2°) d'annuler l'arrêté du 23 juin 2017 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation de séjour lui permettant de travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 500 euros à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
- le jugement ne vise ni ne se prononce sur l'un des moyens qu'il a soulevés et est donc insuffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier, sérieux et complet de sa situation ;
- l'arrêté contesté est entaché d'erreurs de fait ;
s'agissant de la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- l'avis médical est entaché d'irrégularité ;
- le préfet a reproduit l'erreur de fait commise par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et s'est ainsi cru en situation de compétence liée au regard de cet avis ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation et méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
s'agissant de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est insuffisamment motivée en tant qu'elle porte refus de lui octroyer un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
s'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- le préfet s'est cru en situation de compétence liée au regard des décisions rendues par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile ;
- la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., de nationalité arménienne, relève appel du jugement du 27 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 juin 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Enfin, L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dernières dispositions prévoit que " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
3. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, alors même que le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ayant établi le 30 mars 2017, sur le fondement des éléments fournis le 16 février 2017 par le médecin psychiatre assurant le suivi médical de M. C..., le rapport prévu à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a indiqué dans ce rapport que l'intéressé est affecté d'un " trouble affectif bipolaire, épisode actuel hypomaniaque ", que son état mental actuel " présente un trouble de l'humeur alternant des phases maniaques avec agressivité et des phases dépressives avec des troubles mnésiques, que la prise en charge thérapeutique, à savoir " zyprexa 10 mg/j ; nozinan 100 mg/j " permet de stabiliser son humeur, qu'aucune interruption du suivi psychiatrique n'a été constatée, enfin, sous la rubrique libellée " description perspectives et pronostic ", qu'il s'agit d'une pathologie chronique ", le collège de médecins de l'Office, dans son avis rendu le 14 avril 2017 pour l'application de ce même article R. 313-22, a estimé que l'état de santé de M. C... ne nécessitait pas de prise en charge médicale.
4. D'autre part, il ressort des énonciations de l'arrêté contesté, pris au visa notamment de l'avis précité du 14 avril 2017 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que le préfet des Bouches-du-Rhône a lui-même estimé que l'état de santé M. C... ne nécessitait pas de prise en charge médicale, alors même que l'intéressé lui a transmis un certificat médical du psychiatre qui le suit médicalement, daté du 15 mars 2016, indiquant que M. C... " présente une pathologie psychiatrique importante (avec trouble de l'humeur, trouble de la communication, troubles mnésiques) nécessitant un traitement médicamenteux (neuroleptiques, antidépresseur anxiolytique) ", une ordonnance du 9/ janvier 2017 prescrivant du zyprexa et du nozynan, un certificat médical établi par le même médecin psychiatre daté du 7 février 2017 indiquant qu'il suit régulièrement M. C... depuis novembre 2014 " qui présente une pathologie psychiatrique (avec trouble de l'humeur trouble de la communication, troubles mnésiques) nécessitant un traitement médicamenteux régulier (neuroleptique + anxiolytique) " ainsi qu'une ordonnance datée du même jour prescrivant les mêmes médicaments.
5. En reprenant les termes de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sans tenir compte des éléments médicaux circonstanciés qui avaient été portés à sa connaissance par M. C..., le préfet a ainsi entaché l'arrêté querellé d'une erreur de fait.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué et d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".
8. Il y a lieu, eu égard aux motifs de l'annulation des décisions contestées, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder au réexamen de la demande présentée par M. C... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me D... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me D... de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 27 mars 2018 et l'arrêté du 23 juin 2017 du préfet des Bouches-du-Rhône sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus de la requête de M. C... est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à Me D..., sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 20 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président-assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 4 octobre 2019.
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N° 18MA03345
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