Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 27 novembre 2019 et le 6 mars 2020, la SAS Dachser France, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 octobre 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 16 mars 2017 de la ministre du travail ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la compétence du signataire de la décision contestée n'est pas établie ;
- la ministre a méconnu le principe du contradictoire en ce qu'elle ne justifie pas avoir précisément informé les parties sur leur droit d'accès aux différents éléments recueillis durant l'enquête contradictoire qu'elle a menée ;
- la ministre ne pouvait légalement retirer la décision de l'inspectrice du travail, créatrice de droit, plus de quatre mois après son édiction ;
- cette décision de l'inspectrice du travail était légalement fondée et la décision implicite de rejet du recours hiérarchique par la ministre n'était pas illégale ;
- la décision querellée refusant d'autoriser le licenciement est entachée d'erreurs d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2020, M. E..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la SAS Dachser France la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2020, la ministre du travail conclut au rejet de la requête en revoyant à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Dachser France a pour activité le transport et la gestion de flux logistiques. Au cours de l'année 2015, elle a décidé, afin de préserver sa compétitivité dans un secteur très concurrentiel au plan national et international, et tout particulièrement dans le sud-est de la France, de réorganiser ses services en procédant à la fermeture de ses sites situés à Toulon et Nice et à leur regroupement au sein d'une nouvelle agence située aux Arcs-sur-Argens (Var), à environ soixante-dix kilomètres de Toulon. Le projet de réorganisation ne prévoyait aucune suppression de postes et était assorti de mesures d'accompagnement, notamment des primes et indemnités. Par courrier du 7 août 2015, la société a informé M. E..., employé en qualité de chauffeur livreur poids lourds sur le site de Toulon et détenteur d'un mandat de délégué du personnel, de la perspective de sa mutation définitive sur le site des Arcs-sur-Argens à compter du 30 novembre 2015 et a sollicité son accord pour modifier en conséquence son contrat de travail. Par courrier du 17 août 2015, l'intéressé a fait savoir à son employeur que sa situation personnelle et familiale ne lui permettait pas de répondre favorablement à cette sollicitation. La société a élaboré un plan de sauvegarde de l'emploi concernant les salariés qui, comme M. E..., ont refusé la proposition de modification de leur lieu de travail, soit vingt salariés sur les quarante-cinq que compte l'entreprise, dont neuf au sein de l'agence de Toulon et onze au sein de l'agence de Nice. Le document unilatéral préparé par la société a été homologué par l'administration. Après avoir en vain proposé des reclassements à M. E..., la SAS Dachser France a sollicité et obtenu de l'inspectrice du travail, par une décision du 27 septembre 2016, l'autorisation de le licencier pour motif économique. M. E... a formé un recours hiérarchique contre cette décision auprès de la ministre du travail. Par décision du 16 mars 2017, la ministre a, d'une part, retiré sa décision implicite portant rejet de ce recours hiérarchique, d'autre part, annulé la décision de l'inspectrice du travail, enfin, refusé d'autoriser ce licenciement. La SAS Dachser France relève appel du jugement du 3 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision de la ministre.
2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, en vertu des dispositions des articles R. 2421-4 et R. 242111 du code du travail, l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé doit, quel que soit le motif de la demande, procéder à une enquête contradictoire. En revanche, aucune règle ni aucun principe ne fait obligation au ministre chargé du travail, saisi d'un recours hiérarchique sur le fondement des dispositions de l'article R. 2422-1 du même code, de procéder lui-même à cette enquête contradictoire. Il en va toutefois autrement si l'inspecteur du travail n'a pas lui-même respecté les obligations de l'enquête contradictoire et que, par suite, le ministre annule sa décision et statue lui-même sur la demande d'autorisation.
4. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 122-1 de ce code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. (...) ". Aux termes de l'article L. 122-2 de ce code : " Les mesures mentionnées à l'article L. 121-1 à caractère de sanction ne peuvent intervenir qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant ". Aux termes de l'article L. 211-2 de ce code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) 7° Refusent une autorisation (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative compétente pour adopter une décision individuelle entrant dans leur champ de mettre elle-même la personne intéressée en mesure de présenter des observations. Il en va de même, à l'égard du bénéficiaire d'une décision, lorsque l'administration est saisie par un tiers d'un recours gracieux ou hiérarchique contre cette décision. Ainsi, le ministre chargé du travail, saisi sur le fondement des dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail, d'un recours contre une décision autorisant ou refusant d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé, doit mettre le tiers au profit duquel la décision contestée a créé des droits - à savoir, respectivement, l'employeur ou le salarié protégé -à même de présenter ses observations, notamment par la communication de l'ensemble des éléments sur lesquels le ministre entend fonder sa décision.
6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, par lettre du 24 octobre 2016, le directeur de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Provence-Alpes-Côte d'Azur a convoqué la SAS Dachser France à un entretien prévu le 24 novembre 2016 ayant pour objet l'instruction du recours hiérarchique formé par M. E... contre la décision de l'inspectrice du travail du 27 septembre 2016 autorisant son licenciement. Puis, par lettre du 21 février 2017, la ministre, sous la signature de l'adjoint au chef du bureau du statut protecteur au ministère du travail, a informé la société qu'elle était susceptible de retirer la décision implicite de rejet qu'elle avait laissé naître sur ce recours hiérarchique " pour des motifs de légalité tenant notamment à l'appréciation du motif économique allégué par rapport au secteur d'activité du groupe dont la société Dachser relève ". La ministre précisait dans ce courrier qu'elle ne disposait que des données économiques concernant les seules agences de Nice et Toulon. Par ces indications explicites, la SAS Dachser France a été mise à même de présenter ses observations sur le motif sur lequel la ministre entendait fonder sa décision, observations qu'au demeurant elle a entendu produire par un courrier électronique du 1er mars 2017. La société requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que la décision querellée, aux termes de laquelle la ministre a finalement retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique, annulé la décision de l'inspectrice du travail du 27 septembre 2016 et rejeté la demande d'autorisation de licenciement de M. E..., au motif que " l'employeur s'est borné à produire des éléments concernant la seule entreprise Dachser France, et plus particulièrement les établissements de Nice et de Toulon, alors que celle-ci fait partie du secteur d'activité " transport par route " du groupe Dachser, et ce malgré la demande de l'administration tendant à obtenir des éléments permettant, d'une part, d'identifier les entreprises relevant dudit secteur et, d'autre part, des données d'ordre économique concernant les entreprises appartenant au secteur d'activité ", aurait été prise en méconnaissance du principe du contradictoire.
7. En troisième lieu, lorsque l'employeur sollicite une autorisation de licenciement pour motif économique fondée sur le refus du salarié d'accepter une modification de son contrat de travail, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette modification était justifiée par un motif économique. Si la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise peut constituer un tel motif, c'est à la condition que soit établie une menace pour la compétitivité de l'entreprise, laquelle s'apprécie, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe.
8. En l'espèce, la ministre a retiré sa décision implicite de rejet, a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 27 septembre 2016 et a refusé d'autoriser le licenciement de M. E... au motif, selon les énonciations de la décision du 16 mars 2017 et ainsi qu'il a été dit, que " l'employeur s'est borné à produire des éléments concernant la seule entreprise Dachser France, et plus particulièrement les établissements de Nice et de Toulon, alors que celle-ci fait partie du secteur d'activité "transport par route" du groupe Dachser, et ce malgré la demande de l'administration tendant à obtenir des éléments permettant, d'une part, d'identifier les entreprises relevant dudit secteur et, d'autre part, des données d'ordre économique concernant les entreprises appartenant au secteur d'activité ". La ministre en a déduit que l'autorité administrative n'a pas été en mesure de faire porter son contrôle sur la réalité des motifs économiques allégués, à savoir des difficultés économiques et une nécessaire sauvegarde de la compétitivité, et a estimé en conséquence que la cause économique du licenciement ne pouvait être regardée comme étant établie.
Sur la décision de la ministre du 16 mars 2017 en tant qu'elle retire la décision implicite de rejet du recours hiérarchique et annule la décision de l'inspectrice du travail :
9. Ni la demande d'autorisation de licenciement adressée à l'inspectrice du travail par la SAS Dachser France, ni les documents, tels que produits dans l'instance, relatifs au plan de sauvegarde de l'emploi, et pas davantage les éléments d'information transmis par la société appelante à l'inspectrice du travail par messages électroniques des 22 août 2016 et 8 septembre 2016 dans le cadre de l'enquête contradictoire ne comportent d'indications tenant, au-delà de la seule situation des agences de Nice et de Toulon, aux éventuelles menaces pour la compétitivité de l'entreprise au niveau du secteur d'activité " transport par route " au sein du groupe Dachser. Il ne ressort d'ailleurs aucunement des énonciations de la décision de l'inspectrice du travail du 27 septembre 2016 que celle-ci aurait apprécié la réalité d'une menace pour la compétitivité de l'entreprise à ce niveau, ce alors même que, ainsi qu'il a été dit au point 7 ci-dessus, il lui appartenait de rechercher si la modification du contrat de travail de M. E... se justifiait au regard de la situation économique des entités du groupe opérant dans ce secteur d'activité " transport par route ". C'est en conséquence à bon que la ministre a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par M. E... contre cette décision de l'inspectrice du travail et a annulé cette décision.
Sur la décision de la ministre du 16 mars 2017 en tant qu'elle refuse l'autorisation de licenciement :
10. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière.
11. Pour apprécier la réalité des motifs économiques allégués à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé présentée par une société qui fait partie d'un groupe, l'autorité administrative est tenue de faire porter son examen sur la situation économique de l'ensemble des sociétés du groupe intervenant dans le même secteur d'activité que la société en cause. A ce titre, le groupe s'entend, ainsi qu'il est dit au I de l'article L. 2331-1 du code du travail, de l'ensemble constitué par les entreprises placées sous le contrôle d'une même entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.
12. Toutes les entreprises ainsi placées sous le contrôle d'une même entreprise dominante sont prises en compte, quel que soit le lieu d'implantation de leur siège, tant que ne sont pas applicables à la décision attaquée les dispositions introduites par l'article 15 de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 à l'article L. 1233-3 du code du travail b) en vertu desquelles seules les entreprises implantées en France doivent alors être prises en considération.
13. Lorsque le juge administratif est saisi d'un litige portant sur la légalité de la décision par laquelle l'autorité administrative a autorisé le licenciement d'un salarié protégé pour un motif économique ou a refusé de l'autoriser pour le motif tiré de ce que les difficultés économiques invoquées ne sont pas établies et qu'il se prononce sur le moyen tiré de ce que l'administration a inexactement apprécié le motif économique, il lui appartient de contrôler le bien-fondé de ce motif économique en examinant la situation de l'ensemble des entreprises du groupe intervenant dans le même secteur d'activité dans les conditions mentionnées au point précédent.
14. Pour contester le motif de refus opposé par la ministre, la SAS Dachser France fait état de la très forte pression concurrentielle qu'elle subit, invoque la nécessité de moderniser le réseau des agences sur lequel elle s'appuie et l'impossibilité technique d'adapter les agences de Nice et de Toulon à l'évolution du marché du transport de messagerie et fait valoir la nécessité corrélative de regrouper l'activité de ses agences sur le site des Arcs-sur-Argens. Elle décrit, comme elle l'a fait devant l'administration, le fonctionnement de la chaîne logistique et expose les conséquences commerciales en cas de non-respect des engagements pris en termes de délais de livraison et de perte de la qualité de ces livraisons. La société appelante indique également, en se fondant sur les avis favorables émis sur le projet par le comité d'établissement régional et par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, que la pertinence de l'analyse relative à l'obsolescence des agences de Nice et Toulon et de l'opportunité de leur transfert sur un site unique, situé aux Arcs-sur-Argens, n'a été contestée par quiconque. Toutefois, aussi justifiées soient-elles, ces considérations sont sans incidence sur la légalité du refus opposé par la ministre, fondé sur le motif tiré de ce que la société n'a fourni aucune information relative à la situation économique du secteur d'activité " transport par route " au sein du groupe Dachser.
15. Les documents transmis par la société requérante par message électronique du 1er mars 2017, en réponse à la demande des services du ministère en charge de l'instruction du recours hiérarchique formé par M. E... contre la décision de l'inspectrice du travail du 27 septembre 2016, qui portait explicitement sur ce point, n'apporte pas davantage d'indications utiles. Le premier de ces documents, intitulé " analyse du projet de transfert sur l'agence des Arcs et de ses conséquences sociales découlant de la fermeture des agences de Nice et de Toulon ", consiste en une analyse critique du plan de sauvegarde de l'emploi établi par le cabinet d'expertise SECAFI. Il ressort des énonciations de ce document, qui a été présenté lors de la réunion du comité d'établissement régional du 16 mars 2016, qu'à propos du " livre 2 " de ce plan de sauvegarde de l'emploi, qui concerne spécifiquement le projet de réorganisation, " aucune justification de difficultés économiques au niveau du groupe ou au niveau du secteur d'activité du groupe n'est clairement indiquée ", le document précisant que la direction de l'entreprise n'a fourni aucun document sur la situation économique du groupe au motif que le groupe Dachser ne publie pas ses comptes en Allemagne. Le document indique encore que " sans ces éléments, il est impossible de justifier des difficultés économiques au niveau du groupe ou de juger que les mesures sociales du livre 2 sont proportionnelles à la situation du groupe ". Le second document est un extrait de la note de présentation du projet de réorganisation. Il fait état de surcoûts, pour les agences de Nice et Toulon, respectivement de 56 % et de 42 % par rapport au coût moyen d'un " contrat France distribué à destination " et indique que les deux sites affichent des pertes estimées sur 12 mois, pour le premier, de 752 000 euros en 2015, de 713 000 euros en 2014 et de 703 000 euros en 2013 et pour le second, de 500 000 euros en 2015 hors coût du plan de sauvegarde de l'emploi, de 332 000 euros en 2014 et de 362 000 euros en 2013.
16. A défaut pour la SAS Dachser France d'avoir fourni à la Cour, alors que le jugement attaqué se prononce expressément sur ce motif tenant à l'absence d'indications sur la situation économique au sein du groupe des autres entités relevant du secteur d'activité " transport par route ", les éléments de nature à lui permettre d'apprécier elle-même le bien-fondé du motif économique qu'elle invoque, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision de la ministre du travail du 16 mars 2017 en tant qu'elle refuse l'autorisation de licenciement de M. E... serait entachée d'erreurs d'appréciation.
17. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. / Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. / Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet. ". Et aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. ". Il résulte de ces dispositions que le ministre chargé du travail peut légalement, dans le délai de quatre mois, rapporter sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail refusant le licenciement d'un salarié protégé qui est créatrice de droit au profit de ce salarié, et procéder à l'annulation de cette décision initiale, dès lors que ces deux décisions sont illégales.
18. Il résulte des points 9 à 16 ci-dessus que la décision de l'inspectrice du travail du 27 septembre 2016 ainsi que, par voie de conséquence, la décision implicite de rejet née du silence gardé par la ministre sur le recours hiérarchique formé par M. E... contre cette décision, qui confirmait la décision initiale, étaient illégales. C'est dès lors sans commettre d'erreur de droit que la ministre a prononcé, par sa décision expresse du 16 mars 2017, le retrait de sa décision implicite qui est en tout état de cause intervenu dans le délai de recours contentieux, ainsi que l'annulation de la décision de l'inspectrice du travail, alors même que le retrait de cette dernière décision est intervenu au-delà du délai, mentionné à l'article L. 242-1, de quatre mois suivant son édiction.
19. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Dachser France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
20. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SAS Dachser France demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SAS Dachser France une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. E... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Dachser France est rejetée.
Article 2 : La SAS Dachser France versera à M. E... une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Dachser France, à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à M. B... E....
Copie en sera adressée à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Délibéré après l'audience du 18 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. D..., président de chambre,
- M. Guidal, président-assesseur,
- M. Coutier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2020.
Le rapporteur,
Signé
B. COUTIER
Le président,
Signé
M. D...
La greffière,
Signé
S. EYCHENNE
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 19MA05147
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