Par une requête, enregistrée le 25 août 2015, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Montpellier du 23 janvier 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 28 mars 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à défaut, de lui enjoindre de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
s'agissant de la régularité de l'ordonnance :
- il ne pouvait être statué sur sa demande présentée par ordonnance prise sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;
s'agissant de la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et complet de sa situation personnelle ;
- le préfet s'est cru lié par la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 10 février 2014, non définitive, et a ainsi méconnu l'étendue de sa compétence ;
s'agissant de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et complet de sa situation personnelle ;
s'agissant de la légalité de la décision fixant le pays de destination :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 juin 2015.
Vu les autres pièces du dossier, desquelles il ressort que la requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'écritures.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coutier,
- et les observations de Me B..., représentant M. C....
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel (...), le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : / (...) /7º Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...) " ;
2. Considérant, d'une part, qu'à l'appui de sa demande présentée devant le tribunal administratif de Montpellier, M. C... a soutenu, pour contester la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ainsi que celle portant obligation de quitter le territoire français, que le préfet s'était cru lié par la décision rendue par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que ce moyen, qui n'était ni irrecevable, ni inopérant, n'appelait aucune appréciation de faits ni ne nécessitait de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
3. Considérant que, d'autre part, M. C... a notamment invoqué, à l'encontre de la décision fixant un pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en faisant valoir qu'il craignait pour sa sécurité et sa vie en cas de retour en fédération de Russie, où il affirmait avoir été persécuté du fait de ses activités militantes menées à travers sa profession de photographe ; que ce moyen, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, était assorti de faits susceptibles de venir à son soutien ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Montpellier ne pouvait, comme il l'a fait par l'ordonnance attaquée, se fonder sur les dispositions précitées du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter la demande de M. C... ; que cette ordonnance du 23 janvier 2015 est ainsi entachée d'irrégularité et doit être annulée pour ce motif sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
5. Considérant qu'il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. C... tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 mars 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
6. Considérant que le préfet mentionne, dans la décision attaquée, les textes applicables à la situation de M. C..., la date et les conditions dans lesquelles celui-ci dit être entré en France, le fondement sur lequel l'intéressé a présenté sa demande d'admission au séjour, enfin l'examen qu'il a fait de l'ensemble de sa situation personnelle et familiale, précisant qu'il se déclare marié à une ressortissante russe résidant dans son pays d'origine avec leur quatre enfants ; que l'autorité préfectorale n'est pas tenue de préciser de manière exhaustive le détail de l'ensemble des éléments considérés ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, cette décision n'est pas entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et est suffisamment motivée au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979;
7. Considérant qu'il ressort des énonciations mêmes de la décision contestée que le préfet a examiné la situation de M. C... au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le moyen tiré de ce que le préfet se serait estimé lié par la décision rendue par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : /1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; /3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; /4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de ce titre ; /5° Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé. /La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. (...) " ;
9. Considérant que par l'arrêté attaqué, le préfet de l'Hérault a rejeté la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par M. C... et a motivé cette décision ainsi qu'il a été dit au point 6 ci-dessus ; qu'en vertu des dispositions du dernier alinéa du I de l'article L. 511-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour ; qu'il y a lieu, dès lors, d'écarter le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre, doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI " ;
11. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... ait été empêché de faire valoir auprès des services préfectoraux, depuis la date à laquelle il dit être entré en France, soit le 25 décembre 2011, tous arguments au soutien d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur un autre fondement que sa demande d'asile ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 7 ci-dessus, le préfet a examiné la situation de l'intéressé au regard des éléments dont il disposait concernant sa vie privée et familiale ; que M. C... n'apporte, dans la présente instance, aucun élément supplémentaire ; qu'il y a lieu, dès lors, d'écarter le moyen tiré de ce qu'en affirmant qu'il ne pouvait " être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre ", le préfet aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
12. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : /1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; /2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; /3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. /Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ; que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;
13. Considérant que la décision contestée vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application, indique que M. C...sera le cas échéant reconduit à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays dans lequel il justifierait être légalement admissible, précise que l'intéressé n'établit pas encourir des risques pour sa vie en cas de retour dans son pays au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, enfin fait état du fait qu'il ne démontre pas l'impossibilité pour lui de regagner son pays d'origine ; que, contrairement à ce qu'affirme M. C..., cette décision est ainsi suffisamment motivée ;
14. Considérant que M. C... expose qu'il a fait l'objet en République d'Adyguée, en raison des activités militantes menées à l'occasion de sa profession de photographe, de violences policières, de perquisitions arbitraires, de menaces de mort et d'actes de poursuite injustifiés, et qu'il encourt de réels risques pour sa sécurité et sa vie en cas de retour en Fédération de Russie ; que, toutefois, le requérant n'établit aucunement dans la présente instance la réalité ces risques dont, au demeurant, ni l'Office français de protection des réfugiés, ni la Cour nationale du droit d'asile n'ont reconnu l'existence ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance susvisée du 23 janvier 2015 du tribunal administratif de Montpellier est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lascar, président,
- M. Guidal, président assesseur,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique le 15 décembre 2016.
N° 15MA03559 2
acr