Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 25 juillet 2019 et par des mémoires complémentaires enregistrés les 16 juin 2020 et 25 juin 2020, la commune de Saint-Cyprien, représentée par la SCP d'avocats HGetC, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement du 25 juin 2019 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de rejeter la demande du syndicat des copropriétaires de la résidence Le Yachtman et autres ;
3°) de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires de la résidence Le Yachtman et autres la somme de 2 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'extension de l'urbanisation du secteur UBa, déjà densément construit, présente un caractère limité conformément à l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme issu de loi Littoral ;
- le SCOT prévoit que le port de plaisance de Saint-Cyprien doit être conforté, ce qui permet l'extension de l'urbanisation par une requalification générale du Port ;
- l'extension de l'urbanisation du secteur 1AUd, qui s'apparente à une dent creuse à l'intérieur du tissu urbain du secteur et qui supportera des équipements hydrauliques, est conforme aux orientations du SCOT Plaine de Roussillon et à l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme.
Par deux mémoire en défense enregistrés les 28 octobre 2019 et 5 juin 2020, le syndicat des copropriétaires de la résidence Le Yachtman et autres, représentés par Me D..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Saint-Cyprien la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en intervention volontaire présenté le 29 mai 2020, M. F... L..., représenté par Me D..., demande à la Cour de faire droit aux conclusions du syndicat des copropriétaires de la résidence Le Yachtman et autres tendant au rejet de la requête de la commune de Saint-Cyprien et de mettre à la charge de la commune de Saint-Cyprien la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- son intervention est recevable dès lors qu'il est propriétaire notamment de deux parcelles situées dans le secteur du Port classées en zone UBa annulée par le jugement attaqué ;
- l'extension de l'urbanisation du secteur UBa méconnaît le document d'orientation et d'objectifs du SCOT au sens de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme issu de loi Littoral ;
- cette extension n'est pas justifiée et motivée selon les critères définis par l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme ;
- pour les mêmes motifs, la zone UBa du secteur du Port située à l'extérieur du périmètre de l'orientation d'aménagement et de programmation du Port n'est pas compatible avec le SCOT Plaine de Roussillon.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme K...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me B... pour la commune de Saint-Cyprien et de Me D... pour le syndicat des copropriétaires de la résidence Le Yachtman et M. L....
Considérant ce qui suit :
1. Par délibération du 18 mai 2017, le conseil municipal de la commune littorale de Saint-Cyprien a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune. Le syndicat des copropriétaires de la résidence Le Yachtman et certains copropriétaires de cette résidence ont demandé l'annulation de cette délibération devant le tribunal administratif de Montpellier. Le tribunal administratif de Montpellier, par l'article 1er du jugement, a annulé la délibération du 18 mai 2017 du conseil municipal de Saint-Cyprien en tant seulement que ce plan institue les zones UBa et 1AUd dans le secteur du Port et par l'article 3, a rejeté le surplus de la demande du syndicat des copropriétaires de la résidence Le yachtman et autres. La commune de Saint-Cyprien demande en appel l'annulation de l'article 1er de ce jugement.
Sur l'intervention de M. L... :
2. M. L..., propriétaire de trois parcelles dans le secteur du Port dont deux classées en zone UBa par le PLU en litige, a intérêt au rejet de la requête de la commune de Saint-Cyprien tendant à l'annulation du jugement attaqué, qui annule la délibération en litige en tant qu'elle approuve la création des zones UBa et 1AUd dans le secteur du Port. Par suite, son intervention présentée pour la première fois en appel, doit être admise.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Pour annuler la délibération du 18 mai 2017 du conseil municipal de Saint-Cyprien en tant que ce plan institue les zones UBa et IAUd dans le secteur du Port, les premiers juges ont estimé que la délimitation de ces zones méconnaît l'exigence d'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage posée par l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme.
S'agissant du droit applicable :
4. L'article L. 131-4 du code de l'urbanisme prévoit, d'une part, que les plans locaux d'urbanisme doivent être compatibles avec les SCOT. L'article L. 131-7 de ce code prévoit qu'en l'absence de SCOT, ils doivent notamment être compatibles, s'il y a lieu, avec les dispositions particulières aux zones de montagne et au littoral. L'article L. 131-1 du code de l'urbanisme prévoit, d'autre part, que les SCOT doivent être compatibles avec ces mêmes dispositions.
5. S'il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, il résulte des dispositions citées au point précédent, désormais reprises aux articles L. 131-4 et L. 131-7 du code de l'urbanisme, que, s'agissant d'un plan local d'urbanisme, il appartient à ses auteurs de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de sa compatibilité avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral. Dans le cas où le territoire concerné est couvert par un SCOT, cette compatibilité s'apprécie en tenant compte des dispositions de ce document relatives à l'application des dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, sans pouvoir en exclure certaines au motif qu'elles seraient insuffisamment précises, sous la seule réserve de leur propre compatibilité avec ces dernières.
6. Aux termes de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme : " L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés au 1° de l'article L. 321-2 du code de l'environnement est justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celles d'un schéma de mise en valeur de la mer. (...) ".Doivent être regardées comme une extension de l'urbanisation au sens de ces dispositions l'ouverture à la construction de zones non urbanisées ainsi que la densification significative de zones déjà urbanisées.
7. Le SCOT de la Plaine de Roussillon adopté le 13 novembre 2013, qui couvre le territoire communal, a été annulé par jugement n° 1400380 du 21 décembre 2016 du tribunal administratif de Montpellier. Ce SCOT a été remis rétroactivement en vigueur dès le 13 novembre 2013, du fait de l'annulation, par arrêt n° 17MA00327 du 26 septembre 2017 de la cour administrative d'appel de Marseille, de ce jugement du 21 décembre 2016 du tribunal administratif de Montpellier.
8. Le document d'orientation et d'objectifs du SCOT Plaine de Roussillon dans sa partie A.6.3 Reconnaître les espaces proches du rivage définit ces espaces comme des espaces qui doivent être protégés en limitant les extensions urbaines et en favorisant un développement de l'urbain en profondeur. Il détermine la limite de ces espaces en fonction notamment de la distance au rivage dans laquelle toute extension de l'urbanisation doit être limitée et justifiée au sein de ces espaces par les PLU des communes couvertes ou le SCOT. Il précise dans son point A.6.4 que les extensions de l'urbanisation dans les espaces proches du rivage doivent être justifiées notamment par la géographie ou la configuration particulière des lieux, que les plans locaux d'urbanisme doivent compléter. Il précise que des zones de développement à dominante d'habitat peuvent être développées notamment dans les espaces proches du rivage et qu'en ce cas, la règle d'extension limitée de l'urbanisation devra être justifiée par le PLU local. Ce document indique que les extensions de l'urbanisation concernant les parties actuellement urbanisées des communes doivent être favorisées dans le respect des caractéristiques des quartiers environnants et en limitant l'édification d'immeubles collectifs en front de mer. Ces prescriptions, qui ne peuvent être exclues au motif qu'elles seraient insuffisamment précises par rapport aux exigences de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme issu de la loi Littoral, sont compatibles avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral.
9. Le PLU de la commune de Saint-Cyprien délimite dans le secteur du Port de Saint-Cyprien les zones UBa et 1AUd, situées en espaces proches du rivage, qui font l'objet de l'orientation d'aménagement et de programmation du Port. Cette orientation prévoit pour ces deux zones une destination essentielle d'habitat complétée par des équipements publics à réaménager, tels que la capitainerie, l'office du tourisme et le casino, et de commerces en zone portuaire comprenant une zone de requalification. D'abord, le PLU de la commune délimite dans le secteur du Port deux zones UBa, l'une au nord le long du quai Rimbaud à l'intérieur du périmètre de cette orientation de requalification urbaine et l'autre au sud située à l'extérieur du périmètre de l'orientation de recomposition urbaine, d'une superficie totale de 3,9 hectares, caractérisée selon le règlement comme une zone d'habitat dense essentiellement collectif. Le rapport de présentation prévoit un potentiel d'environ 333 logements dans cette zone. Le règlement de la zone UBa prévoit une hauteur maximale des constructions à 26 m et la possibilité de dépasser, sans qu'une limite soit fixée, cette hauteur maximale dans la limite de 5 % de l'emprise au sol sur la totalité du secteur objet de la requalification urbaine. La circonstance invoquée par la commune que cette zone présenterait la densité bâtie existante la plus importante de toutes les zones urbanisées de la commune est sans incidence sur l'appréciation du caractère urbanisé de la partie concernée du secteur du Port. Il ressort des photographies produites en défense et du site Géoportail, accessible tant aux juges qu'aux parties, que ces deux zones UBa, si elles comportent des constructions et sont urbanisées, ne comprennent pas déjà majoritairement, contrairement à ce que soutient la commune, des immeubles en R+6, R+7et R+8 d'une hauteur pouvant atteindre selon elle 26 m et que la hauteur des constructions autorisées dans ces deux futures zones respecteraient ainsi les caractéristiques du quartier environnant comme exigé par le SCOT. Ces deux zones UBa, situées directement en bordure du quai du port de plaisance, ne sont pas compatibles avec l'orientation du SCOT s'agissant de favoriser un développement urbain en profondeur dans les espaces proches du rivage et de limiter l'édification d'immeubles collectifs en front de mer. La commune ne peut pas utilement faire valoir que cette extension de l'urbanisation le long des bassins artificiels du port de plaisance ne peut être regardée comme située en " front de mer " au sens du SCOT, dès lors que ces espaces constituent des espaces proches du rivage au sens de la loi Littoral. Si le document d'orientation et d'objectifs du SCOT mentionne que le rôle de la ville de Saint-Cyprien doit être " conforté dans la structuration du territoire " couvert par le schéma et qu'il identifie le port de Saint-Cyprien comme un " port de plaisance à conforter " sur son document graphique, il ne peut en être déduit, comme le fait à tort la commune, que son projet de requalification urbaine du Port, notamment par la création de la zone UBa Nord et l'extension de l'urbanisation prévue dans cette zone serait par lui-même compatible pour ce motif avec le SCOT. Par suite, et dès lors que cette extension va modifier de manière importante les caractéristiques du quartier du Port notamment en permettant une densification significative de cet espace urbanisé en prévoyant la création de 333 logements supplémentaires sur une superficie de 3,9 ha, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que l'extension de l'urbanisation prévue par le PLU en litige dans ces deux zones UAb, situées à l'intérieur et à l'extérieur du périmètre de l'orientation d'aménagement et de programmation du Port, est incompatible avec les orientations du schéma de cohérence territoriale Plaine de Roussillon conforme à l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme.
10. Ensuite, le PLU de la commune délimite aussi dans ce secteur du Port une zone 1AUd, d'une superficie de 9,4 hectares située en arrière de la zone UBa. Cette zone, alors même qu'elle est entourée sur trois côtés de zones urbaines, ne supporte pas de constructions comme l'indique le rapport de présentation du PLU et ne peut être ainsi regardée comme une zone urbanisée au sens du SCOT et de la Loi Littoral. Le règlement de cette zone la définit comme une zone ouverte à l'urbanisation multifonctionnelle à vocation principale d'habitat et de commerces et activités de service afin d'accueillir un nouveau quartier, une fois la requalification urbaine du secteur UBa réalisée. Cette zone 1AUd devra faire l'objet d'une seule opération d'aménagement d'ensemble. L'orientation d'aménagement et de programmation du secteur du Port prévoit pour cette zone 1AUd une densité d'habitat de 26 000 m² de surface de plancher. Le règlement du PLU prévoit pour tout le secteur AUd une hauteur maximale des constructions de 15 m et la possibilité de porter cette hauteur à 18 m dans la limite de 5 % de l'emprise au sol sous réserve que les bâtiments soient implantés pour des raisons architecturales d'insertion dans le site en partie centrale du front urbain constitué par le projet. L'emprise au sol n'est pas réglementée dans cette zone. Ces dispositions sont incompatibles avec les orientations du SCOT relatives à la règle de l'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage. Par suite, et alors même que la requalification du Port représente un objectif majeur pour les auteurs du PLU, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que l'ouverture à la construction de cette zone 1AUD non urbanisée est incompatible avec les orientations du schéma de cohérence territoriale Plaine de Roussillon conforme à l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme.
11. Il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-Cyprien n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé la délibération du 18 mai 2017 du conseil municipal approuvant le PLU de la commune en tant que ce plan institue les deux zones UBa et 1AUd dans le secteur du Port.
Sur les frais liés au litige :
12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "
13. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. L..., intervenant volontaire qui n'a pas la qualité de partie à l'instance au sens de ces dispositions, soit fondé à demander que soit mise à la charge de la commune de Saint-Cyprien une quelconque somme à lui verser sur le fondement de ces dispositions. D'autre part, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge du syndicat des copropriétaires de la résidence Le yachtman et autres qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Cyprien la somme de 2 000 euros à verser au syndicat des copropriétaires de la résidence Le Yachtman et autres au titre des frais qu'ils ont exposés pour l'instance engagée.
D É C I D E :
Article 1er : L'intervention de M. L... est admise.
Article 2 : La requête de la commune de Saint-Cyprien est rejetée.
Article 3 : La commune de Saint-Cyprien versera la somme de 2 000 euros au syndicat des copropriétaires de la résidence Le yachtman et autres sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. L... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Cyprien, au syndicat des copropriétaires de la résidence Le Yachtman, à M. F... H..., à M. et Mme G... I..., à la SCI Thiers La Lizolle, à M. N... A..., à M. et Mme M... C..., à Mme J... E... et à M. F... L...
Délibéré après l'audience du 16 mars 2021, où siégeaient :
- M. Chazan, président de chambre,
- Mme Simon, président assesseur,
- Mme K..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2021.
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N° 19MA03490