Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 août 2017 et le 21 septembre 2018, Mme A..., représentée par Me Girondon, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 7 juillet 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Gard du 7 avril 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut de procéder au réexamen de sa demande sous la même condition d'astreinte et de lui délivrer le temps de ce réexamen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
- il méconnaît les stipulations des articles 8 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est illégale car fondée sur un refus de séjour lui-même illégal ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les articles 8 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays d'éloignement est illégale par voie de conséquence de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire
Par des mémoires, enregistrés le 26 septembre 2017 et le 1er octobre 2018, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment son article 13 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guidal,
- et les observations de Me Girondon, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., de nationalité algérienne, relève appel du jugement du 7 juillet 2017, par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande qui tendait à l'annulation de l'arrêté du préfet du Gard du 7 avril 2017 lui refusant le renouvellement du titre de séjour qu'elle a sollicité le 17 novembre 2016 sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968, lui faisant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant l'Algérie comme pays de destination.
Sur la légalité du refus de séjour :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d' un traitement approprié dans son pays ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux demandes de certificats de résidence formées par les ressortissants algériens en application des stipulations précitées de l'accord franco-algérien : " Le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Selon les termes de l'article 1er de l'arrêté susvisé du 9 novembre 2011, pris pour l'application de ces dispositions, applicables aux demandes enregistrées en préfecture avant le 1er janvier 2017 selon l'article 13 de l'arrêté susvisé du 27 décembre 2016 : " L'étranger qui a déposé une demande de délivrance ou de renouvellement de carte de séjour temporaire est tenu de faire établir un rapport médical relatif à son état de santé par un médecin agréé ou par un médecin praticien hospitalier visé au 1° de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique. ". Aux termes de l'article 3 du même arrêté : " Au vu des informations médicales qui lui sont communiquées par l'intéressé ou, à la demande de celui-ci, par tout autre médecin, et au vu de tout examen qu'il jugera utile de prescrire, le médecin agréé ou le médecin praticien hospitalier mentionné à l'article 1er établit un rapport précisant le diagnostic des pathologies en cours, le traitement suivi et sa durée prévisible ainsi que les perspectives d'évolution. Il transmet ce rapport médical, sous pli confidentiel, au médecin de l'agence régionale de santé dont relève la résidence de l'intéressé, désigné à cet effet par le directeur général de cette agence. (...) ". L'article 4 de cet arrêté prévoit que : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. (...) ".
3. Il résulte des dispositions précédemment citées qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des stipulations du 7) de l'article 6 de l 'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge médicale risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... souffre d'une pathologie cardiovasculaire qui a justifié plusieurs interventions chirurgicales et un remplacement valvulaire aortique et mitral par la pose d'une prothèse mécanique, nécessitant une surveillance cardiologique spécifique. L'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 14 décembre 2016, au vu duquel le préfet du Gard a pris l'arrêté contesté, mentionne que l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressée pour sa prise en charge médicale et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers le pays d'origine. Si Mme A... soutient qu'elle ne peut bénéficier d'aucun traitement en Algérie et être suivie par un spécialiste, dans la mesure où les médicaments qui lui ont été prescrits n'y sont pas disponibles, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis du médecin inspecteur de santé publique, que l'offre de soins pour la pathologie dont l'intéressée est atteinte existe dans son pays d'origine. Si trois médicaments qui lui sont prescrits, le " Previscan " (anticoagulant), le " Sotalex ", (bétabloquant) et " l'Inspra ", (diurétique) ne sont pas commercialisés en Algérie, l'administration justifie, par les pièces versées au dossier et notamment par la nomenclature nationale des produits pharmaceutiques en usage en Algérie, qu'y sont disponibles des médicaments d'effets équivalents ou de la même classe thérapeutique. L'intéressée n'apporte aucun élément de nature à établir que ces médicaments ne seraient pas, dans son cas particulier, substituables à ceux qui lui ont été prescrits en France. Par ailleurs, il ne résulte pas des certificats médicaux produits par Mme A..., en particulier des attestations de deux cardiologues algériens et d'un anesthésiste réanimateur d'un établissement privé d'hospitalisation de M'sila, qu'elle ne pourrait pas faire l'objet d'un suivi adapté en Algérie.
5. La requérante fait également valoir qu'en raison du coût du traitement et des consultations médicales ainsi que des frais de transport qu'elle doit exposer pour se rendre dans la capitale, de son absence de revenus liée à une incapacité de travail et de l'impossibilité de ses cinq enfants qui résident en Algérie de la prendre en charge, elle ne pourra pas effectivement bénéficier du traitement approprié. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le régime algérien de sécurité sociale prévoit la prise en charge des soins des personnes handicapées n'exerçant aucune activité. Si la requérante se prévaut également de ce qu'elle vit dans un village proche du Sahara où il fait très chaud toute l'année, ce qui lui est déconseillé, une telle circonstance ne peut être utilement invoquée pour contester un refus de séjour qui lui a été opposé en France. Est également inopérante la circonstance invoquée tenant à ce que son état se serait dégradé postérieurement à l'arrêté contesté, la légalité de cet acte s'appréciant à la date à laquelle il a été pris.
6. Ainsi, il résulte de ce qui précède qu'en estimant que Mme A... pourrait effectivement bénéficier de soins en Algérie, le préfet du Gard n'a pas fait une inexacte application du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
8. Si Mme A... fait valoir qu'elle réside en France depuis le 17 décembre 2013, où elle est hébergée par l'un de ses fils titulaire d'un certificat de résidence et qu'elle démontre une forte volonté d'intégration, il ressort des pièces du dossier que cinq de ses six enfants résident en Algérie et, qu'à la date de l'arrêté en litige, elle ne vivait sur le territoire français que depuis en peu plus de trois ans. En outre, elle n'a été autorisée à se maintenir en France que pendant la durée prévisible des soins qui devaient lui être prodigués. Enfin, il n'est pas établi que son fils qui réside sur le territoire français, ne pourrait venir rendre visite à sa mère en Algérie. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le refus de séjour opposé par le préfet du Gard n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de la décision faisant obligation de quitter le territoire français :
9. Mme A... n'établissant pas que la décision portant refus de séjour serait illégale, l'exception d'illégalité de cette décision soulevée à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français doit être écartée. Pour les motifs exposés précédemment, elle n'est pas fondée à soutenir que cette décision méconnaîtrait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lesquelles : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Au regard de ce qui a été dit au point 8, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que la mesure d'éloignement aurait été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
10. Mme A... n'établissant pas que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français serait illégale, l'exception d'illégalité de cette décision soulevée à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination doit être écartée.
11. Comme il a été dit précédemment, Mme A... peut bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Algérie. Il s'ensuit que la décision du préfet du Gard fixant l'Algérie comme pays de destination n'est pas de nature, à cet égard, à exposer l'intéressée à un traitement contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 par Me Girondon, avocat de Mme A....
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., Me Girondon et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2018 où siégeaient :
- M. Pocheron, président,
- M. Guidal, président-assesseur,
- Mme C..., première conseillère,
Lu en audience publique, le 14 décembre 2018.
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N° 17MA03502
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