Par un jugement commun n° 2002211 et n° 2002212 du 17 décembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.
Procédures devant la cour :
I. Par une requête n° 21NC00170 enregistrée le 18 janvier 2021, Mme C... représentée par Me Gaffuri demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 17 décembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 octobre 2020 par lequel le préfet de l'Aube lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai ;
3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa demande d'admission au séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision est insuffisamment motivée et sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen particulier et approfondi ;
- elle est entachée d'erreur de droit au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions des articles L. 313-13, L. 313-14 et L. 314-11-8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée par rapport à la décision de rejet de l'Office français des réfugiés et apatrides (OFPRA) ;
- la décision porte atteinte à son droit au respect à une vie privée et familiale tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de la gravité de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2021, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 15 avril 2021.
II. Par une requête n° 21NC00172 enregistrée le 18 janvier 2021, M. A... représenté par Me Gaffuri demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 17 décembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 octobre 2020 par lequel le préfet de l'Aube lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ;
3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa demande d'admission au séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision est insuffisamment motivée et sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen particulier et approfondi ;
- elle est entachée d'erreur de droit au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions des articles L. 313-13, L. 314-11-8° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée par rapport à la décision de rejet de l'Office français des réfugiés et apatrides (OFPRA) ;
- la décision porte atteinte à son droit au respect à une vie privée et familiale tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de la gravité de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2021, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 15 avril 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Barrois, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les époux A... et C..., ressortissants ivoiriens, sont entrés respectivement sur le territoire français selon leurs déclarations le 25 septembre 2018 et le 17 mars 2017, accompagnés de leurs filles nées en 2013 et en 2015, afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié en raison des risques d'excision qu'encourent leurs filles et des persécutions dont ils font l'objet en raison de leur opposition à cette coutume. Leur demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 23 octobre 2019, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 18 septembre 2020. Par un arrêté du 6 octobre 2020, le préfet de l'Aube leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office à l'expiration de ce délai. Par des requêtes qu'il convient de joindre, M. A... et Mme C... font appel du jugement commun du 17 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " I. ' L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° ; (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée ".
3. En premier lieu, les décisions attaquées mentionnent les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation des requérants et les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que tous les éléments de faits relatifs aux situations personnelles et familiales de Mme C... et de M. A... et notamment les décisions de rejet de leurs demandes d'asile. Elles contiennent ainsi l'exposé des considérations de droit et de fait sur lesquelles s'est fondé le préfet de l'Aube pour les obliger à quitter le territoire français. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de leur situation personnelle et familiale avant de prendre les décisions attaquées. Par suite, les moyens invoqués par Mme C... et M. A... tirés d'une insuffisance de motivation et de l'absence d'examen de leur situation personnelle doivent être écartés.
4. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 est délivrée de plein droit : / 1° À l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire en application de l'article L. 712-1 ; / 2° A son conjoint, son partenaire avec lequel il est lié par une union civile ou son concubin, s'il a été autorisé à séjourner en France au titre de la réunification familiale dans les conditions prévues à l'article L. 752-1 ; / 3° A son conjoint ou au partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est postérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile, à condition que le mariage ou l'union civile ait été célébré depuis au moins un an et sous réserve d'une communauté de vie effective entre époux ou partenaires ; / 4° A ses enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 ; / 5° A ses ascendants directs au premier degré si l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection est un mineur non marié. / Sans préjudice du troisième alinéa du II de l'article L. 752-1, la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. / (...). " et de l'article L. 314-11 de ce même code, " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 8° A l'étranger reconnu réfugié en application du livre VII (...) ; ". A supposer que Mme C... et M. A... soutiennent remplir les conditions prévues par les articles L. 313-11 et L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ils n'en justifient pas et par suite, le préfet pouvait prendre à leur encontre une obligation de quitter le territoire français.
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 313-14 de ce code, " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ". Lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français. Tel n'est pas le cas de la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles ne prescrivent pas la délivrance d'un titre de plein droit mais laissent à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels dont l'intéressé se prévaut. Le législateur n'a ainsi pas entendu imposer à l'administration d'examiner d'office si l'étranger remplit les conditions prévues par cet article ni, le cas échéant, de consulter d'office la commission du titre de séjour quand l'intéressé est susceptible de justifier d'une présence habituelle en France depuis plus de dix ans. Par suite, Mme C... et M. A... ne peuvent pas utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre d'une obligation de quitter le territoire français alors qu'ils n'avaient pas présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de cet article et que l'autorité compétente n'a pas procédé à un examen d'un éventuel droit au séjour à ce titre.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Si Mme C... et M. A... font valoir qu'ils sont entrés en France en 2017 et en 2018 avec leurs deux filles, scolarisées en France et qu'un troisième enfant serait né après la décision attaquée, il ressort des pièces du dossier que la cellule familiale pourrait se reconstituer en Côte d'Ivoire, qu'ils n'y sont pas dépourvus de toute attache familiale et qu'ils n'ont pas tissé de liens particuliers en France. Dans ces conditions, les décisions attaquées ne portent pas à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elles poursuivent. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.
7. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que les requérants n'apportent aucun élément établissant qu'ils seraient effectivement exposés à des traitements inhumains et dégradants et qu'ils encourent un risque pour leur vie en cas de retour dans leur pays d'origine de nature à contredire l'appréciation de l'OFPRA, confirmée par la suite par la CNDA. Par suite, nonobstant la circonstance que les requérants soutiennent vouloir déposer devant l'OFPRA une demande de réexamen de leur situation, le préfet de l'Aube, n'a commis aucune erreur manifeste dans l'appréciation de la gravité des conséquences de ses décisions sur leurs situations personnelles. Il ne peut pas plus être regardé comme s'étant estimé en situation de compétence liée eu égard aux décisions prises par l'OFPRA et la CNDA.
Sur les décisions fixant le pays de destination :
8. En cinquième quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Si Mme C... et M. A... soutiennent que leur vie est menacée en cas de retour en Côte d'Ivoire en raison de leur opposition à l'excision de leurs filles voulue par la famille paternelle de M. A..., ils n'assortissent leur requête d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Le moyen tiré de la violation des stipulations et dispositions précitées ne peut ainsi qu'être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... et M. A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : La requête de M. A... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.
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N° 21NC00170-21NC00172