Par un recours enregistré le 3 août 2016, le ministre de l'intérieur demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 2 juin 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Nice ;
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté querellé ne présente pas le caractère d'une sanction déguisée ;
- cet arrêté constitue une simple mesure d'ordre intérieure ;
- il s'en réfère aux écritures en défense produites dans le cadre de la première instance devant le tribunal administratif de Nice.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2017, M. C... conclut à titre principal au rejet du recours du ministre de l'intérieur, à titre subsidiaire au non lieu à statuer et à ce que soit mis à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- le recours présenté pour le ministre est irrecevable en l'absence de la justification d'une délégation de son signataire ;
- le ministre n'est pas recevable à invoquer uniquement par référence des moyens présentés dans le cadre de ses écritures en défense devant le tribunal administratif de Nice ;
- les conclusions présentées à fin d'annulation sont devenues sans objet ;
- les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Féménia,
- et les conclusions de M. Chanon.
1. Considérant que par arrêté du 17 février 2014, le ministre de l'intérieur a mis fin à la mise pour emploi de M. C... à la direction départementale de la police aux frontières d'Ajaccio et l'a réintégré en qualité de commandant de police à l'emploi de chef de groupe opérationnel à la direction départementale de la police aux frontières (DDPAF) de Nice ; que, par le présent recours, le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 2 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 17 février 2014 et lui a enjoint de réintégrer M. C... dans ses anciennes fonctions au sein de la DDPAF d'Ajaccio dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement ;
Sur le non lieu à statuer opposé par M. C... :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement " ;
3. Considérant que lorsque l'autorité administrative, en exécution d'un jugement d'annulation, prend une nouvelle décision qui n'est motivée que par le souci de se conformer à ce jugement d'annulation, cette délivrance ne prive pas d'objet l'appel dirigé contre ce jugement ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en exécution du jugement attaqué du tribunal administratif de Nice le ministre de l'intérieur a, par arrêté n° 001712 du 10 août 2016, annulé l'arrêté en litige du 17 février 2014 mettant fin à la mise pour emploi de M. C... à la DDPAF d'Ajaccio ; que pour les motifs énoncés au point précédent, une telle décision ne prive pas d'objet l'appel présenté par le ministre devant la Cour contre ce jugement d'annulation ;
Sur la recevabilité du recours présenté par le ministre de l'intérieur :
5. Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article R. 431-9 du code de justice administrative : " Sous réserve des dispositions de l'article R. 431-10 et des dispositions spéciales attribuant compétence à une autre autorité, en particulier au directeur général du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière ou au directeur de l'agence régionale de santé, les recours, les mémoires en défense et les mémoires en intervention présentés au nom de l'Etat sont signés par le ministre intéressé. Les ministres peuvent déléguer leur signature dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur (...)" ;
6. Considérant que le recours présenté au nom du ministre de l'intérieur a été signé par M. D... B..., attaché principal d'administration de l'Etat qui disposait d'une délégation de signature en vertu de l'article 13 de la décision du 5 août 2013 portant délégation de signature à la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur, régulièrement publiée au Journal officiel du 7 août 2013 ; que, par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le recours du ministre serait irrecevable au motif que son auteur n'aurait pas qualité pour agir au nom du ministre ;
7. Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. " ;
8. Considérant que le recours présenté par le ministre de l'intérieur contient l'exposé de conclusions et de moyens comportant la critique du jugement du 2 juin 2016 du tribunal administratif de Nice et invite également la Cour à se référer à ses écritures produites en défense devant le tribunal administratif de Nice ; que si cette production de première instance n'a été enregistrée qu'après la clôture d'instruction fixée par le tribunal, elle a toutefois été jointe au recours du ministre présenté devant la Cour et a fait l'objet d'une communication à l'intimé ; que par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le recours du ministre ne serait pas conforme aux dispositions précitées du code de justice administrative ;
Sur la fin de non recevoir opposée par le ministre de l'intérieur à la demande de première instance :
9. Considérant que les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours ; qu'il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération ; que le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable ;
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, d'une part, M. C..., affecté à la DDPAF de Nice sur un emploi fonctionnel a été, à sa demande et pour rejoindre sa famille, placé pour emploi à la DDPAF d'Ajaccio par arrêté du 27 novembre 2013, pour exercer des fonctions de chargé de mission à titre temporaire ; que cette affectation a été prononcée sans frais de changement de résidence administrative, en surnombre et sans accomplissement des formalités afférentes au mouvement de mutation des fonctionnaires relevant de la direction de la police aux frontières ; que, d'autre part, il n'est pas allégué et ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté en litige par lequel le ministre de l'intérieur a mis fin à la mise pour emploi de M. C... à la DDPAF d'Ajaccio et l'a réintégré en qualité de commandant de police à l'emploi de chef de groupe opérationnel à la DDPAF de Nice, aurait entraîné pour l'intéressé la perte de responsabilités professionnelles, une modification de ses garanties de carrière ou de ses avantages pécuniaires ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que ce changement d'affectation présenterait le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée ou procèderait d'une discrimination ; que, dans ces conditions, cette nouvelle affectation constitue une mesure d'ordre intérieur qui ne fait pas grief et n'est donc pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que, dès lors, la demande de première instance présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Nice était irrecevable ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé son arrêté du 17 février 2014 ;
Sur les frais liés au litige :
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
13. Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser une quelconque somme à M. C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1 : Les conclusions à fin de non-lieu à statuer présentées par M. C... sont rejetées.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 2 juin 2016 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Nice est rejetée.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... C....
Délibéré après l'audience du 13 avril 2018, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme Féménia, première conseillère.
Lu en audience publique, le 27 avril 2018.
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N° 16MA03265
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