Par un arrêt n° 09MA04785 du 18 juin 2012, la Cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et a renvoyé l'affaire devant le tribunal administratif de Montpellier.
Par un jugement n° 1203819 du 6 mars 2015, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la société Covéa Risks à verser à Montpellier Méditerranée Métropole, substituée à la communauté d'agglomération de Montpellier, la somme de 495 307,85 euros TTC, assortie des intérêts légaux à compter du 2 janvier 2008.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 mai 2015 et le 3 mai 2016, Montpellier Méditerranée Métropole, représentée par la SCP Vinsonneau-Paliès, Noy, Gauer et associés, demande à la Cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 mars 2015 en tant qu'il ne lui a pas donné entière satisfaction ;
2°) de condamner la société Covéa Risks à lui verser la somme de 3 321 824 euros hors taxes, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 juin 2003 et les intérêts étant capitalisés ;
3°) de rejeter les conclusions d'appel incident de la société Covéa Risks ;
4°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la société Covéa Risks au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier comme ayant méconnu les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;
- les dommages matériels entrent dans le champ du contrat " tous risques chantiers " ;
- le préjudice immatériel est également couvert par ce contrat ;
- en tout état de cause, l'ensemble des préjudices dont elle demande réparation peut être regardé comme relevant d'un dommage matériel.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2015, la société Covéa Risks conclut :
- au rejet de la requête ;
- par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement du 6 mars 2015 en tant qu'il a partiellement donné satisfaction à Montpellier Méditerranée Métropole ;
- au rejet de la demande de Montpellier Méditerranée Métropole.
Elle soutient que :
- l'expertise est irrégulière ;
- le contrat souscrit n'est pas un contrat " tous risques chantiers " ;
- le sinistre ne peut être couvert par le contrat compte tenu des clauses d'exclusion qui lui sont applicables ;
- les dommages immatériels n'entrent pas dans le champ du contrat.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code des assurances ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Héry,
- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant Montpellier Méditerranée Métropole, et de Me D..., représentant la société Covéa Risks.
1. Considérant que dans le cadre de l'opération d'extension et de modernisation de la station d'épuration de la Céreirède, située sur le territoire de la commune de Lattes, le district de Montpellier, auquel s'est substituée la communauté d'agglomération de Montpellier devenue Montpellier Méditerranée Métropole, a souscrit le 27 juin 2002 auprès du cabinet de courtage Crespo un contrat d'assurances avec la Mutuelle du Mans Assurances, aux droits de laquelle vient la société Covéa Risks ; que le 21 mai 2003, un glissement de terrain est survenu sur le talus est et sud de la zone D du chantier ; que le 4 août 2003, l'assureur a refusé de couvrir le sinistre en raison de son caractère non accidentel ; que Montpellier Méditerranée Métropole relève appel du jugement du 6 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Montpellier n'a fait que partiellement droit à sa demande tendant à la condamnation de la société Covéa Risks à l'indemniser des préjudices résultant de ce sinistre ; que par la voie de l'appel incident, la société Covéa Risks relève également appel de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser la somme de 495 307,85 euros TTC à Montpellier Méditerranée Métropole ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'en vertu des principes généraux applicables devant les juridictions administratives, les personnes qui ont exprimé une opinion sur une affaire, en particulier pour le compte de la personne publique partie à celle-ci, ne peuvent être experts dans un litige contentieux concernant cette affaire ; que cette incapacité est distincte des cas de récusation prévus à l'article R. 621-6 du code de justice administrative ; que le délai dans lequel doit être proposée la récusation n'est pas applicable aux contestations portant sur ladite incapacité ; que, par suite, la société Covéa Risks était recevable et fondée à demander au tribunal administratif de Montpellier, bien qu'elle n'ait pas fait appel de l'ordonnance du 8 juin 2005 étendant à son contradictoire la mission de l'expertise ordonnée par le même tribunal le 15 mars 2005 à la demande de la communauté d'agglomération de Montpellier et désignant M. A... comme expert pour donner son avis notamment sur les désordres affectant la station d'épuration et les préjudices en résultant, d'écarter des débats le rapport de cet expert, lequel avait élaboré pour le seul compte de la communauté d'agglomération et des entreprises intervenant sur le chantier, avant que la collectivité ne saisisse le tribunal administratif, un premier rapport donnant son avis sur les mêmes désordres ; que, par suite, la société Covéa Risks est fondée à soutenir que le jugement attaqué, lequel a prononcé des condamnations contre elle se fondant sur l'expertise ainsi effectuée, a été rendu sur une procédure irrégulière, et à demander pour ce motif l'annulation de ce jugement ;
3. Considérant qu'il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée devant le tribunal administratif de Montpellier par Montpellier Méditerranée Métropole ;
Sur les conditions de mise en oeuvre du contrat :
4. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de l'examen des pièces produites par Montpellier Méditerranée Métropole que le contrat souscrit le 27 juin 2002 par le district de Montpellier et la société Mutuelle du Mans Assurances a été signé par M. B..., alors président de l'établissement public, habilité à cet effet par délibération du 21 décembre 2001 du conseil communautaire ; que cette même délibération fait état d'une précédente délibération du conseil du district de Montpellier du 6 décembre 2000 autorisant le lancement d'une procédure de consultation sur cet objet ; qu'il ressort des pièces du dossier que le contrat a été transmis en préfecture au titre du contrôle de légalité ; que la société Covéa Risks, qui se borne à soutenir que le marché ne serait pas valide pour incompétence de son signataire, absence de publication et de transmission en préfecture, n'assortit ces moyens d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, par suite, le moyen tiré de l'invalidité de ce contrat doit être écarté ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'un contrat " tous risques chantiers " est une assurance facultative contractée par le maître d'ouvrage pour couvrir les évènements susceptibles d'intervenir au cours du chantier, les clauses du contrat procédant d'une volonté commune des parties ;
6. Considérant que le contrat conclu le 27 juin 2002 mentionne expressément en première page puis au point 3 du titre I qu'il porte sur une police " tous risques chantiers ", son titre II énonçant que les assurés sont tous les intervenants à l'acte de construire et, jusqu'à la date de réception des travaux, le maître d'ouvrage ; que ce contrat mentionne également que sont couverts, jusqu'à cette même date, les dommages matériels accidentels subis par les biens assurés ; qu'il s'ensuit que la société Covéa Risks ne peut sérieusement soutenir que ledit contrat ne constituerait pas une garantie " tous risques chantiers " ;
7. Considérant, en troisième lieu, que si les travaux en zone marécageuse sont exclus de la garantie, la circonstance que l'emprise du chantier, certes située non loin du Lez, serait une ancienne zone maraîchère et aurait été utilisée comme terrain de football n'est pas de nature à établir en elle-même que les travaux, comme le fait valoir la société Covéa Risks, seraient réalisés en zone marécageuse ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'accident survenu le 21 mai 2003 est constitué par la rupture des talus est et sud de la fouille de la zone D du chantier, laquelle étant la conséquence d'une décompression du fond de fouille et de l'existence d'un gradient ascendant entraînant une diminution des contraintes intergranulaires ; que la société Covéa Risks ne démontre pas que ce sinistre trouverait son origine dans un phénomène de flottaison, exclu par la garantie, constitué par un soulèvement dû à la compression et qui n'aurait pu être compensé par le poids ou des dispositifs appropriés ;
9. Considérant, en cinquième lieu, que le contrat exclut expressément les pertes ou dommages rendus inéluctables par le fait volontaire, conscient et intéressé de la direction des assurés ainsi que les dommages dus au non-respect des préconisations des bureaux d'études de sols ;
10. Considérant que l'effondrement des talus est la conséquence de l'insuffisance de rabattement de la nappe des graves, non par manque d'efficacité de ce dispositif mais du fait de la conception générale du projet qui limitait le rabattement aux graves afin de préserver les constructions avoisinantes ; qu'aucun élément de l'instruction ne permet d'établir que cet effondrement était prévisible ;
11. Considérant qu'il a été constaté le 14 mai 2003 l'affaissement des talus nord et sud de la zone D ainsi que des arrivées d'eau à la surface du terrain en zone C ; que des mesures de protection constituées par la mise en oeuvre de puits supplémentaires permettant de rabattre davantage la nappe des graves ont été décidées ; que, toutefois, le temps nécessaire à leur réalisation était supérieur à celui qui s'est écoulé entre l'intervention de ces premiers signes et l'effondrement des talus objet du litige, cet effondrement ayant été en outre précipité par un épisode pluvieux survenu la veille ;
12. Considérant que pour les motifs exposés aux points 10 et 11, le sinistre revêt un caractère accidentel ;
13. Considérant, en sixième lieu, que si l'article 4.15 des conditions particulières exclut la prise en charge des dommages dus au non-respect des préconisations des bureaux d'étude de sol, la société Covéa Risks n'établit pas que les recommandations contenues dans le rapport du 7 novembre 2011 du BET Simecsol, auquel elle se réfère et qui relevait les difficultés de pompage et évoquait la notion de gradient hydraulique ascendant sous les limons, n'auraient pas été appliquées ;
14. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Covéa Risks est tenue, conformément au contrat souscrit le 27 juin 2002, d'indemniser Montpellier Méditerranée Métropole des conséquences du sinistre survenu le 21 mai 2003 ;
Sur les préjudices de Montpellier Méditerranée Métropole :
15. Considérant qu'il résulte des articles 2.1.1. et 3.1. des conditions particulières du contrat que seuls sont couverts les dommages matériels accidentels subis par les biens assurés à compter de leur arrivée sur le site, y compris les opérations de déchargement, cette garantie s'étendant aux frais de déblaiement, démolition, démontage, nettoyage et séchage exposés à la suite de la survenance d'un évènement garanti ; qu'ainsi, la garantie porte uniquement sur les coûts de réparation des dommages causés au site, à l'exclusion de tout autre préjudice ;
16. Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise, lequel peut être retenu à titre d'élément d'information, que les coûts directs comprennent les études effectuées après le sinistre, la mise en place de mesures conservatoires et la réalisation de travaux de reprise ; qu'ils ont été évalués par l'expert au montant non contesté de 414 137 euros hors taxes, soit 495 307,85 euros TTC ;
17. Considérant que les frais exposés du fait de l'allongement du chantier, des incidents survenus pendant son déroulement et des mesures prises pour résorber le retard constituent des dommages immatériels et sont donc exclus de la garantie ;
18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Covéa Risks doit être condamnée à verser la somme de 495 307,85 euros TTC à Montpellier Méditerranée Métropole ;
19. Considérant qu'en l'absence de clause contractuelle prévoyant l'application d'une indexation sur l'indice BT 01, il y a lieu d'assortir la condamnation prononcée au point 18 des intérêts au taux légal à compter du 2 janvier 2008, date d'enregistrement de la demande de Montpellier Méditerranée Métropole au greffe du tribunal administratif de Montpellier ; que ces intérêts seront capitalisés à compter du 6 mai 2015, date à laquelle la capitalisation a été demandée pour la première fois, pour produire eux-mêmes intérêts ;
Sur les frais d'expertise :
20. Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 68 600,66 euros, à la charge définitive de la société Covéa Risks ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
21. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Montpellier Méditerranée Métropole, qui n'est pas partie perdante à la présente instance, la somme demandée par la société Covéa Risks sur ce fondement ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la société Covéa Risks au titre des frais exposés par la Montpellier Méditerranée Métropole et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 mars 2015 est annulé.
Article 2 : La société Covéa Risks est condamnée à verser la somme de 495 307,85 euros TTC à Montpellier Méditerranée Métropole, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 janvier 2008 et les intérêts étant capitalisés à partir du 6 mai 2015 pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 68 600,66 euros, sont mis à la charge définitive de la société Covéa Risks.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Montpellier Méditerranée Métropole et de la société Covéa Risks est rejeté.
Article 5 : La société Covéa Risks versera une somme de 2 000 euros à Montpellier Méditerranée Métropole au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Montpellier Méditerranée Métropole et à la société Covéa Risks.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2016, où siégeaient :
- M. Moussaron, président,
- Mme Steinmetz-Schies, président assesseur,
- Mme Héry, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 décembre 2016.
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N° 15MA01866