Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 septembre 2014, et des mémoires enregistrés les 7 novembre 2014 et 29 juin 2015, MmeA..., représentée par Me D...E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1208273 rendu le 9 juillet 2014 par le tribunal administratif de Marseille ;
2°) de condamner la commune de Vitrolles à lui verser la somme globale de 42 766,90 euros ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Vitrolles le paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête d'appel est recevable ;
- elle a fait l'objet d'un harcèlement moral qui a été à l'origine d'une dégradation de son état de santé ;
- elle a subi un préjudice moral ainsi que divers préjudices matériels.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2015, la commune de Vitrolles, représentée par Me H...B...F..., demande à la Cour :
- de rejeter la requête de MmeA... ;
- de mettre à la charge de Mme A...le paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors, d'une part, que Mme A...ne présente pas d'intérêt à demander l'annulation du jugement n° 1208409 et 1208454, puisqu'elle a obtenu satisfaction et, d'autre part, à supposer que la requérante soit regardée comme demandant l'annulation du jugement n° 1208273, qu'elle n'a pas produit ledit jugement ;
- les moyens de la requête sont infondés ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 95-25 du 10 janvier 1995 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vincent-Dominguez,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de MeG..., substituant Me B...F..., représentant la commune de Vitrolles.
1. Considérant que MmeA..., rédactrice-chef exerçant ses fonctions au sein de la commune de Vitrolles, a présenté à son administration, le 18 août 2012, une demande indemnitaire tendant à la réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait d'un harcèlement moral ; qu'un refus implicite lui a été opposé ; que Mme A...a saisi le tribunal administratif de Marseille d'un recours de plein contentieux tendant à la réparation desdits préjudices ; que, par un jugement rendu le 9 juillet 2014 sous le n° 1208273, dont Mme A...doit, en dépit d'une erreur matérielle dans les pièces jointes à sa requête d'appel, être regardée comme interjetant appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses prétentions indemnitaires ;
Sur les conclusions indemnitaires :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : "Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité de l'agent, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ;
4. Considérant, d'une part, qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
5. Considérant, d'autre part, que, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;
6. Considérant, en premier lieu, que Mme A...fait valoir qu'à la suite d'une réorganisation de son service au cours de l'année 2011, elle n'a plus eu aucune mission d'encadrement tandis que, précédemment, elle exerçait les fonctions de chef du service de la vie associative et avait sous sa responsabilité une dizaine d'agents ; qu'il résulte de l'instruction que le département animation et vie associative a été transformé en direction générale de l'animation et du territoire à compter de septembre 2011 et que, dans le cadre de cette nouvelle organisation, Mme A...ne s'est plus vu confier de missions d'encadrement, missions qui, si elles peuvent être confiées à des agents relevant du cadre d'emplois des rédacteurs territoriaux ne le sont pas de façon obligatoire ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, il résulte de sa nouvelle fiche de poste qu'elle n'a pas été cantonnée à des missions relevant de l'exercice des fonctions de catégorie C ; qu'en effet, elle a été chargée de mettre en oeuvre la fonction d'accompagnement et de qualification des responsables et bénévoles associatifs, du suivi et de la coordination des différents partenariats, de l'organisation de la fête annuelle de la vie associative, de la pratique du partenariat et de la négociation avec les associations, de la création et de la gestion d'un espace ressources en direction du monde associatif, de la mise en place de formations pour les responsables et bénévoles associatifs, de l'accompagnement du montage de projets, de l'organisation d'expositions et de la tenue des états relatifs à la gestion administrative des agents, missions qui ne relèvent nullement des fonctions d'agents de catégorie C ; que, par ailleurs, elle était responsable de la maison des associations ; que ces missions correspondaient à celles que son administration était susceptible de lui confier en application des dispositions de l'article 2 du décret n° 95-25 du 10 janvier 1995 portant statut particulier du cadre d'emplois des rédacteurs territoriaux alors applicable ; qu'il résulte, par ailleurs, de l'instruction que, bien que n'exerçant plus de fonctions d'encadrement, Mme A...a conservé la nouvelle bonification indiciaire attachée à l'exercice de telles fonctions ; que cette réorganisation globale du service, qui avait pour objectif d'améliorer la transversalité, n'est pas de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à l'égard de MmeA... ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que Mme A...fait valoir qu'alors qu'elle bénéficiait auparavant d'un aménagement de ses horaires de travail et faisait la journée continue, cette possibilité lui a été supprimée ; qu'il résulte néanmoins de l'instruction que, dans le cadre de la nouvelle organisation du service, il a été demandé à tous les agents de travailler de 8h30 à 12h et de 13h30 à 17h ; que ces nouveaux horaires étaient justifiés par l'intérêt du service et, notamment, par les heures d'ouverture des lieux au public ; qu'en tout état de cause, Mme A...ne fait valoir aucune circonstance personnelle ou professionnelle particulière qui aurait justifié que lui soit accordée une dérogation à ces horaires de travail ;
8. Considérant, en troisième lieu, que si Mme A...fait valoir que son adresse de messagerie électronique ne fonctionnait pas de chez elle au cours du mois d'août 2012, elle n'établit nullement que ses fonctions nécessitaient un accès à sa messagerie professionnelle depuis son domicile ;
9. Considérant, en quatrième lieu, que ni l'absence d'établissement d'un document visant à prévenir les risques psychosociaux ni l'absence, à la supposer établie, d'un médecin de prévention au sein de la commune intimée, ne sont de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à l'égard de la requérante ;
10. Considérant, en cinquième lieu, que si Mme A...reproche à sa chef de service de lui avoir demandé de suspendre la distribution du guide des associations édité en 2011 qui comportait quelques erreurs, il ressort des pièces du dossier que la suspension, qui, en tout état de cause n'aurait en rien excédé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, a été faite de sa propre initiative ;
11. Considérant, en sixième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'après les explications qu'elle a fournies quant au courrier du foyer des anciens qui n'aurait pas été traité en temps utile, des reproches infondés auraient été faits à la requérante ;
12. Considérant, en septième lieu, que si Mme A...fait valoir qu'elle n'a pas reçu le message d'invitation du maire au comité opérationnel du 14 novembre 2011 et soutient qu'on ne lui a plus confié aucune mission après le forum des associations, il est constant qu'elle était, à cette époque, en congé de maladie ;
13. Considérant, en huitième et dernier lieu, que si la demande de protection fonctionnelle présentée par Mme A...le 23 avril 2012 a été implicitement rejetée, ce refus était fondé dès lors qu'aucun harcèlement moral à son égard n'était caractérisé, les agissements dont se plaint l'intéressée, justifiés par une nouvelle organisation du service, n'ayant en rien excédé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par la commune intimée, que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions indemnitaires ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
16. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Vitrolles, qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à verser à Mme A...la somme réclamée sur ce fondement ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune intimée en application des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Vitrolles en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et à la commune de Vitrolles.
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N° 14MA03931 3