Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 6 juillet 2018, les 3 et 10 juillet 2019 ainsi que les 4 juin et 3 juillet 2020, la commune de Saint-Côme-et-Maruéjols, représentée par la SCP Margall-D'albenas puis par la SCP Gualbert Reche Banuls, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 9 mai 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Nîmes ;
3°) de mettre à la charge de M. F... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le bâtiment en cause n'a pas d'intérêt architectural et patrimonial ;
- en tout état de cause, le projet ne respecte les principales caractéristiques du bâtiment d'origine et il n'en reste pas les murs porteurs ;
- le maire était tenu d'opposer un refus à la demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 septembre 2018, 13 décembre 2019 et 7 août 2020, M. F..., représenté par la SCP CGCB et associés, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au maire de lui délivrer le permis de construire sollicité et, à défaut, de procéder à une nouvelle instruction de sa demande et à la mise à la charge de la commune de Saint-Côme-et-Maruéjols, dans le dernier état de ses écritures, d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- les moyens soulevés par la commune de Saint-Côme-et-Maruéjols ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, les autres moyens qu'il a développés en première instance sont fondés.
Par lettre du 16 janvier 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et indiquant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Une ordonnance portant clôture immédiate de l'instruction a été émise le 30 novembre 2020.
Un mémoire présenté pour la commune de Saint-Côme-et-Maruéjols a été enregistré le 2 décembre 2020, postérieurement à la clôture d'instruction et n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant M. F....
Une note en délibéré présentée par M. F... a été enregistrée le 21 janvier 2021.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 11 avril 2016, le maire de Saint-Côme-et-Maruéjols a refusé à M. et Mme F... un permis de construire en vue de la restauration du Mas dit " de Foulc ", situé sur un terrain en zone A au plan local d'urbanisme. Par un jugement du 9 mai 2018, dont la commune de Saint-Côme-et-Maruéjols fait appel, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté, enjoint à son maire de procéder à une nouvelle instruction de la demande de permis de construire de M. F... dans un délai de deux mois et a mis à la charge de la commune une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. F... conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit enjoint à titre principal audit maire de lui délivrer le permis de construire sollicité.
Sur la légalité de l'arrêté du 11 avril 2016 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-23 du code de l'urbanisme, anciennement article L. 111-3 de ce code : " La restauration d'un bâtiment dont il reste l'essentiel des murs porteurs peut être autorisée, sauf dispositions contraires des documents d'urbanisme et sous réserve des dispositions de l'article L. 111-11, lorsque son intérêt architectural ou patrimonial en justifie le maintien et sous réserve de respecter les principales caractéristiques de ce bâtiment. ". L'article A1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Côme-et-Maruéjols prévoit que : " Dans le secteur A1, seuls sont autorisés sous conditions hors secteur soumis à risque d'inondation : (...) La restauration des ruines, pour les bâtiments en ruine de plus de 50 m² possédant l'essentiel de leurs murs, les murs porteurs [sic] et possédant un intérêt architectural ou patrimonial spécifique recensés sur la commune (cf. liste des éléments remarquables et document graphique). La reconstruction de ces bâtiments prévue au deuxième alinéa de l'article L 111-3 du Code de l'Urbanisme est donc autorisée ".
3. Pour s'opposer à la demande de M. et Mme F... tendant à l'obtention d'un permis de construire afin de réhabiliter le Mas de Foulc, le maire de Saint-Côme-et-Maruéjols a estimé que la restauration dudit bâtiment n'est pas admise par l'article A 1 précité dès lors que ni les documents graphiques du plan local d'urbanisme (planche graphique - plan général de la commune) ni la liste de repérage des sites archéologiques annexée au plan local d'urbanisme ne recensent le bâtiment, objet de la demande, en tant qu'élément possédant un intérêt architectural ou patrimonial spécifique.
4. Toutefois, il ressort de l'étude établie en juin 2017 par Mme B..., architecte du patrimoine, que le Mas de Foulc figurait, en 1837, au moment de la confection du cadastre dit napoléonien sur les planches graphiques et, en se fondant sur un relevé des lieux dressé en 2012 ainsi que sur des clichés anciens, elle a relevé que cette construction du XVIIème siècle est caractéristique des techniques constructives de cette époque, dont les génoises et les pièces métalliques qui fixaient les planchers sont l'expression des savoir-faire locaux. Par ailleurs, elle a indiqué que ce mas comporte trois refends dont l'un comprend une remarquable arcature composée de trois arcs de trois mètres de portée, dont les retombées sont soulignées par une imposte périphérique de grand intérêt architectural et que cette construction de pierres de calcaire ocre s'inscrit parfaitement dans le paysage rural de la Vaunage alors que, de plus, une allée de platanes centenaires en marque toujours l'ancienne entrée. L'intérêt architectural et patrimonial du Mas de Foulc est corroboré, d'une part, par son indentification à ce titre par l'association " Les ami(e)s du Moulin de Saint-Côme-et-Maruéjols " qui a pour but sur la commune de " sauvegarder le patrimoine culturel et environnemental (bâti et naturel), préserver et réhabiliter ses vestiges (dont le moulin qui en est l'emblème), en favoriser la connaissance " et, d'autre part, par diverses photographies produites au dossier. D'ailleurs, le maire avait fait part à son propriétaire, par courrier du 10 juillet 2008, de l'accord de la municipalité en vue de l'inscription de leur propriété au titre des éléments remarquables de la commune. Ces éléments ne sont utilement combattus ni par le rapport d'expertise établi à la demande de la commune le 21 mai 2019 par M. D..., architecte, ni par son rapport complémentaire du 17 avril 2020 intitulé " Rapport d'expertise Réponse aux dires de M. F... " qui se bornent à affirmer sans le démontrer que le mas ne possède aucun intérêt architectural ou patrimonial et à analyser la vocation des lieux, l'état de ruine du bâtiment et la légalité du projet de M. F... au regard de la réglementation de la zone. Dans ces conditions, et ainsi que le soutient M. F..., les auteurs du plan local d'urbanisme de Saint-Côme-et-Maruéjols ont commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de classer le Mas de Foulc parmi les bâtiments de la commune présentant un intérêt architectural ou patrimonial. Il est ainsi fondé à exciper de l'illégalité de ce plan pour établir l'illégalité du refus qui lui a été opposé.
5. En second lieu, l'administration peut faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
6. Tout d'abord, il ressort des pièces du dossier que le bâtiment existant a conservé ses quatre murs ayant pour fonction d'être porteurs du bâtiment d'origine. La circonstance que ces murs ne puissent, en l'état, remplir une fonction d'appui et que l'absence de fondations profondes en terrain argileux et de chaînage périphérique sur ce type de bâtiment ne permet pas d'envisager la moindre construction utilisant les murs actuels comme structure n'est pas de nature à exclure le projet de M. F... du champ d'application de l'article L. 111-23 du code de l'urbanisme. Dans ces conditions, cette première demande de substitution de motifs de la commune de Saint-Côme-et-Maruéjols doit être écartée.
7. Cependant, si l'affectation du bâtiment, anciennement local agricole en rez-de-chaussée et habitat sommaire à l'étage, qui va devenir une résidence principale, n'est pas au nombre des principales caractéristiques d'un bâtiment au sens et pour l'application de l'article L. 111-23 du code de l'urbanisme, il ressort des pièces du dossier que les travaux envisagés ne conduiront pas à la réhabilitation du bâtiment dans le respect de ses caractéristiques principales d'origine. En effet, il ressort du dossier de demande de permis que le projet va, notamment, conduire à supprimer la cour centrale dont bénéficie le bâtiment d'origine, desservie par une entrée surmontée d'une voute et autour de laquelle s'organisaient les différentes pièces ainsi que ladite voute et à annexer cet espace pour créer une superficie habitable supplémentaire conduisant au total de 280 m² en lieu et place des 209,7 m² existant. Par suite, ce motif est de nature à fonder légalement l'arrêté en litige.
8. En outre, aux termes de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme auquel renvoie l'article L. 11-23 du même code : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. (...) ". Ces dispositions poursuivent notamment le but d'intérêt général d'éviter à la collectivité publique ou au concessionnaire d'être contraints, par le seul effet d'une initiative privée, de réaliser des travaux d'extension ou de renforcement des réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou d'électricité et de garantir leur cohérence et leur bon fonctionnement, en prenant en compte les perspectives d'urbanisation et de développement de la collectivité. Il en résulte qu'un permis de construire doit être refusé lorsque, d'une part, des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et, d'autre part, l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation.
9. Il ressort des pièces du dossier que ERDF a indiqué le 7 mars 2016 que le projet de M. F... nécessitait une extension du réseau public d'électricité de 480 m sur le domaine public et que le maire a précisé le 6 avril 2016 qu'il n'entendait pas assumer le coût de tels travaux. ENEDIS a, pour sa part, fait état le 17 février 2020 de la nécessité d'un raccordement de 270 m. A... le pétitionnaire indique qu'il bénéficie d'une servitude de réseau d'électricité sur deux parcelles voisines dont la fin se situe à 60 m du réseau public d'électricité et que, par suite, son projet ne nécessite qu'un raccordement, il ne produit aucun acte faisant état de cette servitude. Dans ces conditions, le motif tiré de la méconnaissance des dispositions précitées est également de nature à fonder légalement l'arrêté en litige.
10. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les parties tant devant le tribunal administratif de Nîmes que devant la Cour.
11. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 111-23 du code de l'urbanisme que le droit de procéder à la restauration d'un bâtiment dont il reste l'essentiel des murs porteurs n'a pas un caractère absolu, le plan local d'urbanisme pouvant y faire échec par des dispositions particulières relatives à la reconstruction. Il suit de là que les auteurs du plan local d'urbanisme disposent d'un pouvoir d'appréciation dans la mise en oeuvre de ce droit à la reconstruction. Par suite, les auteurs de celui de la commune de Saint-Côme-et-Maruéjols ont légalement pu imposer que les bâtiments dont la restauration est autorisée soient répertoriés sur la liste des éléments remarquables et identifiés sur les documents graphiques du plan, contrairement à ce que soutient M. F.... Il y a lieu, dès lors, d'écarter le moyen tiré de l'exception d'illégalité du plan local d'urbanisme de la commune.
12. En deuxième lieu, en se fondant sur la circonstance que le Mas de Foulc ne figurait pas sur les documents graphiques du plan local d'urbanisme répertoriant les éléments remarquables du paysage dont la liste est annexée au plan, le maire de Saint Côme-et-Maruéjols n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence.
13. En dernier lieu, la circonstance que le conseil municipal de Saint-Côme-et-Maruéjols ait décidé lors de sa séance du 20 mars 2013 de demander à l'ancien propriétaire du Mas de Foulc de donner à la commune un terrain situé quartier de la Condamine et de lui vendre au prix du terrain agricole " un bout de parcelle " pour la création d'un chemin en échange d'un examen de sa demande afin que le Mas de Foulc soit inscrit au titre des bâtiments agricoles qui, en raison de leur intérêt architectural ou patrimonial, peuvent faire l'objet d'un changement de destination n'est pas de nature à établir que l'arrêté en litige est entaché d'un détournement de pouvoir. En tout état de cause, dès lors que le refus de permis de construire en litige est fondé légalement ainsi qu'il a été vu aux points 6 et 8, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté.
14. Il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-Côme-et-Maruéjols est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du 11 avril 2016. Il y a lieu, par suite, d'en prononcer l'annulation et de rejeter, par voie de conséquence, la demande présentée par M. F... devant ledit tribunal.
Sur l'injonction sollicitée par M. F... :
15. Le présent arrêt qui annule le jugement du 9 mai 2018 et rejette la demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Nîmes n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions susvisées.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Saint-Côme-et-Maruéjols, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à M. F... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du pétitionnaire une quelconque somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 9 mai 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Nîmes est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Côme-et-Maruéjols et à M. G... F....
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2021, où siégeaient :
- M. Chazan, président,
- Mme E..., président assesseur,
- Mme H..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2021.
N° 18MA03170 3