Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 novembre 2018 et 29 mai 2020, sous le n° 18MA04915, M. et Mme C..., représentés par Me B..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 25 septembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2016, ainsi que la décision du 13 décembre 2016 par laquelle le préfet du Gard a rejeté leur recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les conclusions de la commission d'enquête sont insuffisamment motivées ;
- elles n'ont pas été consignées dans un document séparé ;
- les réserves de la commission d'enquête n'ont pas été levées ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de fait ;
- les modifications apportées au PPRI après l'enquête publique portent atteinte à l'économie générale du projet ;
- les dispositions de l'article L. 562-1 du code de l'environnement ont été méconnues ;
- le classement de leurs parcelles en zone R-Nu est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 août 2020, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête de M. et Mme C....
Elle soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant M. et Mme C....
Une note en délibéré présentée pour M. et Mme C... a été enregistrée le 16 janvier 2021.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 25 septembre 2018 du tribunal administratif de Nîmes qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 septembre 2016 par lequel le préfet du Gard a approuvé le plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) sur le territoire de la commune d'Argilliers. Ils demandent, en outre, l'annulation de la décision du 13 décembre 2016 par laquelle le préfet du Gard a rejeté leur recours gracieux.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le rapport et les conclusions de la commission d'enquête :
2. Aux termes de l'article L. 562-3 du code de l'environnement : " Le préfet définit les modalités de la concertation relative à l'élaboration du projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles. (...) Après enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier et après avis des conseils municipaux des communes sur le territoire desquels il doit s'appliquer, le plan de prévention des risques naturels prévisibles est approuvé par arrêté préfectoral (...) ". L'article R. 123-19 du même code dispose, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies./ Le rapport comporte le rappel du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une analyse des propositions et contre-propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public./ Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet (...) ". La commission d'enquête n'est pas tenue de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête. Elle doit porter une analyse sur les questions soulevées par ces observations et émettre un avis personnel sur le projet soumis à enquête en indiquant les raisons qui déterminent le sens de cet avis.
3. Si les conclusions de la commission d'enquête n'ont pas été consignées, comme l'exigent les dispositions précitées, dans un document séparé, elles figurent dans une partie distincte du rapport aisément identifiable. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette irrégularité ait été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision ou aurait privé les personnes intéressées par l'avis exprimé par la commission d'enquête d'une garantie.
4. Il ressort des pièces du dossier que la commission d'enquête a émis, à l'unanimité, un avis favorable au projet de plan en cause, assorti d'une réserve consistant à ce que qu'une étude complémentaire relative au zonage d'aléa de la rive droite du Grand Vallat soit réalisée et que ses conclusions soient prises en compte dans le PPRI définitif. Le rapport précédant cet avis a suffisamment examiné les observations du public et y a répondu de manière précise et circonstanciée. L'avis de la commission d'enquête n'est pas systématiquement identique à celle des services du préfet et reflète l'expression d'un avis personnel. Ainsi, suite aux observations de M. C..., elle a recommandé un examen complémentaire des ruissellements mentionnés par la commune et le public afin de vérifier si les aléas qu'ils génèrent justifient ou pas leur prise en compte dans le PPRI, en particulier lorsque ces ruissellements peuvent donner lieu à des débordements par montée d'eau. Par ailleurs, dans la partie du rapport concernant les observations et questions de la commission d'enquête, cette dernière a donné un avis personnel et circonstancié aux réponses de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM). Elle regrette, notamment, que les positions de principe de cette direction en matière de ruissellement n'aient pas été explicitées au cas par cas dans une fiche communale. Elle estime également que la méthode de détermination des aléas résiduels, sans la remettre en cause, paraît relativement imprécise, voire aléatoire. La commission d'enquête a, en outre, fait part des points faibles du PPRI en litige. Son rapport et ses conclusions doivent ainsi être regardés comme étant personnels et suffisamment motivés.
5. Aux termes de l'article R. 562-9 du code de l'environnement dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " A l'issue des consultations prévues aux articles R. 562-7 et R. 562-8, le plan, éventuellement modifié, est approuvé par arrêté préfectoral. (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions que si le projet de plan peut être modifié après l'enquête publique, le cas échéant de façon substantielle, pour tenir compte tant de ses résultats que des avis préalablement recueillis, c'est à la condition que les modifications ainsi apportées n'en remettent pas en cause l'économie générale. Il appartient au juge administratif, pour caractériser l'existence d'une éventuelle atteinte à l'économie générale du projet, de tenir compte de la nature et de l'importance des modifications opérées au regard notamment de l'objet et du périmètre du plan ainsi que de leur effet sur le parti de prévention retenu.
7. Alors même qu'il n'y était pas tenu, le préfet du Gard a pu, sans contradiction, prendre en compte la réserve émise par la commission d'enquête tenant à la réalisation d'une étude complémentaire relative au zonage d'aléa de la rive droite du Grand Vallat et procéder à des modifications de zonage, postérieurement à l'enquête publique, consistant à soustraire de la zone de l'aléa résiduel certaines parcelles situées à l'ouest de la commune d'Argilliers. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment du document comparatif du zonage réglementaire avant et après l'enquête publique produit par le préfet du Gard, que ces modifications auraient remis en cause l'économie générale du projet. La circonstance que des modifications du PPRI aient été adoptées alors qu'elles n'ont pas été proposées par la commission d'enquête est sans incidence. Par suite, l'administration n'avait pas à procéder à une nouvelle enquête publique permettant de soumettre à l'avis du public l'étude Hydratec et les modifications qui en ont résulté.
En ce qui concerne le classement du Grand Vallat en cours d'eau :
8. Aux termes de l'article L. 562-1 du code de l'environnement : " I. - L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones. / II. - Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : / 1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles, pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; / 2° De délimiter les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° ; / 3° De définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, par les collectivités publiques dans le cadre de leurs compétences, ainsi que celles qui peuvent incomber aux particuliers ; / 4° De définir, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, les mesures relatives à l'aménagement, l'utilisation ou l'exploitation des constructions, des ouvrages, des espaces mis en culture ou plantés existants à la date de l'approbation du plan qui doivent être prises par les propriétaires, exploitants ou utilisateurs. (...) ". L'article L. 566-1 du même code dispose que : " I. - Au titre du présent chapitre, une inondation est une submersion temporaire par l'eau de terres émergées, quelle qu'en soit l'origine, à l'exclusion des inondations dues aux réseaux de collecte des eaux usées, y compris les réseaux unitaires. "
9. Il résulte de ces dispositions que les plans de prévention des risques naturels prévisibles constituent des documents qui, élaborés à l'initiative de l'Etat, ont pour objet de définir, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, des zones exposées à des risques naturels à l'intérieur desquelles s'appliquent, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines, des contraintes d'urbanisme importantes.
10. Constitue un cours d'eau un écoulement d'eaux courantes dans un lit naturel à l'origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l'année. Cette définition jurisprudentielle a été reprise à l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement créé par la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 et applicable à compter du 10 août 2016.
11. M. et Mme C... ne peuvent utilement soutenir que le Grand Vallat ne peut être considéré comme un cours d'eau au sens de la définition mentionnée au point 10 dès lors qu'aucun texte ne limite les risques d'inondation au débordement d'un cours d'eau. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que le Grand Vallat figure sur la carte d'état major de 1850 ainsi que sur les cartes IGN dont celle de 1950 et l'actuelle, qui le repèrent comme un cours d'eau temporaire. Il est également identifié comme un cours naturel dans la Base de données sur la Cartographie Thématique des Agences de l'eau et du ministère de l'environnement (BD Carthage). Ainsi, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.
En ce qui concerne le classement des parcelles en litige :
12. Il ressort du rapport de présentation du PPRI en cause que la zone R-NU est une zone non urbanisée exposée à un aléa résiduel en cas de crue supérieure à la crue de référence. Sa préservation permet de ne pas accroître le développement urbain en zone potentiellement inondable et de maintenir des zones d'expansion des plus fortes crues, de façon à ne pas aggraver le risque à l'aval. Le principe général associé est l'interdiction de toute construction nouvelle, mais quelques dispositions sont cependant introduites pour assurer le maintien et le développement modéré des exploitations agricoles ou forestières.
13. Il ressort des pièces du dossier que les deux parcelles cadastrées section A n° 251 et n° 254 appartenant à M. et Mme C... ont été classées en zone de précaution R-NU (zone non urbaine inondable par un aléa résiduel et à enjeu modéré) par le PPRI contesté. Si les requérants soutiennent que selon le 1° du II de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, les PPRI ont pour objet de délimiter les zones exposées aux risques en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru alors que d'après la définition de l'aléa résiduel, la hauteur d'eau pour la crue de référence est nulle, il ressort toutefois de ce qui a été dit au point 12 que la zone R-NU est une zone non urbanisée exposée à un aléa résiduel en cas de crue supérieure à la crue de référence. Par ailleurs, le Grand Vallat qui est un affluent du Gardon récolte l'eau d'un bassin versant d'une superficie de 9 km2 permettant de générer un débit de 36 m3/s lors des crues de référence. Son profil morphologique traduit une forte activité hydraulique. Si le compte rendu de la réunion en mairie d'Argilliers du 14 mai 2012 mentionne que, globalement, cet affluent a une bonne capacité d'écoulement, il relève, également, que les principaux cours d'eau à l'origine de débordements sont le Grand Vallat et le Rieu. Le classement en litige est, en outre, justifié par l'appartenance des deux parcelles au lit majeur hydrogéomorphologique du Grand Vallat et par l'analyse de deux profils topographiques traversant ces parcelles qui démontre qu'elles sont exposées au risque d'inondation pour un événement exceptionnel supérieur à la crue de référence. Il s'en suit que le classement des parcelles de M. et Mme C... en zone de précaution R-NU n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation et ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 562-1 du code de l'environnement.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 septembre 2016. En tout état de cause, il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter leur demande tendant à l'annulation de la décision du 13 décembre 2016 rejetant leur recours gracieux.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. et Mme C... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... C... et à la ministre de la transition écologique.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2021, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Coutier, premier conseiller,
- Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2021.
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N° 18MA04915
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