Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 février 2018, M.B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier du 20 octobre 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 16 octobre 2017 du préfet de l'Hérault et de saisir, le cas échéant, le Conseil d'Etat pour avis ou la Cour de Justice de l'Union Européenne d'une question préjudicielle ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision d'assignation à résidence est entachée d'une méconnaissance du champ d'application de la loi, dès lors qu'il n'est pas en situation irrégulière ;
- cette décision est illégale, reposant sur les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles méconnaissent les dispositions de l'article 28 du règlement du 26 juin 2013 en l'absence de définition des critères permettant de caractériser le risque de fuite ;
- les modalités d'assignation à résidence qui lui ont été imposées sont illégales dès lors qu'il ne relève pas du 5° de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision d'assignation à résidence est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il ne présente aucun risque de fuite.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 novembre 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par l'appelant n'est fondé.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 15 décembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., de nationalité nigériane, a fait l'objet de deux arrêtés en date du 16 octobre 2017 par lesquels le préfet de l'Hérault a décidé de le remettre aux autorités italiennes aux fins d'examiner sa demande d'asile et l'a assigné à résidence. Il relève appel du jugement du 20 octobre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 16 octobre 2017 l'assignant à résidence.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article 28 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu'elle fait l'objet de la procédure établie par le présent règlement. / 2. Les États membres peuvent placer les personnes concernées en rétention en vue de garantir les procédures de transfert conformément au présent règlement lorsqu'il existe un risque non négligeable de fuite de ces personnes, sur la base d'une évaluation individuelle et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel et si d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement appliquées (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, dans les cas suivants : / (...) 2° Si l'étranger doit être remis aux autorités d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou transféré vers l'Etat responsable de sa demande d'asile en application de l'article L. 742-3. (...) La décision d'assignation à résidence est motivée ". Aux termes des dispositions de l'article L. 561-2 du même code : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...). ". Enfin, aux termes des dispositions de l'article L. 742-3 du même code : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen (...) ".
3. Il résulte des dispositions précitées que l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat et qui fait l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen peut être assigné à résidence. M. B...n'est par suite pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu le champ d'application de la loi en l'assignant à résidence. Le moyen doit ainsi être écarté, sans qu'il soit besoin de saisir le Conseil d'Etat pour avis ni la Cour de Justice de l'Union Européenne d'une question préjudicielle.
4. En deuxième lieu, il résulte des dispositions précitées des articles L. 561-1 et L. 561-2 que l'assignation à résidence d'un étranger faisant l'objet d'une décision de réadmission, dans l'attente de son transfert effectif vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile, n'est pas subordonnée à la condition qu'il présente un risque de fuite au sens des dispositions de l'article L. 551-1 du même code. Il résulte au contraire de ces dispositions que cette assignation à résidence ne peut être prononcée sur leur fondement qu'en présence de garanties de représentation de nature à prévenir ce risque. En tout état de cause, l'article 28 du règlement du 26 juin 2013 invoqué par le requérant ne prohibe, en l'absence de définition légale des critères objectifs permettant de caractériser le risque de fuite propre au demandeur d'une protection internationale, que son placement en rétention administrative dans l'attente de son transfert effectif et ne soumet, en revanche, à aucune condition son assignation à résidence pour le même motif. Par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que, faute pour les cas retenus par l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de valoir définition des raisons de craindre la fuite d'un tel demandeur, les dispositions précitées des articles L. 561-1 et L. 561-2 du même code seraient incompatibles avec celles de l'article 28 du règlement du 26 juin 2013.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application de l'article L. 561-1, de l'article L. 561-2 ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5 est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés. Toutefois, lorsque l'étranger est assigné à résidence en application de l'article L. 561-1 au titre du 5° de cet article ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5, l'autorité administrative peut fixer à quatre au plus le nombre de présentations quotidiennes. Elle peut en outre désigner à l'étranger une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il est assigné à résidence, dans la limite de dix heures consécutives par vingt-quatre heures. Le présent alinéa est applicable à l'étranger assigné à résidence en application des 1° à 4° de l'article L. 561-1 ou de l'article L. 561-2 lorsque son comportement constitue une menace pour l'ordre public ".
6. Le préfet a décidé par l'arrêté contesté d'assigner M. B...dans le département de l'Hérault pour une durée de 45 jours à compter du 16 octobre 2017 et lui a enjoint de pointer deux fois par semaine auprès des gendarmes, les mardi et jeudi de 10 heures à 12 heures, au centre d'hébergement. Ces modalités d'assignation à résidence, qui prévoient un déplacement des gendarmes pour venir à la rencontre de l'assigné sur son lieu de résidence, ne sauraient s'interpréter comme mettant en oeuvre les dispositions de l'article R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permettent d'aggraver, pour une catégorie d'assignés à résidence dans laquelle M. B...n'entre pas, les conditions d'assignation en fixant une plage horaire astreignant à demeurer dans les locaux de résidence dans la limite de dix heures par vingt-quatre heures. Le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet doit ainsi être écarté.
7. En quatrième et dernier lieu, si le requérant soutient que la décision d'assignation à résidence est entachée d'erreur manifeste d'appréciation car il ne présente pas de risque de fuite, il a été exposé au point 4 qu'une telle décision, moins contraignante qu'une mise en rétention, n'est pas subordonnée à la condition que l'étranger présente un tel risque. Ce dernier moyen doit par suite être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées, l'Etat n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B..., à Me A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2018, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Pecchioli, premier conseiller,
- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.
Lu en audience publique, le 7 janvier 2019.
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N° 18MA00620