Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 1er décembre 2021, la commune de Belcodène, représentée par Me Andréani, demande à la Cour :
1°) d'annuler cette décision du 24 novembre 2021 ;
2°) de rejeter la demande de suspension de l'exécution du permis de construire du 6 mai 2021 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de suspension est irrecevable en raison de la tardiveté de la requête au fond ;
- les requêtes au fond et en référé sont irrecevables, à défaut de qualité pour agir de leur signataire ;
- les dispositions du plan local d'urbanisme ne sont pas opposables à la demande en vertu de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme dès lors que le terrain a fait l'objet d'une autorisation de lotir accordée le 23 juillet 2018 ;
- le projet ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
Par un mémoire en défense, enregistré 17 janvier 2022, le préfet de la région Provence, Alpes, Côte d'Azur, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête au fond n'est pas tardive ;
- les signataires du recours gracieux et du recours contentieux, disposaient de délégations de signature versées sur la plate-forme dématérialisée Télérecours ;
- le projet est situé en zone T1.5.5 du plan local d'urbanisme où les constructions nouvelles sont interdites et présente un risque pour la sécurité publique, tel que prévu à l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en raison d'une exposition aux risques de feu de forêt ;
- le terrain est situé en zone inondable cartographiée dans le PLU et telle que mentionnée à l'article T1 5. 6 du PLU, et au sein du lit majeur du cours d'eau, où toutes les constructions nouvelles sont interdites.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C..., juge des référés ;
- et les observations de Me Andréani, représentant la commune de Belcodène.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... a déposé une demande de permis de construire une maison individuelle sur un terrain cadastré section AC parcelle n° 326, chemin des Michels à Belcodène, le 22 février 2021. Par arrêté du 6 mai 2021 le maire de la commune de Belcodène a fait droit à cette demande. Après avoir formé un recours gracieux auprès du maire le 6 juillet 2021, le préfet de la région Provence, Alpes, Côte d'Azur, préfet des Bouches-du-Rhône, a déféré ce permis au tribunal administratif de Marseille. Il a assorti ce déféré d'une demande de suspension sur le fondement des dispositions de l'article L. 554-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance du 24 novembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a prononcé la suspension de l'exécution des effets de l'arrêté du 6 mai 2021. Dans la présente instance, la commune de Belcodène relève appel de cette ordonnance.
Sur la recevabilité des demandes de première instance :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage (...) ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département (...) ". Aux termes de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission (...) ". Parmi les actes mentionnés par l'article L. 2131-2 de ce code figure, au 6° : " Le permis de construire et les autres autorisations d'utilisation du sol et le certificat d'urbanisme délivrés par le maire ". L'article R. 424-23 du code de l'urbanisme fixe à deux mois le délai d'instruction de droit commun pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle et l'article R. 424-1 du même code prévoit que, à défaut d'une décision expression dans le délai d'instruction, le silence gardé par l'autorité compétente vaut permis de construire. Aux termes de l'article L. 424-8 du code de l'urbanisme : " Le permis tacite et la décision de non-opposition à une déclaration préalable sont exécutoires à compter de la date à laquelle ils sont acquis. " Enfin, l'article R. 423-7 du même code dispose : " Lorsque l'autorité compétente pour délivrer le permis ou pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est le maire au nom de la commune, celui-ci transmet un exemplaire de la demande ou de la déclaration préalable au préfet dans la semaine qui suit le dépôt ".
3. S'il résulte des dispositions de l'article L. 424-8 du code de l'urbanisme qu'un permis de construire tacite est exécutoire dès qu'il est acquis, sans qu'il y ait lieu de rechercher s'il a été transmis au représentant de l'Etat, ces dispositions ne dérogent pas à celles de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, en vertu desquelles le préfet défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. Figurent au nombre de ces actes les permis de construire tacites. Une commune doit être réputée avoir satisfait à l'obligation de transmission, dans le cas d'un permis de construire tacite, si elle a transmis au préfet l'entier dossier de demande, en application de l'article R. 423-7 du code de l'urbanisme. Le délai du déféré court alors à compter de la date à laquelle le permis est acquis ou, dans l'hypothèse où la commune ne satisfait à l'obligation de transmission que postérieurement à cette date, à compter de la date de cette transmission.
4. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la commune de Belcodène aurait transmis au préfet des Bouches-du-Rhône l'entier dossier de demande de permis de construire de M. A..., avant le 17 mai 2021. Dans ces conditions, à supposer même qu'un permis tacite aurait été acquis dès le 22 avril 2021 en l'absence de réponse à la demande du pétitionnaire du 22 février 2022, le délai ouvert au préfet des Bouches-du-Rhône pour former un déféré contre le permis de construire tacite courait à compter du 17 mai 2021. Dès lors, le recours gracieux du 6 juillet 2021, présenté dans le délai de recours contentieux, a interrompu ce délai et le déféré introduit devant le tribunal administratif le 2 novembre 2021, moins de deux mois après le rejet implicite de ce recours gracieux survenu le 6 septembre 2021, conformément aux dispositions de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, n'était pas tardif.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 221-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'entrée en vigueur d'un acte réglementaire est subordonnée à l'accomplissement de formalités adéquates de publicité, notamment par la voie, selon les cas, d'une publication ou d'un affichage, sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires ou instituant d'autres formalités préalables. ".
6. L'arrêté par lequel le préfet donne délégation aux personnes occupant certaines fonctions à l'effet notamment de déférer les actes des collectivités territoriales devant les juridictions administratives à la suite de l'exercice du contrôle de légalité est un acte réglementaire. Il ressort des pièces du dossier que, par arrêté du 20 janvier 2021, le préfet de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur et des Bouches du Rhône a donné délégation à Mmes D... et Laybourne, secrétaire générale et secrétaire générale adjointe de la préfecture des Bouches-du-Rhône, à l'effet de signer notamment les actes nécessaires au pilotage des unités opérationnelles dont le préfet du département des Bouches-du-Rhône est responsable, qui fait l'objet d'une publication au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le département, mis en ligne sur le site internet de la préfecture. Une demande de recours gracieux adressée à l'auteur d'une décision transmise au contrôle de légalité et l'introduction d'un déféré devant une juridiction administrative, sont au nombre des actes relevant du pilotage d'une unité opérationnelle de la préfecture. Il est constant que l'arrêté du 20 janvier 2021 est librement et aisément consultable à partir du site internet de la préfecture. Dès lors et en l'absence de disposition prévoyant des modalités particulières de publication de ce type d'arrêté, il a fait l'objet d'une publicité adéquate au sens des dispositions de l'article L. 221-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de qualité pour agir du signataire du déféré devant le tribunal administratif de Marseille et de la demande de suspension dont il était assorti devant la même juridiction doit être écarté.
Sur la légalité de l'arrêté du 6 mai 2021 :
7. En vertu des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'une ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif a prononcé la suspension de l'exécution d'un permis de construire, de se prononcer sur le bien-fondé des moyens retenus au soutien de son ordonnance, et d'apprécier si l'un de ces moyens justifie la solution de suspension. Dans le cas où il estime qu'aucun des moyens retenus par le juge des référés du tribunal administratif n'est fondé, le juge d'appel examine les autres moyens de première instance. Il lui appartient de les écarter si aucun d'entre eux n'est fondé et, à l'inverse, en application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, de se prononcer, si un ou plusieurs d'entre eux lui paraissent fondés, sur l'ensemble de ceux qu'il estime, en l'état de l'instruction, de nature à confirmer, par d'autres motifs, la suspension ordonnée par le premier juge.
8. Pour suspendre l'exécution de l'arrêté litigieux, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a considéré que les moyens tirés d'une méconnaissance des articles T.1.5.5 et T1.5.6 du règlement du plan local d'urbanisme de Belcodène étaient propres à créer un doute sérieux quant à sa légalité.
9. Aux termes de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme : " Lorsque le lotissement a fait l'objet d'une déclaration préalable, le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme nouvelles intervenues depuis la date de non-opposition à la déclaration préalable, et ce pendant cinq ans à compter de cette même date. ".
10. Il résulte des dispositions de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme que le document d'urbanisme applicable aux demandes de permis de construire présentées dans le cadre d'un lotissement est celui en vigueur à la date à laquelle a été délivrée l'autorisation de lotir et ce, pendant un délai de cinq ans à compter de la réception par l'administration, de la déclaration d'achèvement du lotissement. Durant ce délai, les dispositions des documents d'urbanisme intervenues postérieurement à l'autorisation de lotissement ne sont pas opposables aux demandes de permis de construire.
11. Par un arrêté du 23 juillet 2018, le maire de Belcodène n'a pas fait opposition à la déclaration préalable, de M. A..., portant sur la division en deux lots de la parcelle A175, dont un des lots était déjà bâti et l'autre était à bâtir. Cette déclaration, qui concerne le terrain d'assiette du projet litigieux dans la présente instance, était donc constitutive d'une déclaration préalable de lotissement, en application des dispositions précitées. Dès lors, les dispositions du document d'urbanisme en vigueur à cette date, soit en l'espèce, le plan local d'urbanisme approuvé le 19 décembre 2017, étaient applicables à la demande de permis de construire déposée postérieurement par M. A... sur ce terrain.
12. Aux termes de l'article T.1.5.5 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Belcodène : " Dans les zones rouges, la protection réside en une interdiction générale pour toutes les occupations du sol nouvelles et tout particulièrement les travaux augmentant le nombre de personnes exposées au risque ou le niveau du risque, notamment : / Les construction nouvelles a usage ou non d'habitation (...) ".
13. Il ressort des dispositions du plan local d'urbanisme de la commune de Belcodène et notamment de la cartographie du règlement graphique, que le terrain d'assiette du projet est situé en zone rouge aléa fort à exceptionnel concernant les risques de feu de forêt. En application des dispositions précitées de l'article T.1.5.5 du plan local d'urbanisme, il existe une interdiction générale pour toute nouvelle construction en zone rouge. Dans ces conditions, la commune de Belcodène n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a jugé que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article T.1.5.5 du plan local d'urbanisme paraissait de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué.
14. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, l'autre moyen retenu par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille tiré de la méconnaissance de l'article T1.5.6 du règlement du plan local d'urbanisme, ne paraît pas propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige. Toutefois, le seul moyen tiré de la méconnaissance de l'article T.1.5.5 du règlement du plan local d'urbanisme justifiait la suspension de l'exécution de l'arrêté litigieux.
15. Il résulte de ce qui précède que la commune de Belcodène n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a ordonné la suspension de l'exécution du permis de construire du 6 mai 2021.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par la commune de Belcodène, non compris dans les dépens.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de la commune de Belcodène est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Belcodène et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Copie en sera adressée préfet de la région Provence, Alpes, Côte-d'Azur, préfet des Bouches-du-Rhône.
Fait à Marseille, le 25 février 2022.
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N° 21MA04606
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