Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 20NC02993 le 13 octobre 2020, M. et Mme B..., représentés par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 25 juin 2020 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de la Moselle du 29 janvier 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de leur délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai déterminé au besoin sous astreinte ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation administrative dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me A... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
Sur le refus de titre de séjour :
- les juges ont dénaturé les pièces du dossier puisque l'avis de l'OFII produit en première instance est illisible en ce qui concerne la signature de deux des membres ;
- il existe un doute sérieux sur l'effectivité de la délibération collégiale de l'OFII compte tenu des résidences des médecins signataires dès lors ils ont été privés d'une garantie ;
- la décision méconnaît l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier dès lors que les requérants ont utilement contredit l'avis de l'OFII.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- ils sont fondés à solliciter l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire par voie d'exception de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la fixation du pays de destination :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2021, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ;
- il renvoie à ses écritures de première instance.
M. et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions en date du 29 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'OFII, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Grossrieder, présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B..., nés respectivement le 23 mars 1983 à Ngjeqar et le 29 avril 1990 à Vlore, de nationalité albanaise, sont entrés en France selon leurs dires le 5 juin 2017, et y ont sollicité en vain l'asile. Ils ont demandé, le 10 juillet 2019, le renouvellement de leur autorisation de séjour en raison de l'état de santé de leur fils C.... Par deux arrêtés du 29 janvier 2020, le préfet de la Moselle leur a refusé le séjour et leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de leur pays d'origine. Par un jugement du 25 juin 2020, dont M. et Mme B... relèvent appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande d'annulation de ces arrêtés.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé ".
3. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11 de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...). Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. ". Enfin, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 prévoit, d'une part, que l'avis émis par le collège des médecins " mentionne les éléments de procédure " et, d'autre part, qu'il est émis " conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté ".
4. Dès lors que l'avis du collège des médecins de l'Office Français de l'Immigration et de l'Intégration (OFII) du 2 février 2020, ainsi que le bordereau par lequel l'OFII a transmis l'avis susmentionné au préfet, mentionnent lisiblement l'identité des médecins ayant examiné la situation du requérant, la circonstance que les signatures apposées sous les prénoms et noms des médecins qui, par leur nature même, ne permettent pas de lire le nom de ces médecin, n'entache pas d'irrégularité cet avis. Par ailleurs, cet avis porte la mention : " après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ", et est signé par les trois médecins composant le collège. Comme l'ont relevé les premiers juges, si le requérant, sur qui repose la charge de la preuve, soutient que l'avis n'a pas été rendu dans le cadre d'un débat collégial, il n'étaye ses allégations d'aucun commencement de preuve, la circonstance que les trois médecins composant le collège résident dans des villes différentes n'étant pas de nature à remettre en cause l'exactitude des mentions y étant portées. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie ne peut qu'être écarté.
5. En second lieu, aux termes de l'article L. 311-12 du CESEDA : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L.313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11 11°. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites ". La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'effectivité du bénéfice d'un traitement approprié dans le pays de renvoi.
6. Il ressort de l'avis du collège de médecins de l'OFII du 2 février 2020 que l'état de santé du fils des requérants nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Albanie, il pourrait y bénéficier d'un traitement approprié, pays vers lequel il pourrait en outre voyager sans risque. Pour contester cet avis, les requérants produisent une série de documents médicaux, dont la plupart sont rédigés sous la forme conditionnelle et se bornent à relater la pathologie et le traitement nécessité par leur fils, qui n'apportent aucun élément justifiant que leur fils ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans leur pays d'origine, pays dans lequel a été diagnostiquée la maladie du jeune C.... Il s'ensuit qu'il n'est pas établi que leur fils remplirait les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni, par suite, que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article L. 311-12 du même code en refusant de délivrer un titre de séjour aux requérants.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que les époux B... ne sont pas fondés à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision refusant de leur accorder un titre de séjour, à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions les obligeant à quitter le territoire.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, M. et Mme B... ne justifient pas que leur fils ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Albanie. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays d'éloignement :
10. En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les arrêtés litigieux comportent les considérations de fait et de droit qui constituent le fondement des décisions fixant le pays de destination. Ces décisions sont ainsi suffisamment motivées.
11. En second lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 6, les requérants n'établissent pas que leur fils ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Albanie et que son état de santé s'aggraverait en cas de retour dans leur pays d'origine. Il s'ensuit que le préfet n'a pas entaché ses décisions fixant le pays de renvoi d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation des intéressés.
12. Il résulte de tout ce qui précède, que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
14. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil des époux B... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à Mme D... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 20NC02993