Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 26 janvier 2018 et un mémoire enregistré le 14 janvier 2019, Mme C... représentée par Me A... demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du 27 novembre 2017 en accueillant le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ;
2°) d'annuler l'article 3 du jugement du 27 novembre 2017 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2016 par lequel le ministre de l'intérieur a mis fin à son détachement dans l'emploi fonctionnel de responsable d'unité locale de police à compter du 1er janvier 2016 ;
4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de la réintégrer dans l'emploi fonctionnel de responsable d'unité locale de police dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
le mémoire en défense produit par le ministre de l'intérieur doit être écarté ;
ses conclusions sont recevables dès lors qu'elle a soulevé en première instance des moyens de légalité interne susceptibles d'impliquer les mesures d'injonction également sollicitées ;
les moyens de légalité externe retenus par le tribunal la privent d'un jugement au fond ; les moyens tenant à l'absence de matérialité des griefs qui lui sont reprochés et à l'erreur manifeste d'appréciation sont fondés et justifient que soit ordonnée sa réintégration effective dans l'emploi fonctionnel de responsable d'unité locale de police ;
en tout état de cause, le tribunal a commis une erreur de droit en ordonnant seulement sa réintégration pour ordre et en ne lui faisant produire effet que pour la période du 1er janvier au 22 février 2016 alors qu'il retenait deux moyens de légalité externe emportant l'annulation totale de l'arrêté attaqué.
Par des mémoires, enregistrés le 9 janvier 2019 et le 18 février 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
les conclusions dirigées contre le jugement en tant qu'il annule l'arrêté du 12 janvier 2016 sont irrecevables ;
les moyens relatifs à l'injonction prononcée par le tribunal ne sont pas fondés.
Un mémoire présenté pour Mme C..., enregistré le 10 février 2019, n'a pas été communiqué en application des dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
le décret n° 2005-1622 du 22 décembre 2005 ;
le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
le rapport de Mme Tahiri,
les conclusions de M. Coutel, rapporteur public,
et les observations de Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., brigadier major de police, a été détachée, par arrêté du ministre de l'intérieur du 23 décembre 2014, sur un emploi fonctionnel de responsable d'unité locale de police en tant qu'adjointe au chef du centre d'information et de commandement de Toulon, fonctions qu'elle avait précédemment occupées par intérim à compter du 22 juillet 2013. Par arrêté du 12 janvier 2016, le ministre de l'intérieur a mis fin de manière anticipée à son détachement à compter du 1er janvier 2016. Mme C... fait appel du jugement du 27 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 12 janvier 2016 et a enjoint au ministre de l'intérieur de la réintégrer pour ordre dans l'emploi fonctionnel de responsable d'unité locale de police à compter du 1er janvier 2016 jusqu'au 22 février 2016, date de notification à l'intéressée de cet arrêté.
Sur la recevabilité des écritures du ministre de l'intérieur :
2. Lorsqu'il décide de verser au contradictoire après la clôture de l'instruction un mémoire qui a été produit par les parties avant ou après celle-ci, le président de la formation de jugement du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction. Il lui appartient dans tous les cas de clore l'instruction ainsi rouverte et, le cas échéant, de fixer une nouvelle date d'audience.
3. Le premier mémoire en défense produit par le ministre de l'intérieur après clôture de l'instruction a été communiqué à Mme C... le 9 janvier 2019, ce qui a eu pour effet de rouvrir l'instruction. Postérieurement, l'audience initialement prévue le 22 janvier 2019 a été reportée et une nouvelle date d'audience a été fixée. Dès lors, les conclusions de la requérante tendant à ce que soient écartées les écritures du ministre de l'intérieur ne peuvent qu'être rejetées.
Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :
4. Lorsque le juge de l'excès de pouvoir annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à justifier l'annulation, il lui revient, en principe, de choisir de fonder l'annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Mais, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d'annulation, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée.
5. Le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n'a pas fait droit à sa demande principale. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à la demande principale.
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a présenté devant le tribunal administratif de Toulon des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 janvier 2016 par lequel le ministre de l'intérieur a mis fin à son détachement dans l'emploi fonctionnel de responsable d'unité locale de police à compter du 1er janvier 2016 ainsi que des conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de la réintégrer effectivement dans cet emploi.
Le jugement rendu le 27 novembre 2017 par le tribunal administratif de Toulon a, d'une part, annulé cet arrêté en retenant des vices de légalité externe, tenant à un défaut de motivation et à un vice de procédure, en sus de l'illégalité tenant au caractère rétroactif de l'arrêté du 12 janvier 2016 et d'autre part, enjoint au ministre de l'intérieur de réintégrer Mme C... dans l'emploi fonctionnel de responsable d'unité locale de police uniquement pour ordre, à compter du 1er janvier 2016 jusqu'au 22 février 2016. Dès lors que le jugement n'a pas fait droit à la demande de réintégration effective présentée par Mme C... alors qu'elle invoquait en première instance des moyens de légalité interne susceptibles de justifier le prononcé de cette injonction, elle est recevable à en relever appel dans cette mesure.
Sur le bien-fondé du jugement en tant qu'il statue sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par Mme C... susceptibles de conduire à faire droit à sa demande d'injonction.
8. Aux termes de l'article 3 du décret du 22 décembre 2005 susvisé : " Tout major ou brigadier-chef détaché dans un emploi fonctionnel de responsable d'unité locale de police peut se voir retirer cet emploi dans l'intérêt du service par arrêté du ministre de l'intérieur. ". L'article 1er du même décret dispose que : " Les personnels nommés dans cet emploi exercent, sous le commandement d'officiers de police, des missions d'encadrement d'unités opérationnelles ou techniques les plaçant en relation directe avec l'autorité judiciaire ou avec des autorités locales investies de pouvoirs de police administrative. ".
9. Il ressort des pièces du dossier que la décision en litige n'est pas motivée et les mémoires produits par le ministre de l'intérieur pour la première fois en appel n'apportent aucune précision sur les éléments ayant conduit à ce qu'il soit mis un terme au détachement de Mme C... sur l'emploi fonctionnel de responsable d'unité locale de police en tant qu'adjointe au chef du centre d'information et de commandement de Toulon. Si le second mémoire produit par le ministre de l'intérieur comporte en pièce jointe un arrêté du 11 janvier 2017 mettant à nouveau un terme au détachement de Mme C... dans l'emploi fonctionnel de responsable d'unité locale de police à compter du 1er février 2017 et explicitant les griefs qui lui sont adressés, l'administration ne verse aucune pièce de nature à établir la matérialité des faits ayant conduit à la perte de confiance mentionnée dans cet arrêté alors que ceux-ci sont sérieusement contestés par l'intéressée. Par suite, Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté implicitement le moyen tiré de ce que la matérialité des faits reprochés n'était pas établie.
10. Il appartient au juge, lorsqu'il est saisi de conclusions tendant à ce que soit prescrite une mesure d'exécution dans un sens déterminé, de statuer sur ces conclusions en tenant compte de la situation de droit et de fait existants à la date de sa décision. Il résulte de l'instruction que la durée du détachement de Mme C... était fixée par l'arrêté du 23 décembre 2014 à 5 ans à compter du 1er janvier 2015, soit jusqu'au 1er janvier 2020. Toutefois, il résulte également de l'instruction que par arrêté du 3 juin 2016, pris pour l'exécution d'une précédente ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulon du 2 mai 2016 suspendant l'exécution de l'arrêté du 12 janvier 2016 mettant fin au détachement fonctionnel de Mme C..., l'intéressée a été réintégrée rétroactivement sur l'emploi fonctionnel de responsable d'unité locale de police à compter du 1er janvier 2016. Par un nouvel arrêté du 11 janvier 2017, il a été mis un terme à son détachement à compter du 1er février 2017.
Ce second arrêté constitue une circonstance nouvelle qui fait obstacle à ce qu'il soit enjoint à l'administration de procéder à la reconstitution de la carrière de Mme C... au-delà du 1er février 2017 et à sa réintégration effective ainsi qu'elle le demande. Par suite, eu égard au motif retenu au point 9 et aux circonstances existantes à la date de la présente décision, Mme C... n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal, par le jugement attaqué, a rejeté le surplus de ses conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais liés à l'instance d'appel :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente, une somme quelconque au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 20 mars 2019, où siégeaient :
M. Gonzales, président,
M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
Mme Tahiri, premier conseiller.
Lu en audience publique le 16 mai 2019.
N° 18MA00421 2