Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 7 juillet 2017, Mme D... représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 27 juin 2017 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler la décision du 22 mars 2015 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de répondre à l'ensemble des moyens soulevés en défense, notamment celui tiré de ce que le ministre n'avait pas indiqué si les faits qui lui étaient reprochés se rapportaient à un comportement fautif ou à une insuffisance professionnelle, ainsi que celui tiré d'une erreur de qualification juridique du motif de la demande de licenciement présentée par l'employeur ;
- la décision en litige est entachée d'incompétence, l'inspecteur du travail n'ayant pas été préalablement saisi de la demande d'autorisation de licenciement ;
- la décision en litige est entachée de multiples erreurs de faits ;
- la décision du ministre est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, eu égard au doute subsistant sur la matérialité des faits fautifs invoqués par l'employeur ;
- le ministre du travail n'a pas tenu compte des attestations produites confirmant les qualités et les compétences professionnelles de la requérante, la surcharge de travail, le manque de matériel et le contexte général de travail au sein de l'établissement pour personnes âgées ;
- les faits, à les supposer établis, ne lui sont pas imputables ;
- les faits reprochés relèvent tout au plus d'une négligence ou d'une insuffisance professionnelle ;
- la mesure contestée est en lien avec le mandat détenu par le salarié ;
- afin de maintenir une représentation minimale au sein de la délégation unique du personnel, le ministre du travail aurait dû refuser le licenciement sollicité par l'employeur pour ce seul motif d'intérêt général.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2017, la société Résidalya Séolanes conclut au rejet de la requête et demande, en outre, que Mme D... lui verse une somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C..., première conseillère,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,
- les observations de Me A... représentant Mme D... et celles de Me B..., substituant le cabinet SGTR, représentant la société Résidalya Seolanes.
Considérant ce qui suit :
1. La société Résidalya Séolanes, qui gère un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes à Marseille, a sollicité, le 4 février 2012, auprès de l'inspection du travail, l'autorisation de licencier pour faute Mme D..., employée comme aide-soignante sur un poste à temps partiel de nuit et exerçant le mandat de délégué du personnel et de membre du comité d'entreprise au sein de la délégation unique du personnel. Par décision du 24 février 2012, l'inspectrice du travail de la 11ème section des Bouches-du-Rhône a autorisé le licenciement de l'intéressée. Saisi d'un recours hiérarchique formée par Mme D..., le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, par une décision du 23 août 2012, annulé la décision de l'inspectrice du travail pour défaut de respect du contradictoire, article 1 et autorisé le licenciement de la salariée protégée pour motif disciplinaire, article 2. Par jugement n° 1206875 du 18 février 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de Mme D... tendant à l'annulation de l'article 2 de la décision du ministre autorisant son licenciement. Par arrêt n° 14MA01143 du 16 décembre 2014, la Cour a annulé ce jugement ainsi que l'article 2 de la décision du ministre du travail du 23 août 2012 au motif tiré du défaut de mention de l'existence ou de l'absence de lien entre la mesure de licenciement et les mandats détenus par la salariée, ne permettant pas d'établir que le ministre du travail aurait exercé son contrôle sur l'absence de lien entre la mesure de licenciement envisagée à son encontre et les mandats de déléguée du personnel et de membre du comité d'entreprise détenus par la salariée protégée.. En exécution de cet arrêt, la société Résidalya Seolanes a réintégré Mme D... au sein de l'établissement le 8 janvier 2015 et a poursuivi la procédure de licenciement, à raison des mêmes faits reprochés, en saisissant le ministre du travail qui, par décision du 22 mars 2015, a autorisé le licenciement de l'intéressée. Mme D... relève appel du jugement du 27 juin 2017, par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de cette dernière décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. D'une part, il ressort du point 9 du jugement attaqué, que le tribunal a répondu au moyen tiré de ce que le ministre n'avait pas indiqué si les faits qui lui étaient reprochés se rapportaient à un comportement fautif ou à une insuffisance professionnelle, ainsi qu'à celui tiré d'une erreur de qualification juridique du motif de la demande de licenciement présentée par l'employeur. D'autre part, s'agissant des autres omissions à statuer, le moyen est dépourvu des précisions nécessaires à l'appréciation de son bien-fondé. Il suit de là que la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
4. En premier lieu, comme il est mentionné au point 1, à la suite de l'annulation contentieuse de la décision du ministre du travail du 23 août 2012 autorisant le licenciement de Mme D..., le ministre qui avait annulé la décision de l'inspectrice du travail, restait saisi de la demande de licenciement, et il appartenait seulement à l'employeur de confirmer sa demande de licenciement, ce que la société Résidalya Séolanes a fait par courrier du 20 janvier 2015. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée doit être écarté.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'il est reproché à Mme D..., aide-soignante de nuit et responsable de la surveillance et de la prise en charge des résidents des 2ème, 3ème et 4ème étage de l'EHPAD, de ne pas avoir procédé au change de plusieurs résidents dans la nuit du 18 au 19 janvier 2012, l'un ayant été retrouvé le matin avec une protection de jour souillée et débordante et l'autre uniquement vêtue d'un tricot, sans protection sur un lit à même le matelas, sans draps et souillée d'excréments. Les éléments recueillis lors de l'enquête menée par l'inspectrice du travail le 21 février 2012 au sein de l'établissement auprès du personnel aide-soignant de nuit et de jour corroborent les faits ainsi reprochés à Mme D.... La circonstance que l'agent de service hôtelier en cours de validation des acquis de l'expérience d'aide-soignante, qui a pris la relève de jour le 19 janvier 2012 à la suite de Mme D..., n'ait pas été identifiée comme telle par le ministre est sans incidence sur la matérialité des faits qu'elle a constatés, confirmés en outre par les autres membres de l'équipe de jour, l'aide-soignante référente ainsi que l'infirmière. Si Mme D... conteste avoir admis ces faits lors de l'entretien préalable, cette circonstance est sans incidence sur leur matérialité, établie par les témoignages concordants et circonstanciés des salariés qui ont pris leur poste de travail dans le secteur de Mme D... à la fin du service de cette dernière. Par ailleurs, Mme D... ne peut sérieusement faire valoir que les protections des résidents auraient été changées durant la nuit dès lors que ces derniers ont conservé des protections de jour. Si Mme D... soutient également que la charge de travail présentait un caractère excessif et que l'établissement n'était pas suffisamment doté en matériel, ces allégations sont contredites par les pièces du dossier. En outre, la circonstance que les horaires de nuit n'étaient pas réglementaires et que l'intéressée n'aurait pas suivi de formation ou d'adaptation à son poste de travail notamment compte tenu de son âge et des profils des patients pris en charge, est sans incidence sur la matérialité des faits et leur imputabilité dès lors qu'ils se rapportent aux obligations professionnelles inhérentes au statut d'aide-soignante telles que mentionnées dans la fiche de poste de Mme D.... Il suit de là que la matérialité des faits et leur imputabilité à la requérante sont établies. Ces faits d'une gravité suffisante, commis à l'égard de personnes âgées vulnérables, relèvent d'un manquement aux obligations professionnelles et ne sauraient être regardés comme la manifestation d'une insuffisance professionnelle de la part d'un agent exerçant depuis plus de neuf ans au sein du même établissement. Il ressort également des pièces du dossier que Mme D... a déjà fait l'objet de deux avertissements, en janvier et octobre 2011, relatifs à des faits similaires à l'occasion desquels l'intéressée s'est vue rappeler ses obligations professionnelles. Dans ces conditions, c'est sans erreur d'appréciation que le ministre a pu autoriser le licenciement pour motif disciplinaire de Mme D....
6. En troisième lieu, le fait que Mme D... était l'une des deux délégués du personnel titulaire, ne constitue pas en lui-même un motif d'intérêt général justifiant un refus d'autoriser le licenciement pour motif disciplinaire.
7. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande de licenciement de Mme D... aurait un lien avec le mandat de déléguée du personnelle qu'elle exerçait.
8. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Résidalya Séolanes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à Mme D... tout ou partie de la somme réclamée par celle-ci au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... une somme de 2 000 euros à verser à la société Résidalya Séolanes au titre des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Mme D... versera à la société Résidalya Séolanes une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D..., à la ministre du travail et à la SARL Résidalya Séolanes.
Délibéré après l'audience du 26 octobre 2018, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 16 novembre 2018.
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N° 17MA02875
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