Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2016, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 décembre 2016 du magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2016 du préfet du Var ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas tenu compte de tous les critères prescrits par les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les motifs retenus par le préfet ne sont pas suffisants pour caractériser une menace à l'ordre public ;
- cette interdiction méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Carassic a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. A..., de nationalité tunisienne, a été interpellé le 21 novembre 2016, lors d'un contrôle d'identité, en situation irrégulière sur le territoire français ; qu'il relève appel du jugement du 5 décembre 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 novembre 2016 par lequel le préfet du Var lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'il appartient au préfet, saisi d'une demande de titre de séjour par un étranger en vue de régulariser sa situation, de vérifier que la décision de refus qu'il envisage de prendre ne comporte pas de conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l'intéressé et n'est pas ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
3. Considérant que le requérant a déclaré, lors de son interpellation le 21 novembre 2016 par les services de police, être entré irrégulièrement en France en 2013 avant d'affirmer être en France depuis trois jours ; qu'il n'établit pas, par la production d'une facture d'achat du 18 mars 2013, d'une demande de souscription téléphonique et par la seule attestation de son père, avoir résidé habituellement entre mars 2013 et septembre 2016 avec ce dernier, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 3 octobre 2017 ; qu'il n'établit pas par la production d'un certificat médical indiquant que l'état de santé de son père nécessite l'aide d'une tierce personne être la seule personne à pouvoir apporter à ce dernier une assistance pour accomplir les actes de la vie quotidienne ; que, s'il soutient partager une vie commune avec une ressortissante française depuis octobre 2016, cette relation est très récente à la date de la décision en litige ; qu'il a reconnu l'enfant à naître, issu de cette relation le 25 novembre 2016, soit postérieurement à l'arrêté attaqué du 21 novembre 2016 ; que M. A... n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu selon ses affirmations jusqu'à l'âge de 26 ans ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des doits de l'homme et des libertés fondamentales en lui refusant un titre de séjour doit être écarté ; que, pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
4. Considérant qu'aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / (...) Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification. / L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...). " ;
5. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux ; que la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs ; que si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère ;
6. Considérant qu'il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger ; qu'elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet ; qu'elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace ; qu'en revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément ;
7. Considérant, d'abord, que la décision prononçant à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, mentionne les dispositions du III de l'article L. 511-1 précité, indique qu'il a reconnu séjourner sur le territoire national depuis trois jours seulement, qu'il n'est pas en mesure de justifier de sa présence régulière étant démuni de tout document de voyage et d'identité, qu'il est célibataire et sans enfant et qu'il a déclaré qu'il n'a aucun lien familial dans son pays d'origine ; que, par suite, cet arrêté, en tant qu'il prononce à l'encontre du requérant une interdiction de retour sur le territoire français, comporte les considérations sur lesquelles il est fondé et ne saurait être regardé comme insuffisamment motivé au seul motif que n'est pas mentionné le critère légal de la menace à l'ordre public, circonstance non prise en compte par le préfet dans sa décision ;
8. Considérant, ensuite, que, contrairement à ce que soutient M. A..., la motivation de la décision attaquée, rappelée au point 7, atteste de la prise en compte par le préfet, au vu de la situation de l'intéressé, des quatre critères énoncés au III de l'article L. 511-1 précité ; qu'en outre, la seule circonstance qu'elle ne mentionne pas expressément que sa présence constituerait une menace pour l'ordre public n'est pas de nature à la faire regarder comme entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet n'a pas retenu ce critère au nombre des motifs de sa décision; que, par ailleurs, en se fondant sur la brièveté de son séjour en France, sur l'absence de tout lien déclaré familial dans ce pays ainsi que sur l'absence de document officiel prouvant son identité, le préfet du Var a pu, sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, prononcer à son encontre une interdiction de retour pour une durée de deux ans ;
9. Considérant en dernier lieu qu'eu égard à ce qui a été dit au point 3 et dès lors que le requérant a déclaré au préfet lors de son interpellation qu'il était célibataire sans charge de famille, le préfet du Var n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le premier juge a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 31 août 2017, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme Carassic, première conseillère.
Lu en audience publique, le 14 septembre 2017.
2
N° 16MA04874