Par un jugement n° 1301576 du 19 novembre 2015, le tribunal administratif de Toulon a admis l'intervention de l'association " Les ami(e)s de La Moutonne pour le cadre de vie à La Crau " et de l'association " L'union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l'environnement " et a rejeté la requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 janvier et le 20 janvier 2016, M. et Mme R...Y..., M. et Mme J...-Z...X..., M. et Mme D...N..., M. T... Q..., M. et Mme H...W..., M. et Mme C...K...et les associations " Les ami(e)s de La Moutonne pour le cadre de vie à La Crau " et " L'union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l'environnement " dite " UDVN 83 " , représentés par MeG..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 19 novembre 2015 ;
2°) d'annuler la décision du bureau communautaire de la communauté d'agglomération de Toulon Provence Méditerranée du 27 mai 2013 ayant pour objet la création de l'aire de grand passage des gens du voyage sur la commune de La Crau et l'autorisation de signature d'une convention de mise à disposition assortie d'un pacte de préférence et option d'achat d'un terrain cadastré parcelle AP 627 et 629 ;
3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Toulon Provence Méditerranée le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le prix d'acquisition est excessif, en violation des dispositions de l'article L. 1311-9 du code général des collectivités territoriales ;
- le terrain dont l'acquisition est projetée ne répond nullement aux caractéristiques requises pour l'implantation d'une aire de grand passage au regard notamment du risque inondation et incendie de forêt ;
- le choix d'implantation est incompatible avec les impératifs de préservation de l'environnement ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les parcelles sont situées en zone humide d'intérêt départemental et que le terrain est également situé dans une ZNIEFF inscrite à l'inventaire du patrimoine naturel de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ;
- l'aménagement de l'aire litigieuse méconnaît les dispositions de l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2016, la communauté d'agglomération de Toulon Provence Méditerranée conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des appelants de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les requérants sont dépourvus d'intérêt à agir ;
- la délibération du 27 mai 2013 ne procède pas à la création de l'aire de grand passage mais constitue un simple acte de gestion visant à louer un terrain lequel ne fait pas grief ;
- les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions et documents d'urbanisme ainsi que des dispositions environnementales sont inopérants ;
- les autres moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 modifiée relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage ;
- la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier ;
- le décret n° 2001-569 du 29 juin 2001 relatif aux normes techniques applicables aux aires d'accueil des gens du voyage ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pecchioli,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,
- et les observations de MeG..., représentant les appelants.
Considérant ce qui suit :
1. Le bureau communautaire de la communauté d'agglomération Toulon-Provence-Méditerranée a, par décision du 27 mai 2013, autorisé, d'une part, son président à signer la convention de mise à disposition pour treize mois des parcelles cadastrées AP 627 et 629, appartenant à la société civile immobilière Romax-Project, d'une surface totale de 17 179 m² situées quartier l'Estalle sur la commune de La Crau, convention incluant un pacte de préférence et option d'achat de ces parcelles et, d'autre part, cette même autorité à signer, si les conditions sont réunies pour que l'aire de grand passage perdure à cette adresse, l'acte d'acquisition de ces parcelles avec la société pour un prix de 400 000 euros. Il a, par ailleurs, inscrit les crédits correspondants au budget principal de la communauté d'agglomération Toulon Provence Méditerranée, pour les années 2013 et suivantes. Mme F...E...et vingt autres requérants ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler cette décision. Leur requête a été rejetée par un jugement du 19 novembre 2015. M. et Mme R...Y..., M. et Mme J...-Z...X..., M. et Mme D...N..., M. T...Q..., M. et Mme H...W..., M. et Mme C...K...et les associations " Les ami(e)s de La Moutonne pour le cadre de vie à La Crau " et " L'union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l'environnement " dite " UDVN 83 " relèvent appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il ressort, d'une part, des dispositions de l'article 1er de la loi du 5 juillet 2000 modifiée relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, dans sa rédaction alors applicable que : " I. - Les communes participent à l'accueil des personnes dites gens du voyage et dont l'habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles. / II. - Dans chaque département, (...) un schéma départemental prévoit les secteurs géographiques d'implantation des aires permanentes d'accueil et les communes où celles-ci doivent être réalisées ". Le schéma départemental pour l'accueil et l'habitat des gens du voyage, établi pour la période 2012-2018 dans le département du Var, prévoit la création d'une aire de grand passage dédiée exclusivement à l'accueil ponctuel des grands groupes, d'une capacité d'accueil de 150 à 200 caravanes maximum, dépourvue d'équipements fixes et située de préférence en zone périurbaine, voire rurale, loin des habitations mais avec un accès routier en rapport avec la circulation attendue et permettant l'organisation des secours en cas de nécessité. Le schéma précise que si l'aire peut être située en zone naturelle, elle ne doit pas être exposée à un risque naturel ou technologique incompatible avec l'installation de toute nouvelle population, même à titre temporaire.
3. Il ressort, d'autre part, des dispositions de l'article L. 1311-9 du code général des collectivités territoriales que les projets d'opérations immobilières mentionnés à l'article L. 1311-10, tels que toutes acquisitions de parcelles, " doivent être précédés, avant toute entente amiable, d'une demande d'avis de l'autorité compétente de l'Etat lorsqu'ils sont poursuivis par les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics ". Les dispositions de l'article 23 de la loi du 11 décembre 2001 prévoient que les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements délibèrent sur les décisions relatives aux acquisitions à l'amiable de biens immobiliers, au vu de l'avis du directeur des services fiscaux, lequel ne lie pas la collectivité territoriale. Il est ainsi loisible à l'autorité administrative, sous le contrôle de légalité du préfet, de procéder à l'acquisition d'un bien en retenant un prix différent de celui évalué par les services fiscaux de l'Etat. Dans ce cas de figure, le montant de l'acquisition du bien sera déterminé en fonction à la fois de sa valeur foncière et de l'intérêt public local que revêt son acquisition pour la collectivité.
4. La décision attaquée par les requérants doit être regardée, outre comme autorisant une location puis une acquisition domaniale par la communauté d'agglomération Toulon-Provence-Méditerranée, comme révélant la création d'une aire de grand passage, telle que prévue par l'arrêté du 17 avril 2003 modifié du préfet du Var approuvant le schéma départemental d'accueil des gens du voyage dans le département du Var, sur les parcelles ainsi concernées du site de l'Estalle.
5. En l'espèce, il est constant que l'agglomération toulonnaise est dépourvue d'aires de grand passage, alors même que cette obligation légale est inscrite au schéma départemental depuis l'année 2007. En outre, cette absence est de nature à porter atteinte à l'ordre public compte tenu du nombre important d'expulsions demandées par les communes à la suite de l'installation spontanée de gens du voyage sur des terrains publics ou privés. L'opération répond ainsi à un intérêt public.
6. Les parcelles en cause, cadastrées section AP n° 627 et n° 629 d'une superficie de 17 179 m² situées quartier de l'Estalle, en zone rurale, sur le territoire de la commune de La Crau, en bordure d'un grand axe autoroutier, constituent une unité foncière permettant la création d'une aire de grand passage conforme aux objectifs énoncés par le schéma départemental, notamment en termes de capacité d'accueil. Si le risque d'inondation est invoqué, la carte d'aléa des risques produite aux débats révèle qu'une partie minime, la partie sud-ouest des parcelles, est située dans une zone soumise au risque d'inondation. Par ailleurs, l'utilisation des lieux, dotés d'équipements démontables, pour l'essentiel posés à même le sol, est seulement autorisée pour la période allant du 15 mai au 31 août et cette aire n'a pas vocation à un accueil permanent. Si les parcelles du terrain en cause sont situées à la fois dans le périmètre de la zone humide de l'Estagnol-La-Camérone et dans l'emprise d'une zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique dite de l'Estagnol, elles ne font l'objet d'aucune protection particulière au titre du plan local d'urbanisme, jouxtent au sud la zone Nt-1 dans laquelle des constructions nouvelles à usage d'hébergement touristique sont autorisées et sont localisées en zone agricole, aménageable, le plan local d'urbanisme admettant des " installations, constructions et ouvrages techniques directement nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif ", et d'ailleurs partiellement aménagés, l'une des deux parcelles, cadastrée AP 629, étant en nature de voirie asphaltée ouverte à la circulation publique pour une superficie de 1 412 m2. Par ailleurs, les aménagements rendus nécessaires par l'aire de grand passage tout comme l'installation périodique et temporaire de caravanes ne modifient pas, compte tenu de leur nature, l'écoulement des eaux ou le profil naturel du terrain et donc les caractéristiques de cette zone. Si les appelants soutiennent également que l'accession au terrain en cause, desservi par une impasse, risque de susciter des blocages de la circulation, ils ne l'établissent pas par les pièces produites alors même que la situation des parcelles, localisées à proximité de l'autoroute A570, permet aux convois de caravanes de rejoindre rapidement un grand axe de communication. Enfin, si le prix d'acquisition de 400 000 euros excède le double de la valeur de 189 000 euros estimée par le service des domaines, dans son avis simple du 17 mai 2013, le terrain, classé en zone agricole, présente des caractéristiques de nature à faire évoluer sa valeur marchande, en raison de sa parfaite planimétrie et de sa situation privilégiée en bordure d'un grand axe de transport, d'accès facile pour les services de secours en cas de nécessité. Dans ces conditions, et eu égard à la pression foncière qui s'exerce sur le territoire de la commune de La Crau et à la grande difficulté de trouver dans le département du Var un terrain satisfaisant aux conditions d'implantation d'une aire de grand passage, le prix de 400 000 euros, correspondant à 23,28 euros du mètre carré, n'apparaît pas disproportionné. Il résulte de tout ce qui précède que, compte tenu de la nature même de l'aménagement projeté, de la configuration des lieux et de la période réduite d'utilisation, l'opération en litige revêt un intérêt public local dont le prix d'achat est justifié par les caractéristiques du bien en cause et qui ne revèle pas, par le choix de son implantation, une méconnaissance de l'objectif de préservation des zones humides et plus généralement de préservation de l'environnement.
7. Ensuite, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, la décision en cause n'a pas la nature d'une autorisation délivrée sur le fondement du code de l'urbanisme ou de l'environnement. En effet, l'aménagement d'une aire de grand passage des gens du voyage suppose seulement que les champs soient fauchés et que de modestes infrastructures démontables soient mises en place temporairement et ce pour une période déterminée. Il s'ensuit que les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de la méconnaissance de l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur, qui interdit les constructions ou installations " dans une bande de cent mètres de part et d'autre de l'axe des autoroutes ".
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposée en défense, que M. et Mme Y...et les autres requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.
Sur les frais de l'instance :
9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
10. Il y a lieu en application des dispositions susmentionnées de mettre à la charge des appelants la somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par la communauté d'agglomération Toulon-Provence-Méditerranée et non compris dans les dépens.
11. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté d'agglomération Toulon-Provence-Méditerranée, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées par les appelants au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme R...Y...et autres est rejetée.
Article 2 : M. et Mme R...Y..., M. et Mme J...-Z...X..., M. et Mme D...N..., M. T...Q..., M. et Mme H...W..., M. et Mme C...K..., l'association " Les ami(e)s de La Moutonne pour le cadre de vie à La Crau ", et l'association " L'union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l'environnement " dite " UDVN 83 " verseront une somme globale de 2 000 euros à la communauté d'agglomération Toulon-Provence-Méditerranée en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme R...Y..., à M. et Mme J...-Z...X..., à M. et Mme D...N..., à M. T...Q..., à M. et Mme H...W..., à M. et Mme C...K..., à L'association " Les ami(e)s de La Moutonne pour le cadre de vie à La Crau ", à l'association " L'union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l'environnement " dite " UDVN 83 " et à la communauté d'agglomération Toulon-Provence-Méditerranée.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2018, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,
- M. Marcovici, président assesseur,
- M. Pecchioli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2018.
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N° 16MA00192