premier lieu, il résulte des termes mêmes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable, que l'autorité administrative peut prendre une mesure d'assignation à résidence à l'égard d'un étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, notamment dans le cas où l'examen de sa demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat. Ces dispositions sont, d'une part, explicitement applicables aux demandeurs d'asile et, d'autre part, elles ne subordonnent pas le prononcé d'une telle mesure à la constatation d'une opposition de l'intéressé, à son absence de garanties de représentation ou à l'existence d'un risque qu'il cherche à se soustraire à son transfert. Au contraire, ces deux dernières conditions ne sont envisagées par le dernier alinéa du I de l'article L. 561-2 que pour permettre son placement en rétention administrative.
5. Ces dispositions ne sauraient être regardées comme contraires à l'article 8 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale ou à l'article 28 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, qui ne visent précisément qu'à encadrer la possibilité pour les Etats membres de placer un étranger en rétention.
6. Il ressort des pièces du dossier que M.B..., dont la demande d'annulation de la décision de transfert vers l'Italie avait été rejetée par le tribunal administratif de Montpellier le 17 mars 2017, ne s'est pas présenté lors de l'embarquement prévu pour son retour en Italie le 3 mai 2017, alors même qu'un taxi était prévu devant son hébergement, afin de procéder à son retour en Italie. Le préfet, qui ne dispose que de six mois pour exécuter la décision à compter de l'accord donné par les autorités de l'Etat membre responsable, ne pouvait, en outre, pas prendre de mesure moins coercitive pour s'assurer de la présence de celui-ci lors d'un éventuel embarquement à destination de l'Etat membre responsable. Il ressort, dès lors, des pièces du dossier, eu égard à l'objectif poursuivi par cette mesure et à la contrainte qui a ainsi été composée à M.B..., que c'est à bon droit que le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a jugé que cette décision n'était pas disproportionnée par rapport aux buts poursuivis.
7. Dans ces conditions, le requérant ne saurait, en tout état de cause, utilement se prévaloir de la circonstance que la notion de risque de fuite serait insuffisamment définie par la loi française. M. B...n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le préfet et le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier auraient méconnu le champ d'application de la loi en l'assignant à résidence, ni que le magistrat désigné aurait commis une erreur de droit en écartant le caractère disproportionné de la décision en litige. Les moyens doivent être écartés, sans qu'il soit besoin de saisir le Conseil d'Etat pour avis, ni la Cour de Justice de l'Union Européenne d'une question préjudicielle.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. Il doit également se présenter, lorsque l'autorité administrative le lui demande, aux autorités consulaires, en vue de la délivrance d'un document de voyage (...) ".
9. Le moyen, soulevé pour la première fois en cause d'appel, tiré du détournement de pouvoir commis par le préfet de l'Hérault, au motif que l'obligation de présentation n'est prévue par la loi que pour s'assurer de la possible exécution de la mesure d'éloignement, ne peut qu'être écarté, dès lors que l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit expressément qu'une mesure d'assignation à résidence comporte une obligation de présentation.
10. Enfin, en troisième et dernier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens déjà soulevés en première instance par M.B..., tirés du défaut de motivation de la décision en litige, de l'erreur de fait sur le risque de fuite, de l'erreur de droit sur l'application des dispositions des articles L. 561-1 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation, par adoption des motifs retenus par le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier, respectivement aux points 3 à 10 de son jugement, dès lors que l'appelant ne fait état d'aucun élément nouveau de nature à justifier ces méconnaissances.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées, l'Etat n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. C...B..., à Me A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2019, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- M. Pecchioli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er avril 2019.
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N°17MA04658