Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 31 janvier 2019 et par un mémoire complémentaire enregistré le 6 décembre 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 octobre 2018 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 avril 2018 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant mention " vie privée et familiale " dès la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 la somme de 2 000 euros, qui sera versée à Me C... en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour dès lors qu'il établit résider habituellement en France depuis plus de dix ans ;
- l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ne permet pas de connaître l'identité et la qualité du rédacteur du rapport médical prévu par l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et donc de contrôler la régularité de la composition de ce collège ;
- ce refus méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ce refus méconnaît aussi l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;
- il méconnaît aussi l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- il ne peut pas légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en application du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision d'éloignement méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 14 décembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité marocaine, a demandé le 7 novembre 2017 au préfet de l'Hérault un titre de séjour en qualité d' " étranger malade ". Par l'arrêté du 13 avril 2018 en litige, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer ce titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Par le jugement dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...). ". L'article R. 313-22 du même code dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ". L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 précédemment visé dispose que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ". Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
3. Il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que contrairement à ce que soutient le requérant, l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ou l'arrêté préfectoral refusant le séjour au titre de ces mêmes dispositions devrait porter mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins de l'Office.
4. Il résulte également de la combinaison des dispositions citées au point 2 que la régularité de la procédure implique, pour respecter les prescriptions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les documents soumis à l'appréciation du préfet comportent l'avis du collège de médecins et soient établis de manière telle que, lorsqu'il statue sur la demande de titre de séjour, le préfet puisse vérifier que l'avis au regard duquel il se prononce a bien été rendu par un collège de médecins tel que prévu par l'article L. 311-11. L'avis doit, en conséquence, permettre l'identification des médecins dont il émane. L'identification des auteurs de cet avis constitue ainsi une garantie dont la méconnaissance est susceptible d'entacher l'ensemble de la procédure. Il en résulte également que, préalablement à l'avis rendu par ce collège de médecins, un rapport médical, relatif à l'état de santé de l'intéressé et établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, doit lui être transmis et que le médecin ayant établi ce rapport médical ne doit pas siéger au sein du collège de médecins qui rend l'avis transmis au préfet. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport au vu duquel le collège de médecins a émis son avis et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins.
5. D'abord, il ressort des pièces du dossier qu'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), composé du docteur Benazouz, du docteur Tran et du docteur Candillier, a été émis le 15 mars 2018 et a été transmis au préfet de l'Hérault dans le cadre de l'instruction de la demande de M. B... de délivrance d'un titre de séjour en qualité d' " étranger malade ". Le préfet établit par l'attestation d'août 2018 du docteur Candillier, médecin coordonnateur de la zone sud-ouest, contresigné par le directeur de la direction territoriale de l'OFII de Toulouse, que le rapport médical établi dans le cadre de l'instruction de la demande de titre de séjour de M. B... a été établi par le docteur Gadenne, médecin au service médical de la direction territoriale de l'OFII à Montpellier, qui n'a pas siégé au sein du collège de l'OFII. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la composition de ce collège de médecins aurait été irrégulière pour ce motif et que la décision en litige aurait ainsi été prise au terme d'une procédure irrégulière.
6. Ensuite, cet avis du 15 mars 2018 du collège des médecins précise que l'état de santé du demandeur nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, l'état de santé de l'intéressé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. La seule production par le requérant d'un certificat médical daté du 19 juillet 2017 du docteur Boureghda, psychiatre, qui fait état de troubles psychiatriques et qui indique que l'état de santé du requérant exige " des séances de psychothérapie et de guidance thérapeutique rapprochée " et que " tout retour dans son pays d'origine pourrait aggraver sa situation actuelle " en raison de la présence en France de sa famille, ainsi que celui du même psychiatre du 24 juillet 2018 indiquant que le requérant " est toujours suivi en psychiatrie " " pour une psychose chronique " n'est pas de nature à remettre utilement en cause l'appréciation de l'avis collégial des trois médecins. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il remplirait les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En deuxième lieu, il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation d'un étranger qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault, qui a estimé, au regard de l'avis du collège de l'OFII, que l'état de santé du requérant ne constituait pas un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aurait méconnu, ce faisant, l'étendue de son pouvoir de régularisation.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Il appartient au préfet, saisi d'une demande de titre de séjour par un étranger en vue de régulariser sa situation, de vérifier que la décision de refus qu'il envisage de prendre ne comporte pas de conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l'intéressé et n'est pas ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
9. Si M. B... soutient vivre habituellement en France depuis 2004, les pièces qu'il produit, pour nombreuses qu'elles soient, composées majoritairement de pièces médicales, si elles peuvent attester d'une présence ponctuelle en France, sont insuffisantes pour établir cette résidence habituelle depuis cette date. Le requérant est célibataire sans charge de famille. S'il invoque le séjour régulier en France de plusieurs de ses frères et soeurs, il n'est nécessairement pas dépourvu d'attaches au Maroc où il a vécu selon ses propres dires jusqu'à l'âge de quarante-cinq ans. Il n'invoque aucune intégration socio-professionnelle en France. Dans ces conditions, le requérant n'établit pas avoir fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Par suite, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, le refus litigieux du préfet de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché la décision en litige d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
10. En quatrième lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 313-14 de ce code : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ". Ainsi qu'il a été dit au point 9, M. B... ne justifie pas par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Hérault était tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
11. Le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ". Ainsi qu'il a été dit au point 6 de cet arrêt, M. B... n'établit pas, par les pièces médicales qu'il produit, que les troubles dont il se dit atteint pourraient avoir, en cas d'absence de prise en charge médicale, des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le préfet n'a pas méconnu le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prenant à l'encontre du requérant la mesure d'éloignement en litige.
12. En l'absence d'argumentation spécifique invoquée par M. B... à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance par le préfet des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle en prenant la mesure d'éloignement en litige par les mêmes motifs que ceux exposés au point 9 lors de l'examen de la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour.
13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., au ministre de l'intérieur et à Me C....
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 6 janvier 2021, où siégeaient :
- M. Chazan, président de chambre,
- Mme A..., présidente assesseure,
- Mme D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2021.
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N° 19MA00486