Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 janvier 2016, M.B..., représenté par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1504692 du 3 décembre 2015 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler la décision du 29 juillet 2015 du préfet de l'Aude ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aude, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention "salarié", à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement de la somme de 1 500 euros.
Il soutient que :
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il a été contraint de quitter son employeur et que la procédure pour licenciement abusif est pendante devant le conseil des prud'hommes ;
- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'au jour de la demande de renouvellement de son titre de séjour, il a signé un contrat à durée indéterminée avec la société par actions simplifiée " Roussillon Energie Group " ;
- la décision est entachée d'une erreur de fait s'agissant de l'absence de possession d'une carte de résident " Longue durée CE " renouvelée par les autorités espagnoles ;
- il devait, par suite, se voir délivrer un titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans que pût lui être opposée l'absence de visa long séjour ;
- sa situation personnelle et celle de ses enfants justifiaient la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2016, le préfet de l'Aude conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 avril 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Renouf en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a décidé de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Schaegis.
1. Considérant que M.B..., de nationalité marocaine, entré sur le territoire français en 2011 sous couvert d'une carte de résident délivré par les autorités espagnoles, a sollicité le 9 juillet 2015 le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " salarié ", valable du 21 juillet 2014 au 20 juillet 2015 ; que, par arrêté du 29 juillet 2015, après un refus de délivrance d'autorisation de travail émis par les services compétents le 17 juillet 2015, le préfet de l'Aude a rejeté sa demande et l'a invité à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article
R. 5221-36 du code du travail relatif au renouvellement des autorisations de travail :
" Le premier renouvellement peut également être refusé lorsque le contrat de travail a été rompu dans les douze mois suivant l'embauche, sauf en cas de privation involontaire d'emploi. " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...a bénéficié d'une autorisation de travail sur la base d'un contrat de travail établi avec la SARL Midi Ferronnerie le 1er septembre 2014 ; qu'il est constant qu'il a démissionné de cette entreprise le 9 décembre 2014 ; que s'il soutient que cette démission devrait être requalifiée en privation involontaire d'emploi, au motif qu'elle aurait été rendue nécessaire en raison de manquements de son employeur à la réglementation du travail, l'appelant ne produit pas d'élément de nature à confirmer ses allégations ; que les demandes formulées par M. B...lui-même dans le cadre d'une saisine du Conseil de Prud'hommes ne revêtent pas une force probatoire suffisante pour regarder la rupture du contrat de travail comme imputable à l'employeur ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient entaché leur jugement d'une erreur d'appréciation en lui imputant l'initiative de la rupture de son contrat de travail avec la SARL Midi Ferronnerie ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions précitées de l'article
R. 5221-36 du code du travail ne permettent pas de compenser la rupture du contrat de travail initial par le salarié, par la signature d'un nouveau contrat ; que, de même, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir qu'il satisfaisait aux exigences de l'article R. 5221-32 du même code, qui énumère les pièces requises pour une demande de renouvellement d'autorisation de travail, dans la mesure où la seule rupture de son contrat initial à son initiative était suffisante pour fonder un refus, aux termes de l'article R. 5221-36 précité ; que, dès lors, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait commis une erreur de fait et une erreur de droit en refusant de prendre en compte l'existence de son contrat de travail avec la société Aude Constructions Métalliques ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour "compétences et talents" sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 313-4-1 du même code, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté en litige : " L'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée-CE définie par les dispositions communautaires applicables en cette matière et accordée dans un autre Etat membre de l'Union européenne qui justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille ainsi que d'une assurance maladie obtient, sous réserve qu'il en fasse la demande dans les trois mois qui suivent son entrée en France et sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée : (...) 5° Une carte de séjour temporaire portant la mention de l'activité professionnelle pour laquelle il a obtenu l'autorisation préalable requise, dans les conditions définies, selon le cas, aux 1°, 2° ou 3° de l'article L. 313-10. " ; qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient M.B..., sa carte de résident espagnole avait expiré le 17 mai 2015 et n'avait pas été prorogée ; qu'il en résulte qu'en relevant qu'à la date de la décision attaquée, le 29 juillet 2015, le demandeur ne détenait pas une carte de résident longue-durée-CE, le tribunal administratif n'a pas entaché sa décision d'erreur de fait ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 36 ans ; qu'il n'apporte aucun élément relatif à d'éventuelles attaches familiales en France, hormis la maîtrise de la langue, qu'il ne démontre pas au demeurant et qui ne saurait faire obstacle, en tout état de cause, à son éloignement ; que la présence de ses deux enfants en France ne saurait davantage être invoquée, compte tenu de leur jeune âge, qui ne fait pas obstacle à une réinstallation de la famille au Maroc ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la décision contestée, qui mentionne sa situation au regard de ces stipulations, n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2017, où siégeaient :
- M. Renouf, président,
- Mme Schaegis, première conseillère,
- M. Argoud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 mars 2017.
N° 16MA00015 2