Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 mai 2018, sous le n° 18MA02166, M. A... B..., représenté par Me C... demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 décembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2017;
3°) d'enjoindre, au préfet de l'Hérault de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer dans l'attente un récépissé avec autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me C... en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- le préfet n'a pas examiné sa situation ;
- cette décision viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4, 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire ;
- elle est entachée d'un défaut de base légale ;
- la substitution de base légale effectuée par le premier juge est entachée d'une erreur de droit ;
S'agissant de la décision portant interdiction de retour :
- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision portant assignation à résidence :
- elle est illégale par voie d'exception.
M. A... B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 mars 2018.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 août 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête de M. A... B....
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... B...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., né le 3 mai 1999 de nationalité algérienne relève appel du jugement du 12 décembre 2017 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2017 du préfet de l'Hérault qui lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination, a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois mois et l'a assigné à résidence.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. M. A... B...reprend en appel le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation. Toutefois, il y a lieu d'écarter ce moyen, qui ne comporte aucun développement nouveau, par adoption des motifs retenus à juste titre par le premier juge.
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... B..., célibataire et sans charge de famille est entré en France le 3 avril 2015 pour rejoindre son père et son grand-père, titulaires de certificats de résidence et sa belle-mère de nationalité française. M. A... B...ne justifie pas être dépourvu de liens personnels et familiaux en Algérie, pays dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 16 ans et où résident sa mère et ses deux frères. Si le requérant soutient qu'il souffre de troubles psychiatriques, il ne démontre pas que ceux-ci ne pourraient pas être pris en charge en Algérie. Dans ses conditions et alors même qu'il maîtriserait la langue française, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, la décision en litige n'a pas porté une atteinte au droit au respect de sa vie privée et familiale disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 6-5) de l'accord franco-algérien.
5. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... B...souffre de troubles psychiatriques pour lesquels il est pris en charge en France. Toutefois, les certificats médicaux versés au débat ne précisent pas si le défaut de cette prise en charge pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et ne comportent aucun élément sur l'impossibilité de recevoir des soins appropriés en Algérie. Si le requérant se prévaut d'une ordonnance de maintien en hospitalisation complète du tribunal de grande instance de Montpellier, celle-ci est postérieure à la décision contestée. Ainsi, ces documents ne permettent pas d'établir que M. A... B...ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement en application des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. M. A... B...ne peut utilement se prévaloir à l'encontre de la décision contestée du moyen tiré de la violation de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne concerne pas la délivrance d'un titre de séjour de plein droit.
En ce qui concerne la légalité de la décision refusant un délai de départ volontaire :
8. D'une part, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " (...) II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".
9. D'autre part, aux termes de l'article L. 624-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Tout étranger qui, faisant l'objet (...) d'une obligation de quitter le territoire français (...), se sera maintenu irrégulièrement sur le territoire français sans motif légitime, après avoir fait l'objet d'une mesure régulière de placement en rétention ou d'assignation à résidence ayant pris fin sans qu'il ait pu être procédé à son éloignement, sera puni d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende ".
10. Les dispositions susmentionnées de l'article L. 624-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas pour objet de définir la notion de soustraction à une mesure d'éloignement au sens et pour l'application du d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais seulement de punir d'une peine d'emprisonnement et d'une amende l'étranger qui s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français sans motif légitime, après avoir fait l'objet d'une mesure régulière de placement en rétention ou d'assignation à résidence ayant pris fin sans qu'il ait pu être procédé à l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre. Ces dispositions ne sauraient davantage être regardées comme ayant pour objet ou pour effet d'imposer à l'autorité administrative de ne regarder comme s'étant soustraits à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement que les seuls étrangers qui se sont maintenus irrégulièrement sur le territoire français sans motif légitime, à l'issue d'une mesure régulière de placement en rétention ou d'assignation à résidence. Par suite, si M. A... B...soutient qu'il n'a accompli aucun acte positif qui permettrait de le regarder comme relevant des dispositions de l'article L. 624-1, cette circonstance est par elle-même sans incidence sur la légalité de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.
11. En revanche, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que M. A... B...aurait entrepris la moindre démarche en vue de se conformer à la décision du 1er juin 2017 lui faisant obligation de quitter le territoire, laquelle avait un caractère exécutoire. Il s'est ainsi, par sa passivité, soustrait de façon intentionnelle à l'exécution de cette mesure d'éloignement. Dans ces conditions, le risque de fuite de l'intéressé devait être regardé comme établi. Par suite, c'est à juste titre que le tribunal a estimé que la décision contestée pouvait légalement être motivée par le fait que M. A... B...s'était soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement en vertu des dispositions du d) du 3° du II de l'article L. 511-1 qui pouvaient être substituées à celles du b) de ce même article.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant interdiction de retour :
12. Le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 4.
13. M. A... B...ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision contestée qui ne désigne pas le pays de renvoi.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant assignation à résidence :
14. Le moyen tiré de ce que la décision en litige serait nulle par voie d'exception est dépourvu de précision suffisante permettant d'en apprécier le bien-fondé.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 8 décembre 2017.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
16. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... B... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions de M. A... B...aux fins d'injonction et d'astreinte.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de M. A... B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A...B..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2019, où siégeaient :
- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Coutier, premier conseiller,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 3 juin 2019.
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N° 18MA02166
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