Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 septembre 2021, Mme B..., représentée par Me Vincensini, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 31 mai 2021 ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer une carte de résident en qualité d'ascendante à charge d'une ressortissante française ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer la carte de résident prévue à l'article L. 423-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à venir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- le tribunal n'a pas répondu au moyen lié à l'application de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur ;
- la décision litigieuse méconnaît les dispositions alors en vigueur du 2° de l'article L. 314-11 du même code.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 juillet 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Par une décision du 24 août 2021, la présidente de la cour a désigné M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Mouret a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante ukrainienne née en 1957, est entrée en France sous couvert d'un visa valable du 18 juin 2018 au 18 juin 2019 et portant la mention " visiteur ". A la suite du dépôt, au cours du mois d'avril 2019, de sa demande de carte de résident en qualité d'ascendante à charge de sa fille de nationalité française, elle s'est vu délivrer, le 2 octobre 2019, une carte de séjour temporaire portant la mention " visiteur ". Mme B... relève appel du jugement du 31 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite, révélée par la délivrance de cette carte de séjour temporaire, par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer la carte de résident sollicitée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de la décision implicite en litige : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) / 2° A l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française (...) ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge, sous réserve qu'ils produisent un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois (...) ". L'article R. 314-2 du même code, alors en vigueur, dispose que : " Pour l'application des dispositions des articles L. 314-11 et L. 314-12, l'étranger présente à l'appui de sa demande : (...) / 2° (...) si l'étranger sollicite la délivrance d'une carte de résident en application du 2° de l'article L. 314-11, un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois autre que celui mentionné au 3° de l'article R. 311-3 (...) ". Selon l'article R. 311-3 de ce code, dans sa rédaction alors applicable : " Sont dispensés de souscrire une demande de carte de séjour : (...) / 3° Les étrangers séjournant en France sous couvert d'un visa d'une durée supérieure à trois mois et inférieure ou égale à douze mois comportant la mention " dispense temporaire de carte de séjour ", pendant la durée de validité de ce visa ; (...) / 5° Les étrangers mentionnés à l'article L. 313-6 séjournant en France sous couvert d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois et au plus égale à un an et portant la mention " visiteur ", pendant la durée de validité de ce visa (...) ".
3. D'une part, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il ne résulte ni des dispositions citées au point précédent, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire, que la délivrance de la carte de résident mentionnée au 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile serait subordonnée à la production, par l'étranger, d'un visa de long séjour en qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant français. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui est entrée régulièrement en France le 22 juin 2018, a présenté, à l'appui de sa demande de carte de résident en qualité d'ascendante à charge de sa fille de nationalité française, le visa de long séjour portant la mention " visiteur " en cours de validité qui lui avait été délivré sur le fondement du 5° de l'article R. 311-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'intéressée disposait ainsi d'un " visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois autre que celui mentionné au 3° de l'article R. 311-3 " conformément aux exigences des dispositions citées ci-dessus du 2° de l'article R. 314-2 du même code, et elle résidait régulièrement en France à la date de la décision litigieuse.
4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que Mme B... dispose de ressources très modestes, constituées pour l'essentiel d'une pension de retraite perçue en Ukraine dont le montant est équivalent à une somme inférieure à 60 euros. Il ressort en outre des pièces du dossier que sa fille de nationalité française, qui exerce la profession d'" analyste risques " au sein d'un établissement bancaire en vertu d'un contrat à durée indéterminée conclu en 2009, a procédé, à plusieurs reprises à compter de l'année 2010, à des transferts d'argent d'un montant important lorsque l'intéressée résidait en Ukraine. Dans ces conditions, et ainsi que l'a d'ailleurs relevé le préfet des Bouches-du-Rhône dans ses écritures de première instance, Mme B... justifie être à la charge de sa fille de nationalité française qui l'héberge depuis son entrée sur le territoire français.
5. Eu égard à ce qui a été dit aux deux points précédents, en refusant de délivrer la carte de résident sollicitée par Mme B..., le préfet des Bouches-du-Rhône a fait une inexacte application des dispositions alors en vigueur du 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué et les autres moyens invoqués, Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer une carte de résident en qualité d'ascendante à charge d'une ressortissante française.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
7. Eu égard au motif d'annulation retenu, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle et résultant de l'instruction, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'une carte de résident soit délivrée à Mme B... en sa qualité d'ascendante à charge d'une ressortissante française. Il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à l'intéressée cette carte de résident, aujourd'hui mentionnée à l'article L. 423-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
8. Mme B... ayant été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Vincensini, avocate de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cette avocate de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 31 mai 2021 est annulé.
Article 2 : La décision implicite par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de délivrer une carte de résident à Mme B... en qualité d'ascendante à charge d'une ressortissante française est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à Mme B... une carte de résident en qualité d'ascendante à charge d'une ressortissante française dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Vincensini la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Vincensini.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.
Délibéré après l'audience du 1er mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Carassic, première conseillère,
- M. Mouret, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2022.
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N° 21MA03952