Par un jugement n° 1107502 du 26 mai 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 juillet 2015 et le 25 octobre 2016, la société Beaver, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 26 mai 2015 ;
2°) d'annuler le marché conclu entre l'assistance publique - hôpitaux de Marseille et la société Shred-It France ;
3°) de condamner l'assistance publique - hôpitaux de Marseille à lui verser la somme de 146 878 euros, assortie des intérêts de droit et de leur capitalisation ;
4°) de mettre à la charge de l'assistance publique - hôpitaux de Marseille et de la société Shred-It France, chacune, la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle entend fonder sa demande sur les mêmes moyens que ceux développés en première instance ;
- l'assistance publique - hôpitaux de Marseille a violé les dispositions des articles 1-II et 83 du code des marchés publics ;
- l'établissement aurait dû, conformément à l'article 55 du code des marchés publics, demander à la société Shred-It France des justifications sur le caractère anormalement bas de son offre ;
- cette offre aurait dû être écartée du fait de son prix anormalement bas ;
- elle avait une chance sérieuse de remporter le marché ;
- elle justifie du préjudice moral et financier résultant de son éviction.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2015, l'assistance publique - hôpitaux de Marseille conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Beaver au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Beaver ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2016, la société Shred-It France conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 15 000 euros soit mise à la charge de la société Beaver au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Beaver ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Héry,
- et les conclusions de M. Thiele, rapporteur public.
1. Considérant que l'assistance publique-hôpitaux de Marseille a publié le 7 juillet 2011 un avis d'appel public à concurrence portant sur un marché public de prestations de services et ayant pour objet l'enlèvement, le broyage, le transport et le recyclage des papiers et quotidiens, archives et cartons d'archives, sur l'ensemble de ses sites ; qu'à l'issue de la procédure, le marché a été attribué à la société Shred-It France ; que la société Beaver, concurrent évincé, relève appel du jugement du 26 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce marché et à la réparation des préjudices résultant de son éviction ;
Sur la validité du contrat :
2. Considérant que, indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ces clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires ; que ce recours doit être exercé dans le délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ; qu'à partir de la conclusion du contrat, et dès lors qu'il dispose du recours ci-défini, le concurrent évincé n'est, en revanche, plus recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir des actes préalables qui en sont détachables ;
3. Considérant que la société Beaver tire de sa qualité de concurrent évincé un intérêt à demander l'annulation du marché ; que par ailleurs, s'il appartient au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte, en avantageant une entreprise concurrente, la recevabilité et l'opérance des moyens soulevés dans le cadre de la présente instance ne sont en revanche pas subordonnées à de telles conditions ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 80 du code des marchés publics : " I.-1° Pour les marchés et accords-cadres passés selon une procédure formalisée autre que celle prévue au II de l'article 35, le pouvoir adjudicateur, dès qu'il a fait son choix pour une candidature ou une offre, notifie à tous les autres candidats le rejet de leur candidature ou de leur offre, en leur indiquant les motifs de ce rejet./ Cette notification précise le nom de l'attributaire et les motifs qui ont conduit au choix de son offre aux candidats ayant soumis une offre et à ceux n'ayant pas encore eu communication du rejet de leur candidature (...) " ; que l'article 83 du même code dispose : " Le pouvoir adjudicateur communique à tout candidat écarté qui n'a pas été destinataire de la notification prévue au 1° du I de l'article 80 les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre dans les quinze jours de la réception d'une demande écrite à cette fin./ Si le candidat a vu son offre écartée alors qu'elle n'était aux termes de l'article 35 ni appropriée, ni irrégulière, ni inacceptable, le pouvoir adjudicateur est en outre tenu de lui communiquer les caractéristiques et les avantages relatifs de l'offre retenue ainsi que le nom du ou des attributaires du marché ou de l'accord-cadre. " ;
5. Considérant que l'assistance publique-hôpitaux de Marseille a informé la société Beaver par lettre du 29 septembre 2011 du rejet de son offre ; que cette correspondance indiquait le nom de la société attributaire, le rang de classement de l'offre de la société Beaver, les notes obtenues par elle sur les deux critères de sélection ainsi que son classement pour chacun de ces critères et, enfin, la note finale obtenue par la société ayant remporté le marché ; que sur demande de la société Beaver, l'assistance publique-hôpitaux de Marseille lui a transmis le 14 octobre 2011 les éléments essentiels du rapport d'analyse des offres, mentionnant notamment les notes attribuées à la société Beaver et à la société Shred-It France pour l'ensemble des critères ainsi que les commentaires des membres de la commission d'appel d'offres ; que cette motivation permettait ainsi à la société Beaver de connaître les raisons de son classement, de constater notamment que son offre avait été écartée comme moins intéressante sur le critère du prix et qu'elle avait été classée première sur le critère de la valeur technique, l'ensemble de ces éléments lui permettant ainsi de contester utilement les motifs de son éviction, ce qu'elle a d'ailleurs fait dès le 29 septembre 2011 ; que, par suite, les premiers juges étaient fondés à écarter le moyen tiré de la violation des articles 80 et 83 du code des marchés publics ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 53 du code des marchés publics : " I. - Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde :/ 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires liés à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique (...) D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ;/ 2° Soit, compte tenu de l'objet du marché, sur un seul critère, qui est celui du prix./ II. - Pour les marchés passés selon une procédure formalisée autre que le concours et lorsque plusieurs critères sont prévus, le pouvoir adjudicateur précise leur pondération. (...)/ Les critères ainsi que leur pondération ou leur hiérarchisation sont indiqués dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation (...) " ;
7. Considérant que les critères de sélection des offres étaient le prix et la valeur technique, pondérés respectivement à 60 % et 40 % ; que ces critères sont en lien avec l'objet du marché ; que le choix du pouvoir adjudicateur de privilégier une approche économique n'est pas en lui-même critiquable, dès lors qu'il répond notamment à un objectif de maîtrise des dépenses publiques ; que la société Beaver ne peut utilement se prévaloir des pondérations appliquées lors de procédures antérieures, qui privilégiaient le critère de la valeur technique et à l'issue desquelles elle avait remporté les marchés portant sur le même objet, le pouvoir adjudicateur étant libre de choisir les critères et de les assortir d'une pondération lui permettant de choisir l'offre économiquement la plus avantageuse ; qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que l'ensemble des candidats a reçu l'information nécessaire sur ces critères et le taux de pondération qui leur était appliqué ; que, dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen tiré du non respect des dispositions précitées de l'article 53 du code des marchés publics ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 55 du code des marchés publics : " Si une offre apparaît anormalement basse, le pouvoir adjudicateur peut la rejeter par décision motivée après avoir demandé par écrit les précisions qu'il juge utiles et vérifié les justifications fournies (...) " ;
9. Considérant que l'offre de la société Shred-It France s'est élevée à 12 399,41 euros, celle de la société classée en seconde position étant de 12 782,73 euros et celle de la société Beaver de 17 368,39 euros ; que l'écart de prix existant entre celui proposé par la société attributaire et celui proposé par la société Beaver n'était pas tel qu'il incombait au pouvoir adjudicateur de mettre en oeuvre la procédure prévue par l'article 55 précité du code des marchés publics ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le prix proposé par la société Shred-It France aurait été manifestement sous-évalué et susceptible de compromettre la bonne exécution du marché ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 55 du code des marchés publics ne peut qu'être écarté ;
10. Considérant que si la société Beaver indique reprendre " en tant que besoin " l'argumentation développée en première instance, elle ne critique pas les motifs sur lesquels s'est fondé le tribunal administratif pour écarter les moyens tirés d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la valeur technique des offres, d'une violation de la procédure au regard du droit de la concurrence, de la violation de l'article L. 420-4 du code de commerce et de l'irrégularité des autres candidatures ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par les mêmes motifs que ceux qui ont été retenus à bon droit par les premiers juges et qu'il convient, pour la Cour, d'adopter ;
11. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui vient d'être dit que l'assistance publique - hôpitaux de Marseille était fondée à rejeter l'offre de la société Beaver ; que cette dernière n'ayant ainsi pas été évincée irrégulièrement du marché en cause, ses conclusions à fin d'annulation de ce marché et celles tendant à l'indemnisation des préjudices résultant de son éviction ne peuvent qu'être rejetées ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Beaver n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Beaver, partie perdante dans la présente instance ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la société Beaver au titre des frais exposés par l'assistance publique - hôpitaux de Marseille, d'une part, et la société Shred-It France, d'autre part, et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Beaver est rejetée.
Article 2 : La société Beaver versera la somme de 2 000 euros à l'assistance publique - hôpitaux de Marseille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La société Beaver versera la somme de 2 000 euros à la société Shred-It France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Beaver, à l'assistance publique - hôpitaux de Marseille et à la société Shred-It France.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2016, où siégeaient :
- M. Moussaron, président,
- Mme Steinmetz-Schies, président assesseur,
- Mme Héry, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 décembre 2016.
2
N° 15MA03117