Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 30 décembre 2015, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 décembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 6 juillet 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale ", dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou de réexaminer sa demande dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- cette décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière à défaut de consultation de la commission du titre de séjour ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article R. 121-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle ;
- la décision de refus de séjour méconnaît les articles 3 et 9 de l'accord franco-marocain ;
- la décision de refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 311-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de refus de séjour méconnaît l'article L. 313-11 4° du code précité ;
- le préfet a commis une erreur en n'examinant pas sa situation au regard de l'article L. 313-14 du code précité ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en lui refusant le droit au séjour ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en prenant à son encontre une mesure d'éloignement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2016, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Ouillon.
1. Considérant que M. B..., ressortissant marocain, né en 1974, est entré régulièrement en France le 2 octobre 2012 afin de rejoindre son épouse, une ressortissante française, et a été mis en possession d'un titre de séjour en qualité de " conjoint de Français " régulièrement renouvelé ; que M. B... a présenté, le 31 juillet 2014, une demande de renouvellement de son titre de séjour ; que le 30 janvier 2015, il a demandé le changement de son statut de " conjoint de Français " en celui de " salarié " ; que, par un arrêté du 6 juillet 2015, le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance des titres de séjour sollicités et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois ; que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. B... dirigée contre l'arrêté du 6 juillet 2015 ;
Sur la décision de refus de séjour :
2. Considérant que M. B... reprend les moyens soutenus en premier instance et tirés de l'insuffisance de motivation de la décision de refus de séjour et du défaut d'examen particulier de sa demande, sans pour autant apporter d'éléments nouveaux au soutien de ces moyens ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus, à bon droit, par le tribunal administratif de Montpellier ;
3. Considérant que les dispositions de l'article R. 121-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant que la délivrance d'une carte de séjour aux ressortissants d'un Etat tiers intervient au plus tard dans les six mois suivant le dépôt de la demande, ne peuvent être utilement invoquées pour contester la légalité d'un refus de titre de séjour ;
En ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France pour une durée d'un an au minimum (...) reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an, renouvelable et portant la mention "salarié "(...) " ; qu'aux termes de l'article 9 de cet accord : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord " ; qu'aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail " ; qu'enfin aux termes de l'article R. 5221-20 du même code : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : / 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes de placement concourant au service public du placement pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail (...) " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer au requérant un titre de séjour portant la mention " salarié " compte tenu de la situation de l'emploi dans le département de l'Hérault, pour ce qui concerne la profession de chauffeur sur courte distance correspondant à la proposition de contrat à durée indéterminée produite par M. B... à l'appui de sa demande ; que les chiffres statistiques de la situation de l'emploi pour les métiers relevant du code ROME N 4105 " Conduite et livraison par tournées sur courte distance ", arrêtés au 28 février 2015, pour cette profession étaient de 1 628 demandeurs d'emplois dans le département de l'Hérault dont 892 sur le secteur de Montpellier pour 27 offres dans le département dont 20 sur le secteur de Montpellier ; que le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet n'aurait pas tenu compte de ce qu'il bénéficiait d'une promesse d'embauche et de ce que l'entreprise à l'origine de cette promesse avait établi une demande d'autorisation d'emploi d'un salarié étranger dès lors que le préfet a saisi, pour avis, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de ces éléments ; que l'avis rendu le 14 avril 2015 par cette direction n'est pas postérieur à la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié ; que le requérant n'établit pas que l'emploi de chauffeur sur courte distance que lui a proposé la société Viatranssas présenterait des caractéristiques faisant obstacle à ce que l'administration prenne en compte la situation de l'emploi pour le métier correspondant au code ROME N 4105 et ne conteste pas la situation déficitaire des offres constatée pour cet emploi dans le département de l'Hérault et particulièrement dans le secteur de Montpellier ; que si M. B... fait valoir que le préfet n'a pas pris en compte ses qualifications, il n'établit pas que le poste pour lequel il bénéficiait d'une proposition d'emploi nécessitait la détention de ces qualifications ; que, par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ;
En ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...). " ;
7. Considérant que le requérant ne conteste pas que sa communauté de vie avec son épouse, de nationalité française, avait déjà cessé depuis plusieurs mois lorsqu'il a présenté le 31 juillet 2014 sa demande de renouvellement de son titre de séjour ; qu'il ne soutient pas avoir repris la vie commune avec son épouse après cette date ; que la décision de refus de séjour ne fait pas obstacle à ce qu'il puisse se présenter devant le juge aux affaires familiales dans le cadre d'une procédure de divorce ; que, dans ces conditions, la communauté de vie entre M. B... et son épouse de nationalité française étant rompue à la date de la décision en litige, alors même que le divorce n'était pas prononcé, le préfet de l'Hérault n'a pas méconnu les dispositions précitées du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de renouveler sur ce fondement le titre de séjour de l'intéressé ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord... " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée." ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
9. Considérant que M. B... soutient qu'il réside en France de manière presque continue depuis quatorze ans et qu'il est inséré professionnellement ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que si M. B... est entré une première fois en France en 2001, celui-ci est retourné au Maroc en juillet 2011 en exécution d'une décision de refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français et n'est revenu sur le territoire national que le 2 octobre 2012 ; qu'il résulte de ce qui a été au point 7, que la communauté de vie entre M. B... et son épouse de nationalité française est rompue et l'intéressé ne se prévaut d'aucune autre attache familiale en France ; que si depuis son retour en France en octobre 2012, M. B... a effectué quelques missions d'intérim en qualité de chauffeur poids-lourd, il ne justifie pas d'une insertion professionnelle stable ; que M. B... n'établit pas ni même n'allègue être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que, dans les circonstances de l'espèce, la décision de refus de séjour n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs qui lui ont été opposés et ne méconnaît pas ainsi les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision de refus de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation sur la situation personnelle de la requérante ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement des dispositions des 4° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le préfet de l'Hérault n'était pas tenu, en application de l'article L. 312-2 du code précité de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande de délivrance d'un titre de séjour ; que, dès lors, le préfet n'a pas entaché la décision de refus de séjour contestée d'un vice de procédure ;
11. Considérant que, comme l'indique d'ailleurs le requérant dans ses écritures, le préfet de l'Hérault ne lui a pas refusé la délivrance d'un titre de séjour au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. B... n'établit pas ni même n'allègue avoir présenté une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de cet article ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. Considérant que l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas établie, l'exception d'illégalité de cette décision, soulevée à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écartée ;
13. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce rappelées au point 9, la décision par laquelle le préfet de l'Hérault a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation de l'intéressé ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 6 juillet 2015 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
15. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. B..., n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu par suite de rejeter les conclusions à fin d'injonction formées par le requérant ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2016, où siégeaient :
- M. Moussaron, président,
- M. Marcovici, président-assesseur,
- M. Ouillon, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 4 juillet 2016.
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N° 15MA05032