Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 9 mai 2018, le 13 juillet 2018 et le 19 février 2019, Mme B..., représentée par Me Ruffel, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 12 décembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 juin 2017 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la délégation de signature produite par le préfet a une portée générale ;
- elle n'entre pas dans les catégories d'étrangers pouvant bénéficier de la procédure de regroupement familial car elle s'est mariée postérieurement à son entrée en France ;
- l'arrêté du préfet méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur de droit en appréciant la gravité de l'atteinte portée par la mesure d'éloignement à sa vie privée et familiale au regard de la possibilité de bénéficier de la procédure de regroupement familial ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 février 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par l'appelante n'est fondé.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 26 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., de nationalité marocaine, née en 1985, relève appel du jugement du 12 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 juin 2017 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 3 de la convention de New York du 26 janvier 1990 sur les droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
3. La requérante, qui soutient être entrée en France en 2014, s'est mariée le 31 juillet 2015 dans ce pays avec un ressortissant marocain, avec lequel elle démontre vivre depuis le mois de mai 2015. De leur union est née une fille le 20 novembre 2016. L'arrêté contesté a nécessairement pour effet de séparer cet enfant de l'un de ses deux parents, M. B... résidant de façon régulière depuis 2001 en France, pays dans lequel il dispose en outre d'attaches familiales. Dans ces conditions, l'arrêté a été pris en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et doit être annulé pour ce motif.
4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 2 juin 2017.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. L'exécution du présent arrêt, qui annule l'arrêté préfectoral du 2 juin 2017, implique nécessairement la délivrance à la requérante d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Hérault de délivrer à l'intéressée un tel titre de séjour dans un délai fixé, dans les circonstances de l'espèce, à un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance :
6. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Ruffel, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Ruffel de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 12 décembre 2017 du tribunal administratif de Montpellier et l'arrêté du préfet de l'Hérault du 2 juin 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à Mme B... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera à Me Ruffel la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que Me Ruffel renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C...épouseB..., à Me Ruffel et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2019, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.
Lu en audience publique, le 1er avril 2019.
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N° 18MA02141