Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n°19NC03425 le 25 novembre 2019, le préfet du Haut-Rhin demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 novembre 2019, d'une part, en tant qu'il a annulé les arrêtés du 26 septembre 2019 en tant qu'ils prévoient une interdiction de retour de Mme D... épouse A... et de M. C... A... sur le territoire français et, d'autre part, en tant qu'il a condamné l'Etat à verser la somme de 950 euros à Me B..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que Mme et M. A... soient admis définitivement au bénéfice de l'aide juridictionnelle et que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
2°) de rejeter les conclusions de M. et Mme A... tendant, d'une part, à l'annulation des décisions portant interdiction de retour sur le territoire français et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que ses décisions portant interdiction de retour sur le territoire français ne sont pas entachées d'erreur d'appréciation.
La requête a été communiquée à Mme D... épouse A... et à M. C... A..., qui n'ont pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A... et Mme D... épouse A..., ressortissants albanais, sont entrés en France, avec leur fille Arselda, le 30 mai 2019. Ils ont sollicité la reconnaissance du statut de réfugié le 4 juin 2019. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 14 août 2019. Le préfet du Haut-Rhin a alors pris à leur encontre, par deux arrêtés du 26 septembre 2019, des décisions leur faisant obligation de quitter le territoire dans le délai de départ volontaire de trente jours, fixant le pays de destination et leur faisant, d'une part, interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et, d'autre part, obligation de se présenter une fois par semaine à la brigade mobile de recherche. Le préfet du Haut-Rhin fait appel du jugement du 15 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les arrêtés du préfet du Haut-Rhin du 26 septembre 2019 en tant qu'ils prévoient une interdiction de retour sur le territoire français et condamné l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Sur la légalité des décisions portant interdiction de retour sur le territoire français :
2. Aux termes des premier et huitième alinéas du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".
3. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.
4. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
5. Il ressort des pièces du dossier que, pour prononcer à l'encontre des intéressés une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, le préfet du Haut-Rhin a pris en compte, dans le cadre du pouvoir d'appréciation qu'il exerce à cet égard, les quatre critères énoncés par les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour retenir en particulier la faible durée de présence de M. et Mme A... sur le territoire français, et l'absence de liens familiaux intenses et stables en France. Il est constant que M. et Mme A... étaient en France depuis moins de six mois à la date des décisions attaquées et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils auraient des attaches familiales en France, hormis la présence de leur fille mineure. Dans ces conditions et alors même que les intéressés n'avaient pas fait l'objet de précédentes mesures d'éloignement et ne présentent pas une menace pour l'ordre public, le préfet n'a pas méconnu lesdites dispositions en prenant à leur encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
6. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Haut-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler les décisions en date du 26 septembre 2019 portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. et Mme A... devant le tribunal administratif à l'encontre des décisions leur faisant interdiction de retourner sur le territoire français.
8. Il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par le premier juge, le moyen tiré de l'exception d'illégalité des décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français que M. et Mme A..., qui n'ont pas produit en appel, ont présenté devant le tribunal.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Haut-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les décisions en date du 26 septembre 2019 portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Par suite, l'article 2 du jugement attaqué doit être annulé.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
11. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Haut-Rhin est également fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a condamné l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, à verser la somme de 950 euros à Me B..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que Mme et M. A... soient admis définitivement au bénéfice de l'aide juridictionnelle et que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Par suite, l'article 3 du jugement attaqué doit être annulé.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 novembre 2019 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de Mme D... épouse A... et de M. C... A... tendant, d'une part, à l'annulation des décisions portant interdiction de retour sur le territoire français et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié M. C... A... et à Mme D... épouse A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N° 19NC03425