Par un jugement n° 1401832 du 29 septembre 2016, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 novembre 2016 et le 16 novembre 2017, la commune de Sanary-sur-Mer, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 29 septembre 2016 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 750 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2012 et d'annuler la décision du préfet du Var de refus de l'indemniser ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'exerce aucune autorité hiérarchique sur le comptable public, fonctionnaire d'Etat ;
- le comptable public a commis des carences fautives dans la gestion du poste de perception ;
- les moyens matériels et humains mis à la disposition du comptable étaient insuffisants ;
- l'Etat doit être condamné à lui rembourser le montant des créances qui n'ont pas été recouvrées, tel qu'arrêté par la chambre régionale des comptes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le maire de la commune de Sanary-sur-Mer a maintenu des créances irrécouvrables dans ses restes à recouvrer en refusant de présenter au conseil municipal une délibération pour l'admission en non-valeur de ces créances ;
- la responsabilité de l'Etat ne peut pas être recherchée, la commune disposant de voies de recours contre l'ordonnance rendue le 21 décembre 2011 par le juge des comptes qui a déchargé le comptable de sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
- par jugement du 24 septembre 2012, le juge des comptes n'a notifié que quatre charges à l'encontre du comptable pour les années 2005 à 2010 ;
- les éventuelles fautes commises par le comptable à l'occasion du recouvrement de produits locaux ne saurait engager la responsabilité de l'Etat, le comptable agissant dans cette hypothèse au nom et pour le compte de la commune ;
- le montant demandé en réparation est injustifié ;
- le comptable n'a commis aucune faute ;
- à titre subsidiaire, la créance est prescrite.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la commune de Sanary-sur-Mer.
Considérant ce qui suit :
1. La Chambre régionale des comptes (CRC) de Provence-Alpes-Côte-d'Azur a rédigé le 18 avril 2012 un rapport d'observations définitives portant sur la gestion de la commune de Sanary-sur-Mer pour les années 2002 et suivantes, dans lequel est mentionnée l'existence de restes à recouvrer dont le montant réajusté s'élève à 750 000 euros. La commune de Sanary-sur-Mer relève appel du jugement du 29 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui payer 750 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de l'absence de recouvrement de ces créances.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 1617-1 du code général des collectivités territoriales : " Le comptable de la commune, du département ou de la région est un comptable public de l'Etat ayant la qualité de comptable principal. (...) ". Selon l'article L. 2343-1 du même code : " Le comptable de la commune est chargé seul et sous sa responsabilité d'exécuter les recettes et les dépenses, de poursuivre la rentrée de tous les revenus de la commune et de toutes les sommes qui lui sont dues (...) ".
3. Une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement et de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard d'une collectivité territoriale ou de toute autre personne publique si elle leur a directement causé un préjudice. Un tel préjudice peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et notamment du fait de ne pas avoir perçu des impôts ou taxes qui auraient dû être mis en recouvrement. Cependant tel n'est pas le cas des créances non fiscales recouvrées par le comptable de la commune, au nom et pour le compte de la commune. Les éventuelles fautes commises par ce comptable à l'occasion du recouvrement de ces créances ne sauraient engager la responsabilité de l'Etat.
4. L'absence de recouvrement des créances invoquées par la commune, constituées par des demandes d'annulation de titres exécutoires provenant de l'annulation d'un contrat de concession, de titres émis pour des droits de voirie ou d'astreintes de voierie, devenus irrécouvrables à la suite de liquidations judicaires de créanciers clôturées pour insuffisance d'actif et enfin, de litiges et contentieux, n'a pas trait aux procédures de recouvrement de l'impôt. Le comptable ayant agi dans cette hypothèse pour le compte et au nom de la commune, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Toulon a jugé que la responsabilité de l'Etat ne pouvait pas être recherchée dans cette mesure. La commune ne saurait par ailleurs utilement se prévaloir du fait qu'elle n'exerce pas d'autorité hiérarchique sur le comptable, agent de l'Etat.
5. En second lieu, la commune n'apporte pas plus en appel qu'en première instance d'éléments qui démontreraient que l'Etat aurait commis une faute dans l'organisation du service, cette faute n'étant pas démontrée par le seul constat de l'existence de créances irrécouvrables, ni par le rapport d'observations définitives de la CRC, lequel ne fait pas état de dysfonctionnements ni de défaillances dans l'organisation du poste comptable.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Sanary-sur-Mer n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Sanary-sur-Mer sur leur fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Sanary-sur-Mer est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Sanary-sur-Mer et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2018, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.
Lu en audience publique, le 5 novembre 2018.
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N° 16MA04388