Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 juin 2016, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 16 mai 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Gard du 11 mai 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il a également méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 novembre 2016, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juillet 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Héry.
1. Considérant que M. B..., ressortissant albanais né en mai 1977, est entré en France selon ses déclarations en mars 2013, accompagné de son épouse et de leurs quatre enfants ; que sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) du 26 mai 2014, confirmée par la cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 30 janvier 2015 ; que par arrêté du 25 mars 2015, le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que M. B... relève appel du jugement du 16 mai 2016 par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du préfet du Gard du 11 mai 2016 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement ;
2. Considérant que M. B... reprend en appel le moyen tiré de ce que le préfet du Gard aurait insuffisamment motivé sa décision portant obligation de quitter le territoire français ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par les mêmes motifs que ceux qui ont été retenus à bon droit par les premiers juges et qu'il convient, pour la Cour, d'adopter ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance./ 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
4. Considérant que M. B... est marié avec une compatriote, dont la demande d'asile a également été rejetée et qui, comme lui, fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai du 11 mai 2016 ; que leurs quatre enfants sont de nationalité albanaise ; que les époux ont vécu la majeure partie de leur vie en Albanie, où leurs enfants sont nés et où ils conservent le reste de leurs attaches familiales ; qu'alors que les demandes d'asile du couple ont été rejetées, la production de photographies d'habitations incendiées et de déclarations du père du requérant aux autorités albanaises n'est pas de nature, en elle-même, à établir que la vie familiale ne pourra se reconstruire en Albanie du fait de la persistance alléguée de menaces pesant sur l'ensemble de la famille ; qu'ainsi, eu égard à la brève durée et aux conditions de séjour de la famille sur le territoire français, la décision obligeant l'intéressé à quitter le territoire français sans délai, n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le préfet du Gard n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
5. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elle soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
6. Considérant que l'arrêté attaqué n'a ni pour objet ni pour effet de séparer M. B... de ses enfants et n'implique pas par lui-même davantage une rupture de la cellule familiale ; que si les enfants du couple justifient de leur bonne intégration scolaire en France, il n'est pas établi qu'ils ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Albanie ; que, par suite, le préfet du Gard n'a pas méconnu l'intérêt supérieur des enfants du requérant ;
7. Considérant qu'eu égard aux motifs énoncés aux points 4 et 6 et malgré la volonté d'intégration dont ont fait preuve M. B... et son épouse, ainsi qu'en témoignent les nombreuses attestations circonstanciées versées à l'appui de la requête, le préfet du Gard n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de l'intéressé ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné:/ 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ;/ 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ;/ 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il établit être légalement admissible./ Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ;
9. Considérant que M. B... soutient que les membres de sa famille encourent des risques pour leur vie en cas de retour en Albanie, du fait notamment des représailles dont ils sont susceptibles d'être victimes de la part d'un criminel qu'il a arrêté quand il était policier et contre lesquelles les autorités de son pays refuseraient de les protéger ; que la cour nationale du droit d'asile a estimé que les pièces du dossier et les déclarations du couple faites en séance publique ne permettaient pas de tenir pour établies les persécutions alléguées et pour fondées les craintes énoncées en cas de retour en Albanie ; que la production de photographies de maisons incendiées et de déclarations faites par le père de l'intéressé aux autorités policières albanaises n'est pas de nature à remettre en cause l'appréciation ainsi portée par la CNDA ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions présentées à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2016, où siégeaient :
- M. Moussaron, président,
- Mme Steinmetz-Schies, président assesseur,
- Mme Héry, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 décembre 2016.
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N° 16MA02424