Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 mars 2020, sous le n° 20MA01333, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 juillet 2019 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande, ainsi que la décision du 31 juillet 2017 valant communication des motifs de la décision initiale ;
3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer un titre de séjour mention " conjoint de ressortissant de l'Union européenne " sous astreinte de 75 euros par jour de retard à compter d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil Me B... en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et familiale ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 121-1 3° et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 novembre 2019.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2020, le préfet de Vaucluse conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 2 juin1973, de nationalité tunisienne, est entré en France en 2013 avec son épouse de nationalité italienne et leurs trois enfants nés les 27 octobre 2008, 29 avril 2010 et 5 septembre 2011. Il a sollicité son admission au séjour en qualité de conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne, le 12 janvier 2017. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet du préfet de Vaucluse. Par décision du 31 juillet 2017, le préfet lui a communiqué les motifs de cette décision suite à son recours gracieux du 25 juin 2017. M. A... relève appel du jugement du 18 juillet 2019 du tribunal administratif de Nîmes qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il ressort tant des pièces du dossier que des termes de la décision contestée du 31 juillet 2017 que le préfet de Vaucluse a procédé à l'examen de l'ensemble de la situation administrative, personnelle et familiale de M. A... avant de lui refuser l'admission au séjour.
3. Aux termes de l'article 21 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par les traités et par les dispositions prises pour leur application. ". Aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) 4° S'il est un (...) conjoint, (...) accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; (...) ". L'article L. 121-3 du même code dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. S'il est âgé de plus de dix-huit ans ou d'au moins seize ans lorsqu'il veut exercer une activité professionnelle, il doit être muni d'une carte de séjour. Cette carte, dont la durée de validité correspond à la durée de séjour envisagée du citoyen de l'Union dans la limite de cinq années, porte la mention : " carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union ". Sauf application des mesures transitoires prévues par le traité d'adhésion à l'Union européenne de l'Etat dont il est ressortissant, cette carte donne à son titulaire le droit d'exercer une activité professionnelle. ". Aux termes de l'article R. 121-4 du même code : " (...) Lorsqu'il est exigé, le caractère suffisant des ressources est apprécié en tenant compte de la situation personnelle de l'intéressé. En aucun cas, le montant exigé ne peut excéder le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné au 2° de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles ou, si l'intéressé remplit les conditions d'âge pour l'obtenir, au montant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées mentionnée à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale. La charge pour le système d'assistance sociale que peut constituer le ressortissant mentionné à l'article L. 121-1 est évaluée en prenant notamment en compte le montant des prestations sociales non contributives qui lui ont été accordées, la durée de ses difficultés et de son séjour. (...)".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le ressortissant d'un Etat tiers ne dispose d'un droit au séjour en France, en qualité de conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne, que dans la mesure où son conjoint remplit lui-même les conditions fixées au 1° ou au 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne résidant en France peut ainsi bénéficier d'une carte de séjour en qualité de membre de famille, à condition que ce ressortissant exerce une activité professionnelle ou dispose, pour lui et les membres de sa famille, de ressources suffisantes, ces deux conditions relatives à l'activité professionnelle et aux ressources étant alternatives et non cumulatives. Doit être regardée comme " travailleur " au sens des dispositions du 1° de l'article précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, toute personne qui exerce une activité réelle et effective, à l'exclusion d'activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires. Il appartient au préfet de se placer à la date à laquelle il statue pour apprécier si l'étranger remplit les conditions pour obtenir le titre de séjour prévu par les articles L. 121-1 4° et R. 121-4 précités du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. La décision contestée de refus de séjour opposée à M. A... est motivée par la circonstance que son dossier ne démontre pas que l'exercice, par son épouse de nationalité italienne, d'une activité professionnelle en France, permettrait de pourvoir aux besoins de sa famille en ce que l'intéressée ne justifie ni de la suffisance, ni de la stabilité de ses ressources.
6. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée du 31 juillet 2017, l'épouse de nationalité italienne de M. A... exerçait un emploi d'ouvrier agricole dans le cadre d'un contrat de travail temporaire pour une période allant du 15 au 18 mai 2017, pour une durée mensuelle de 25 heures selon le bulletin de paye produit au dossier, qui mentionne un salaire de 237,10 euros, puis d'un autre contrat d'une durée de six jours du 21 juillet au 31 juillet 2017, correspondant à 42 heures travaillées et un salaire de 347,22 euros. Les circonstances que postérieurement à la décision contestée, elle ait bénéficié de contrats similaires du 1er au 11 août 2017, du 11 au 29 septembre 2017 et du 24 au 29 novembre 2017 puis, depuis le 30 novembre 2017, d'indemnités journalières maladie versées par la MSA sont sans incidence sur l'appréciation des conditions que doit remplir l'activité de son épouse. Par suite, le préfet de Vaucluse a pu légalement opposer à M. A... que cette dernière ne disposait pas, pour subvenir aux besoins de son foyer composé de quatre personnes, de ressources stables et suffisantes au sens du 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... déclare être entré en France en 2013, accompagné de son épouse de nationalité italienne et de leurs trois enfants, nés en Italie les 27 octobre 2008, 29 avril 2010 et 5 septembre 2011. Il a vécu la majeure partie de sa vie hors de France, au moins jusqu'à l'âge de 40 ans. Ainsi qu'il a été dit au point 6, le couple ne disposait pas de ressources suffisantes ni même d'un projet personnel ou professionnel susceptible de justifier d'une insertion dans la société française. Dès lors, l'ensemble de la cellule familiale pouvait se reconstituer notamment en Italie, pays dont son épouse a la nationalité et où sont nés les trois enfants du couple. Dans ces conditions, il n'est pas établi qu'en prenant les décisions contestées, le préfet du Vaucluse aurait porté une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, ces décisions ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande et de la décision du 31 juillet 2017.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
10. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte de M. A....
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative, 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 9 avril 2021, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 avril 2021.
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N° 20MA01333