Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 1er juin 2016, Mme B..., représentée par Me Mazas, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 novembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 2 juin 2015 ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de l'Hérault de lui délivrer le titre de séjour sollicité, à tire subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours à compter de cette même date ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le tribunal ne s'est pas prononcé sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de séjour est insuffisamment motivé ;
- la procédure suivie devant l'OFPRA est irrégulière, ce qui vicie, par voie de conséquence, la procédure de refus de séjour ;
- en l'absence de la justification de la notification de la décision de l'OFPRA lui refusant l'asile, l'autorité administrative ne pouvait la regarder comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation notamment au regard des stipulations des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a ainsi entaché sa décision d'une erreur de fait et d'une erreur de droit ;
- le préfet n'a pas procédé à un véritable examen de sa situation avant de fixer le pays de destination ;
- cette décision a été prise en méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 de la convention des Nations Unies relative à la prévention de la torture.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2017, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 avril 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guidal, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme B..., de nationalité arménienne, est entrée en France au cours de l'année 2014 selon ses déclarations ; que le préfet de l'Hérault a refusé son admission au séjour, par une décision du 31 mars 2014, au motif que l'Arménie faisant partie de la liste des pays d'origine sûrs ; qu'en vertu des dispositions de l'article R. 723-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), saisi en application de la procédure prioritaire, a rejeté sa demande d'asile par une décision du 18 mars 2015 ; que, par un arrêté du 2 juin 2015, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée ; que Mme B... relève appel du jugement du 20 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité de l'arrêté du 2 juin 2015 du préfet de l'Hérault :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) / 2° L'étranger qui demande à bénéficier de l'asile a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en oeuvre les stipulations du 5 du C de l'article 1er de la convention de Genève susmentionnée ou d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr. Un pays est considéré comme tel s'il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'état de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La prise en compte du caractère sûr du pays d'origine ne peut faire obstacle à l'examen individuel de chaque demande (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 742-6 du même code : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office " ; que selon l'article R. 723-2 dudit code, dans a version en vigueur à la date de la décision contestée : " Le directeur général de l'office reconnaît la qualité de réfugié ou d'apatride ou accorde le bénéfice de la protection subsidiaire au terme d'une instruction unique, au vu des pièces et des informations dont il dispose à la date de sa décision (...) La décision du directeur général de l'office sur la demande d'asile est communiquée à l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 213-3 (...) Simultanément, le directeur général de l'office fait connaître le caractère positif ou négatif de sa décision au préfet de département compétent et, à Paris, au préfet de police, ainsi qu'au directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Il communique au préfet intéressé et, à Paris, au préfet de police, lorsque ceux-ci en font la demande, copie de l'avis de réception " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'étranger qui sollicite l'asile, et dont la demande entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 précité, a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'OFPRA ; qu'en l'absence d'une telle notification, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire ; qu'en cas de contestation sur ce point, il appartient à l'autorité administrative de justifier que la décision de l'OFPRA a été régulièrement notifiée à l'intéressé, le cas échéant en sollicitant la communication de la copie de l'avis de réception auprès du directeur général de l'office ;
4. Considérant que le préfet de l'Hérault se borne à produire le relevé des informations de la base de données " Telemofpra ", tenue par l'OFPRA et relative à l'état des procédures de demandes d'asile faisant apparaître les mentions suivantes " date de la décision : 18/03/2015 ", " nature de la décision : rejet de la demande ", " date de notification : 03/04/2015 ", " Pli revenu : oui " ; qu'alors que Mme B... conteste avoir été destinataire de la décision du 18 mars 2015 de l'OFPRA, ce relevé ne suffit pas à justifier que cette décision lui a été régulièrement notifiée, en l'absence de la production de l'avis de réception du pli recommandé dont il appartient au préfet de solliciter une copie auprès de l'OFPRA ;
5. Considérant qu'en l'absence de preuve d'une notification régulière de la décision de l'OFPRA, le préfet de l'Hérault ne pouvait regarder Mme B... comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire ; qu'une telle circonstance faisait obstacle au rejet de sa demande de titre de séjour présentée au titre de l'asile et à l'édiction à son encontre d'une mesure d'éloignement ; que Mme B... est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité du 2 juin 2015 du préfet de l'Hérault ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ; qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas " ;
7. Considérant que le présent arrêt, eu égard à ses motifs, n'implique pas qu'un titre de séjour soit délivré à Mme B... au titre de l'asile ; qu'en revanche, il y a lieu, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il soit de nouveau statué, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sur son droit au séjour ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Mazas, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Mazas ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 20 novembre 2015 du tribunal administratif de Montpellier et l'arrêté du 2 juin 2015 du préfet de l'Hérault sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à Mme B... une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation administrative dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Mazas, avocat de Mme B..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., au ministre de l'intérieur et à Me Mazas.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- M. Chanon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 septembre 2017.
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N° 16MA02164
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