Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 juillet 2018, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 20 mars 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Gard du 19 octobre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour et à défaut de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté est entaché de vice d'incompétence dès lors que son signataire bénéficiait d'une délégation générale ;
S'agissant de la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour :
- elle est entachée d'un vice de procédure du fait de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa demande ;
- il a commis une erreur de droit en s'estimant lié par l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;
- cet avis a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le nom d'un des signataires n'est pas précédé de la mention de sa qualité de médecin ;
- cet avis ne mentionne pas le nom du médecin qui a établi le rapport médical de sorte qu'elle n'a pas pu s'assurer de la régularité de la composition du collège des médecins de l'OFII ;
- les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;
- cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation.
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- le préfet a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été violées ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2019, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mai 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les observations de Me F..., substituant Me A..., représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante marocaine, née le 1er janvier 1957, est entrée en France le 1er juillet 2009 sous couvert d'un visa de court séjour. Elle a été mise en possession à partir de 2010 d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade renouvelé jusqu'au 1er mai 2017. Mme B... relève appel du jugement du 20 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2017 par lequel le préfet du Gard a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Par arrêté préfectoral n° 2016-DL-1-3 du 09 septembre 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la Préfecture du Gard le même jour, le préfet du Gard a accordé une délégation de signature à M. E... D..., sous-préfet hors classe, secrétaire général de la préfecture du Gard, à l'effet de signer " tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département du Gard ". Cette délégation qui, contrairement à ce qui est soutenu, n'a pas une portée générale, donnait légalement compétence à M. D... pour signer l'arrêté en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire manque en fait et doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
3. Les moyens tirés du défaut d'examen personnel suffisant de la situation de l'intéressée, de l'erreur de droit en ce que le préfet se serait cru lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII, de l'existence d'une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale et d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges et qui n'appellent pas de précision en appel.
4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. [...] La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé... ". L'article R. 313-22 du même code précise que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration./ L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé./ Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ". L'article R. 313-23 du même code dispose que : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. [...] Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. [...] Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège... ". Enfin l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. [...] L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
5. Il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'OFII devrait porter mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins de l'Office. Si l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 indique que l'avis mentionne " les éléments de procédure ", cette mention renvoie, ainsi qu'il résulte du modèle d'avis figurant à l'annexe C de l'arrêté, rendu obligatoire par cet article 6, à l'indication que l'étranger a été, ou non, convoqué par le médecin ou par le collège, à celle que des examens complémentaires ont été, ou non, demandés et à celle que l'étranger a été conduit, ou non, à justifier de son identité. Par suite, la requérante ne peut utilement soutenir que la procédure à l'issue de laquelle l'admission au séjour lui a été refusée est irrégulière au motif qu'elle n'a pas été mise en mesure de vérifier l'identité du médecin rapporteur.
6. Il ressort des pièces versées au dossier par le préfet, en particulier de l'indication du nom du médecin qui a établi le rapport médical que ce rapport sur l'état de santé de l'intéressée a été établi par un premier médecin le 17 mai 2017 et a été transmis pour être soumis au collège de médecins, au sein duquel ont siégé trois autres médecins, qui ont émis un avis le 23 mai 2017. Il s'ensuit que l'avis a été émis dans le respect des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment dans le respect de la règle selon laquelle le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège.
7. En outre, la requérante ne peut utilement soutenir que l'avis du collège des médecins de l'OFII, qui n'est pas une décision, serait irrégulier au motif qu'il ne mentionne pas la qualité de médecin d'un de ses signataires en application de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui vise seulement les décisions administratives.
8. Il ressort des pièces du dossier que par Mme B... souffre d'un diabète de type 2 associé à une hypertension artérielle, une cardiopathie ischémique, des lombalgies chroniques et présente un état dépressif. S'il résulte de l'avis précité du 23 mai 2017 que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, cet avis précise aussi que l'intéressée peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays dont elle est originaire, eu égard à l'offre de soins caractéristiques du système de santé de ce pays. La requérante, qui supporte la charge de démontrer que cet avis est entaché d'erreur d'appréciation, se borne à se prévaloir du fait qu'elle a bénéficié de titres de séjour antérieurement en raison de son état de santé, mais ne produit aucune pièce afin de démontrer qu'à la date de la décision contestée, elle ne pouvait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié au Maroc. Par suite, elle ne démontre pas qu'en refusant de l'admettre au séjour compte tenu de son état de santé, le préfet du Gard a commis une erreur d'appréciation.
9. Aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 312-2 de ce code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. ".
10. Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à ces articles, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Ainsi qu'il a été exposé au point 8, Mme B... n'entre pas dans les catégories lui permettant de prétendre à un titre de séjour de plein droit. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet était tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
11. Le moyen selon lequel l'obligation de quitter le territoire méconnaît l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vertu duquel ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement l'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8.
12. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges et qui n'appellent pas de précision en appel.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter également ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme au titre des frais d'instance non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête présentée par Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G...B..., au ministre de l'intérieur et à Me A....
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2019, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 avril 2019.
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N° 18MA03370
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