Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2020 sous le n° 20MA04538, Mme A... épouse D..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 juillet 2020 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 26 septembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre provisoire de séjour à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- c'est à tort que sa requête introductive d'instance a été déclarée irrecevable pour tardiveté ;
- l'arrêté du préfet est entaché d'incompétence ;
- il souffre d'une insuffisante motivation ;
- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- la décision portant refus de titre de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant un délai de départ volontaire de seulement trente jours méconnaît la directive 2008/115/CE ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... épouse D... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 9 mars 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 avril 2021.
Mme A... épouse D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 octobre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
II. Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2020 sous le n° 20MA04573, Mme A... épouse D..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) de suspendre l'exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 juillet 2020 et de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 26 septembre 2019 ;
2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre provisoire de séjour à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil qui s'engage à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- l'exécution du jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables eu égard à son état de santé qui nécessite une prise en charge médicale dont elle ne peut bénéficier et dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
- elle développe des moyens sérieux justifiant l'annulation de l'arrêté.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de Mme A... épouse D... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 9 mars 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 avril 2021.
[0] Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur la jonction :
1. Par les deux requêtes susvisées, Mme A... épouse D..., de nationalité arménienne, sollicite l'annulation et le sursis à exécution du jugement du 3 juillet 2020 du tribunal administratif de Marseille rejetant pour tardiveté sa demande dirigée contre l'arrêté du 26 septembre 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite. Ces deux requêtes étant dirigées contre le même jugement et la même décision administrative, il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision.
Sur la requête n° 20MA04538 :
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou sur le fondement de l'article L. 511-3-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 ou au sixième alinéa de l'article L. 511-3-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. (...). ". Aux termes de l'article R. 776-2 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors en vigueur : " I.- Conformément aux dispositions du I de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire fait courir un délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour notifiées simultanément. ". Aux termes de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 pris pour l'application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai (...). ".
3. Il incombe à l'administration, lorsqu'elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté d'une action introduite devant une juridiction administrative, d'établir la date à laquelle la décision attaquée a été régulièrement notifiée à l'intéressé. En cas de retour à l'administration, au terme du délai de mise en instance, du pli recommandé contenant la décision, la notification est réputée avoir été régulièrement accomplie à la date à laquelle ce pli a été présenté à l'adresse de l'intéressée, dès lors du moins qu'il résulte soit de mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation du service postal ou d'autres éléments de preuve que le préposé a, conformément à la réglementation en vigueur, déposé un avis d'instance informant le destinataire que le pli était à sa disposition au bureau de poste. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet " avis de réception " sur lequel a été apposée par voie de duplication la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis.
4. Le tribunal administratif de Marseille a jugé que la requête de Mme A... épouse D..., enregistrée au greffe du tribunal le 26 février 2020, était tardive dans la mesure où l'arrêté du 26 septembre 2019 que la requérante contestait devait être regardé comme lui ayant été notifié, au plus tard, le 22 octobre 2020, date à laquelle le pli recommandé présenté à son domicile a été réceptionné en préfecture avec la mention " pli avisé et non réclamé ", la demande d'aide juridictionnelle présentée le 28 novembre 2019 n'ayant pu interrompre le délai de recours contentieux venu à expiration le 23 novembre précédent.
5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le pli recommandé contenant l'arrêté préfectoral du 26 septembre 2019 en litige, expédié à l'adresse exacte de Mme A... épouse D..., a été retourné à l'administration accompagné d'un avis de réception renseignant une date illisible à la mention : " présenté / Avisé le ". D'autre part, si l'enveloppe dudit pli recommandé était revêtue d'une étiquette sur laquelle la case intitulée " Pli avisé et non réclamé ", correspondant au motif de non-distribution, était cochée, il ressort des pièces du dossier que les mentions portées sur l'avis de réception du courrier notifiant à Mme A... épouse D... l'arrêté du 26 septembre 2019 refusant son admission au séjour produit par le préfet des Bouches-du-Rhône étaient incomplètes en ce qu'elles ne faisaient pas apparaître la date lisible à laquelle ce pli avait été retourné à l'administration. En outre, l'avis de passage produit par Mme A... épouse D... ne comportait aucune mention relative à la date de présentation et de distribution du pli ni même relative à la date à laquelle elle en aurait été avisée. Dans ces conditions, eu égard au caractère incomplet des mentions portées sur l'avis de réception du courrier notifiant à Mme A... épouse D... son refus d'admission au séjour et à la circonstance que les copies des documents produits aux débats ne permettent pas de déterminer la date à laquelle le pli aurait été retourné à l'administration préfectorale en l'absence de tampon de la Poste figurant sur l'enveloppe, le préfet s'étant à cet égard abstenu de transmettre à la Cour les originaux des avis de réception demandés par courrier du 9 mars 2021, de sorte qu'il ne peut être regardé comme établi que le pli ait été conservé par l'administration postale pendant le délai de mise en instance de quinze jours, les premiers juges ont à tort estimé que " le tampon de la préfecture des Bouches-du-Rhône en date du 22 octobre 2019 " apposé sur l'avis de réception incomplètement renseigné permettait à lui seul, sans attestation du service postal ou autres éléments de preuve, de faire courir les délais prévus par les dispositions citées au point 3.
6. Il résulte de ce qui précède que le tribunal administratif de Marseille a entaché sa décision d'irrégularité en rejetant comme tardive la demande de Mme A... épouse D.... Son jugement doit, par suite, être annulé.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Marseille afin qu'il soit statué sur la demande de Mme A... épouse D....
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. D'une part, Mme A... épouse D... n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée par décision du 23 octobre 2020. D'autre part, l'avocate de Mme A... épouse D... n'a pas demandé que lui soit versée par l'Etat la somme correspondant aux frais exposés qu'elle aurait réclamée à sa cliente si cette dernière n'avait pas bénéficié d'une aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
Sur la requête n° 20MA04573 :
9. Par le présent arrêt, la Cour se prononce sur la demande d'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 juillet 2020. La demande de sursis à exécution du même jugement et de suspension de l'arrêté préfectoral du 26 septembre 2019 ainsi que les conclusions aux fins d'injonction subséquentes, enregistrées sous le n° 20MA04573, sont donc devenues sans objet.
10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées dans cette requête au titre des frais d'instance.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement attaqué, de suspension de l'exécution de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 26 septembre 2019 et sur les conclusions aux fins d'injonction subséquentes présentées dans la requête n° 20MA04573.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 juillet 2020 est annulé.
Article 3 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Marseille pour qu'il soit statué sur la demande de Mme A... épouse D....
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête n° 20MA4538 de Mme A... épouse D... et ses conclusions présentées dans la requête n° 20MA04573 au titre des frais d'instance sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... épouse D..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2021, où siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- Mme Massé-Degois, présidente assesseure,
- M. Philippe Grimaud, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mai 2021.
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N° 20MA04538, 20MA04573
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