Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 août 2018, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 10 janvier 2018 du magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2017 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant mention "vie privée et familiale" sous astreinte de 100 euros par jour de retard dès la notification du présent arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 la somme de 1 500 euros, qui sera versée à Me B... en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen sérieux et individualisé par le préfet ;
- l'administration aurait dû le mettre à même de présenter ses observations avant l'édiction de la décision en litige ;
- la décision en litige n'est pas motivée en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- il ne peut pas légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en application du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision en litige est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
Sur le pays de destination :
- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet s'est cru à tort lié par la décision de la Cour nationale du droit d'asile.
Par un mémoire enregistré le 20 mars 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés en se référant à ses écritures en défense de première instance.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 20 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité gambienne, déclare être entré en France le 30 mai 2015. Il a déposé le 30 juillet 2015 une demande d'asile à la préfecture de l'Hérault. L'office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande par décision du 8 décembre 2015, confirmée le 19 septembre 2017 par la Cour nationale du droit d'asile. Par l'arrêté en litige du 24 octobre 2017, le préfet lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Le requérant relève appel du jugement du 10 janvier 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 octobre 2017.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, le requérant se borne à réitérer en appel le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées sans apporter devant la Cour d'élément de fait ou de droit nouveau. Il y a donc lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif dans le point 6 du jugement attaqué.
3. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Le requérant n'établit pas ni même n'allègue avoir demandé à faire valoir ses observations orales avant l'édiction de la mesure d'éloignement en litige. En se bornant à soutenir que le préfet aurait dû le mettre en mesure de présenter ses observations avant l'édiction de la mesure d'éloignement en litige eu égard au délai qui s'est écoulé entre la demande d'asile du requérant le 30 juillet 2015 et la décision en litige du 24 octobre 2017 et à l'évolution de son état de santé pendant ce laps de temps, le requérant n'établit pas que le préfet, qui a procédé à un examen sérieux de sa situation, aurait méconnu son droit d'être entendu avant l'édiction de la décision en litige.
4. En troisième lieu, le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ". M. A... n'établit pas, par les pièces médicales qu'il produit, que les troubles dont il se dit atteint pourraient avoir, en cas d'absence de prise en charge médicale, des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le préfet n'a pas méconnu le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prenant à l'encontre du requérant la mesure d'éloignement en litige.
5. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A..., entré en France en 2015 selon ses dires, est célibataire sans charge de famille. Il ne fait valoir aucune intégration socio-professionnelle en France. Il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu selon ses propres déclarations jusqu'à l'âge de 41 ans. Dans ces conditions, le préfet n'a pas entaché la mesure d'éloignement litigieuse d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa vie personnelle.
En ce qui concerne le pays de destination :
6. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Ces dispositions font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.
7. M. A..., dont la demande d'asile a été d'ailleurs rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, se borne à soutenir qu'il encourt des risques en cas de retour en Gambie au motif qu'il appartiendrait à une association de défense des homosexuels dans ce pays et qu'il vivrait pour cette raison sous la menace d'une arrestation arbitraire par la police ou les militaires. Le requérant se contente de produire à l'instance des rapports et des articles de journaux sur la situation générale de la Gambie en ce qui concerne les homosexuels, qui ne permettent pas d'établir l'existence d'un risque actuel et personnel de M. A... d'être exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, en désignant la Gambie ou tout autre pays pour lequel le requérant établit être légalement admissible comme pays de destination de la mesure d'éloignement, le préfet de l'Hérault, qui ne s'est pas cru à tort lié par la décision de la Cour nationale du droit d'asile, n'a ainsi méconnu, ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et à Me E... B....
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 27 octobre 2020, où siégeaient :
- M. Chazan, président de chambre,
- Mme Simon, président assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 10 novembre 2020.
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N° 18MA03757