Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2021, régularisée le 22 février 2021, Mme B..., représentée par Me Marini, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 décembre 2020 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté ses demandes aux fins d'annulation et de réintégration ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2019 par lequel le maire de la commune de Thézan-les-Béziers a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle en cours de stage et a prononcé sa radiation des cadres à compter de la notification de cette décision, et d'annuler les décisions des 8 mars, 25 mars et 18 juin 2018 de rappel à l'ordre valant prises de sanctions à son encontre ;
3°) d'enjoindre à la commune de Thézan-les-Béziers de procéder à sa réintégration dans ses fonctions dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Thézan-les-Béziers la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour la procédure de première instance et 2 000 euros au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens.
Elle soutient que :
- l'arrêté du 30 janvier 2019 est insuffisamment motivé en méconnaissance des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, faute pour la commune d'indiquer les dates et lieux où les agissements fautifs se seraient produits ;
- les griefs reprochés à Mme B... sont entachés d'erreurs de fait ; elle a suspendu ses tâches de nettoyage de la salle festive car celle-ci n'était pas chauffée et elle a effectivement vidé les poubelles ; la commune ne précise pas quel matériel elle n'aurait pas rangé ;
- on ne peut pas lui reprocher d'avoir oublié d'actionner l'alarme dans la salle festive car c'est son supérieur hiérarchique qui lui a demandé de ne pas l'actionner ;
- il ne peut lui être reproché la détérioration de l'auto-laveuse car elle n'était pas l'unique utilisatrice de ce matériel et c'est son supérieur hiérarchique qui lui a demandé de téléphoner au responsable de l'auto-laveuse, et elle n'a donc pas pris d'initiatives personnelles ;
- la commune ne précise pas quelles tâches n'auraient pas été effectuées ;
- la commune ne démontre pas son insuffisance professionnelle ;
- la décision de licenciement pour insuffisance professionnelle est entachée de détournement de procédure car la commune a entendu la sanctionner ;
- son état anxio-dépressif était la conséquence du harcèlement moral dont elle a fait l'objet.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 octobre 2021, la commune de Thézan-les-Béziers, représentée par la SCP d'avocats Vinsonneau-Paliès Noy Gauer et Associés, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la requérante de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les courriers des 8 mars, 25 mars et 22 juin 2018 ne constituent pas des décisions faisant grief et, dès lors, les conclusions tendant à leur annulation sont irrecevables ;
- en tout état de cause, la demande de première instance a été formée plus d'un an après la réception de ces courriers et était donc tardive ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme B... été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 avril 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 ;
- le décret n° 2006-1691 du 22 décembre 2006 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné par décision du 24 août 2021, M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Portail,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me Constans, représentant la commune de Thézan-les-Béziers.
Considérant ce qui suit :
1.Mme B... a été nommée adjointe technique territoriale stagiaire par le maire de la commune de Thézan-les-Béziers à compter du 1er décembre 2017. Ce stage a été prolongé pour tenir compte de ses arrêts maladie. Par un arrêté du 30 janvier 2019, le maire de la commune a prononcé son licenciement en cours de stage pour insuffisance professionnelle à effet de la notification de cet arrêté. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler cet arrêté et les lettres des 8 mars, 25 mars et 18 juin 2018 par lesquelles le maire de la commune l'a rappelée à l'ordre, de condamner la commun de Thézan-les-Béziers à l'indemniser du préjudice résultant de ce licenciement et à lui verser des sommes qu'elle estime lui être dues, et d'enjoindre à la commune de la réintégrer dans ses fonctions. Par un jugement du 22 décembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes. Mme B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction.
Sur les conclusions dirigées contre les lettres des 8 mars, 25 mars et 18 juin 2018 du maire de la commune de Thézan-les-Béziers :
2. Il ressort des pièces du dossier que ces lettres, qui se bornent à reprocher à Mme B... son comportement professionnel et à lui demander de le modifier, ne constituent pas des sanctions, mais uniquement des rappels à l'ordre sur sa manière de servir. Elles ne constituent pas des actes susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. C'est à bon droit que le tribunal a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de ces décisions en raison de leur irrecevabilité.
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 30 janvier 2019 :
3. En premier lieu, la décision qui prononce le licenciement d'un agent territorial stagiaire en cours de stage est au nombre de celles qui, selon les termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration " retirent ou abrogent une décision créatrice de droits " et qui doivent, en application de ces dispositions, être motivées.
4. D'une part, l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit sur lesquelles le maire de la commune a entendu prendre sa décision. D'autre part, il précise que sur une courte période, Mme B... a fait preuve d'insuffisance professionnelle dans sa manière de servir et son comportement professionnel, par son refus d'entretien de la salle des fêtes communale au motif qu'il y faisait froid, par le fait de ne pas avoir rangé son matériel dans le local approprié, d'avoir oublié de mettre l'alarme en service, d'avoir détérioré du matériel de nettoyage et pris des initiatives auprès du fournisseur sans en informer le responsable des services techniques, et de ne pas avoir effectué des tâches et fait un geste d'énervement. Alors même que l'arrêté ne précise pas les dates et lieux où se sont produits ces faits, qu'au demeurant la requérante ne pouvait ignorer eu égard aux lettres de rappel à l'ordre qui lui ont été adressées, il est ainsi motivé en fait. Le moyen tiré du défaut de motivation doit donc être écarté.
5. En deuxième lieu, il ressort de la lettre adressée le 8 mars 2018 par le maire de la commune de Thézan-les-Béziers à Mme B... qu'elle a refusé le lundi 26 février 2018 de nettoyer la salle des fêtes au motif qu'en l'absence de chauffage, la température y était de 17°. Si Mme B... souligne que la commune ne précise pas quel matériel elle n'aurait pas rangé, elle n'a pas contesté ce grief quand elle a répondu par une lettre du 16 mars 2018 au rappel à l'ordre du maire du 8 mars 2018. Si elle soutient qu'il ne peut lui être reproché d'avoir oublié d'actionner l'alarme dans la salle festive car elle aurait agi sur ordre de son supérieur hiérarchique, elle ne produit aucune attestation en ce sens. Si elle soutient qu'il ne peut lui être reproché la détérioration de l'auto-laveuse car elle n'était pas l'unique utilisatrice de ce matériel et que c'est son supérieur hiérarchique qui lui a demandé de téléphoner au fournisseur de ce matériel, la commune produit une attestation du technicien qui indique que Mme B... l'a contacté directement pour demander la réparation d'une pièce qu'elle a cassée suite à une mauvaise manipulation. Et la requérante ne produit aucun élément de nature à établir qu'elle ne serait pas la seule utilisatrice de ce matériel. Enfin, si elle soutient que la commune ne préciserait pas quelles tâches n'auraient pas été effectuées, le maire de la commune lui a indiqué par une lettre du 22 juin 2018 qu'une responsable communale a constaté le 21 juin 2018 que les gradins de la salle des fêtes n'avaient pas été nettoyés alors que la dernière réservation de la salle remontait au 9 juin précédent, et que l'intéressée s'est emportée quand sa responsable le lui a fait remarquer. La requérante n'est pas dès lors fondée à soutenir que l'arrêté attaqué serait fondé sur des faits matériellement inexacts.
6. En troisième lieu, le licenciement pour inaptitude professionnelle d'un agent public en cours de stage ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé ou correspondant à son grade et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions.
7. Aux termes de l'article 3 du décret du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux : " Les adjoints techniques territoriaux sont chargés de tâches techniques d'exécution. Ils exercent leurs fonctions dans les domaines (...) de l'environnement et de l'hygiène (...). ".
8. Les reproches adressés par la commune à Mme B..., tels que rappelés au point 5, traduisent de la part de l'intéressée non une carence ponctuelle dans l'exercice de ses fonctions, mais un manque de rigueur répété dans l'exercice de la mission de nettoyage qui était la sienne, et révèlent son inaptitude à exercer normalement les fonctions d'adjoint technique territorial correspondant au grade dans lequel elle a été nommée en qualité de stagiaire. Alors même que l'intéressée aurait précédemment donné satisfaction dans ses fonctions d'agent non titulaire, le maire de la commune de Thézan-les-Béziers n'a pas commis d'erreur d'appréciation en prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle.
9. En quatrième lieu, le licenciement de Mme B... du fait de son insuffisance professionnelle étant justifié, ainsi qu'il a été dit au point précédent, le moyen tiré de ce que la commune aurait entendu ainsi la sanctionner et aurait commis à cet égard un détournement de pouvoir ne peut qu'être écarté.
10. En sixième lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) ". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral. Une souffrance psychologique liée à des difficultés professionnelles ne saurait caractériser à elle seule un harcèlement moral, lequel se définit également par l'existence d'agissements répétés de harcèlement ainsi que d'un lien entre ces souffrances et ces agissements. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
11. Il ressort des pièces du dossier que les tâches confiées à Mme B... pendant son stage correspondaient à celles de son cadre d'emploi. Par ailleurs, les lettres de rappel à l'ordre qui lui ont été adressées en raison de son comportement dans l'exercice de ses fonctions n'excèdent pas les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique et ne font pas présumer l'existence d'un harcèlement moral. La requérante n'est pas fondée dès lors à soutenir qu'elle aurait été victime d'un tel harcèlement de la part de la commune.
12. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions accessoires aux fins d'injonctions ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
13. La commune de Thézan-les-Béziers n'étant pas partie perdante, les conclusions de Mme B... tendant à la mise à la charge de la commune d'une somme au titre des frais qu'elle a engagés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions de la commune de Thézan-les-Béziers fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Thézan-les-Béziers fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à la commune de Thézan-les-Béziers et à Me Marini.
Délibéré après l'audience du 8 février 2022 où siégeaient :
M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Carassic, première conseillère,
- Mme Balaresque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2022.
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N°21MA00225